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Pauvreté et sens du travail social

Publie le vendredi 11 mars 2005 par Open-Publishing

texte du collectif 76 des salariés du social et medico-social

Le collectif 76 des salariés du social et médico-social a organisé un atelier lors du forum social Rouennais, qui avait pour thème la pauvreté. Nous avons produit ce texte à cette occasion, dans l’idée de susciter des interrogations sur la montée de la précarité en France, et en parallèle la montée du liberalisme dans le travail social.
La pauvreté

la définition du dictionnaire Robert indique :

« Qui manque, du nécessaire pour subvenir à ses besoins. » Arrêtons nous un instant à ce terme. Besoin :

L’aide sociale, telle qu’elle s’organise dans notre société « libérale », exige une contrepartie de l’aide et de l’assistance (même alimentaire) pour ceux de ses membres qui ne parviennent pas à « subvenir à leurs besoins. » Notre hypothèse c’est que cette contrepartie posée comme obligatoire, pourrait bien être hors la loi, si l’on se réfère à quelques textes faisant référence à des droits humains fondamentaux, inaliénables et donc susceptibles d’aucune contrepartie.

L’enjeu comme le souligne P Decleih (cf « les naufragés ») c’est une redéfinition du contrat social. C’est satisfaire les besoins humains sans les monnayer, sans obliger les personnes à quémander, à se soumettre à une aumône généralisée, humiliante et aliénante. Actuellement seules les organisations telles que ATD Quart, DAL, Amnesty International et d’autres font références à ces droits fondamentaux : Le Pacte international (cf : journal « Résistances », ATD Quart monde) relatif aux droits économiques sociaux et culturels, déclaration adoptée par le comité des droits économiques, sociaux et culturels » 4 mars 2001 Doc ONU E/C 10/12/2001.

Obligation alimentaire : Se référer à « Les droits de l’enfant » convention du 20/11/1989, du 15/04/1958, du 02/10/1973 et à la convention de la Haye du 05/10/1961. Déclaration des droits de l’homme (10/12/1948) : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ».

Droits à l’instruction :

1793, article 22 : « L’instruction est le besoin de tous. La société dit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens » 1848 (VIII) : La République doit protéger le citoyen (...) dans son travail et mettre à la portée de chacun l’instruction nécessaire à tous les hommes ». Droit au travail 1946 : Préambule : « chacun a le droit de travailler et le droit d’obtenir un emploi » Droit à la santé 1946 : « La nation garantie à tous (...) la protection de la santé, la sécurité matérielle (...) Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenable d’existence » Devoir de protection de la nation (« d’assistance » ?) 1848, Constitution de 4/11 : (...)

titre VIII - La République doit par une assistance fraternelle assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler ». 1946 : la Nation garantit à tous, notamment à l’enfant à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repas et les loisirs. Si les travailleurs sociaux agissent dans le sens du respect de ces droits fondamentaux, cela conduit un bouleversement de leurs pratiques. L’accès à une épicerie sociale se fait sous certaine conditions.

Le logement idem. Qui songe a les remettre en cause ? il faut que les travailleurs sociaux se ressaisissent de ces droits dit « fondamentaux », c’est écrit !, qu’ils n’hésitent pas à avoir recours à des associations les mettant en avant (le DAL, association de « sans papiers », même si cela ne peut se faire officiellement parfois ! Travail social et montée du libéralisme La première loi de décentralisation du 22 juillet 1983, entrée en vigueur le 1er janvier 1984, réalise les transferts de compétences dans le domaine sanitaire et social entre l’ÉTAT et les Collectivités Locales. Dans le même temps l’inadéquation entre les restrictions budgétaires issues de la loi de décentralisation et la massification du chômage ne peuvent maîtriser la prise en charge d’un afflux de populations jusqu’alors inconnues des services sociaux, qui bascule dans la précarité Afin de rationaliser la maîtrise des coûts les institutions du secteur social sont soumises à l’expertise de non professionnels du travail social : sociologues instrumentalisés, managers cabinets-conseils, outils du libéralisme et du secteur productif Adapter des logiques d’entreprises productives soumises aux lois du marché, au secteur social dont la matrice est constituée par la relation d’aide et d’accompagnement, non quantifiables, puisqu’il s’agit d’êtres humains, et non des chaînes de production, apparaît en totale contradiction avec la mission du travail social Dans le champ de la prévention spécialisée, les mêmes experts ont pris la place de producteurs de connaissances qu’occupaient jusqu’alors les éducateurs spécialisés reconnus comme étant au fait des problématiques sociales sur le terrain.

Ces experts de cabinets-conseil participent de ce fait d’une déqualification du métier d’éducateur spécialisé. Les politiques d’insertion par l’économie ont succédé aux politiques d’intégration. Il ne s’agit plus de réintégrer une personne ayant subi un accident de parcours, rupture familiale, licenciement, problème de santé, dans ses droits fondamentaux, mais d’établir un système basé sur l’assistanat. L’ouverture du champ par les politiques publiques aux « petits boulots » du social segmentés et ponctuels, sans formation sociale initiale (grands frères, femmes-relais, médiateurs sociaux, agents d’insertion, développeurs etc.) a instauré la précarité dans les métiers de l’intervention sociale, et a interagi sur la qualification des travailleurs sociaux.

Une logique de compétence, credo du système libéral, s’est substituée à une logique de qualification, constituée auparavant par une adéquation entre formation, diplôme, statut et salaire. Aux repères déontologiques, à la relation d’aide et d’accompagnement se substitue un empilement de dispositifs, des interventions fragmentées et éphémères auprès des publics en difficultés.

Le secteur social et l’ultra libéralisme : un rapport inquiétant.

Le rapport du M.E.D.E.F. en juillet 2002 : « Nouvelles règles du jeu pour le secteur social » propose d’intégrer le secteur social dans le marché concurrentiel où les principes de « Refondation sociale-libérale » seraient appliqués. Des pans entiers de l’action sociale sont devenus rentables, grâce aux politiques publiques. Les cercles dirigeants du M.E.D.E.F. trouvent anachronique que les capitaux, le savoir-faire, les populations concernées par l’intégration, ne fassent pas l’objet d’une appropriation privée et lucrative.

Il s’agirait de « solvabiliser la demande » au lieu de financer publiquement l’offre.(AGCF) Le travail social exerce une sorte de monopole auprès de larges couches de populations, cependant il n’exerce pas toujours une fonction de reproduction des rapports sociaux : en ce sens il peut être porteur de critiques, d’engagement social ou syndical. Les interrogations con cernant le statut démocratique des pratiques sociales et de la société en général ne sont pas épargnées. Le projet du M.E.D.E.F. encourage la charité qui serait financée par des dons défiscalisés. Il remet en cause les « privilèges du secteur social » notamment l’exemption fiscale de certaines entreprises et les financements dont bénéficient les associations.

Il remet en cause l’engagement de l’État, et souhaite juxtaposer un secteur caritatif et un secteur privé concurrentiel. Cette conception remet en cause l’existence même du travail social. Cette approche déclenche de nombreuses réactions. Pour R.Curie, sociologue, ce rapport n’est que la manifestation de l’influence croissante des politiques libérales sur le secteur social.

Une modification profonde du paysage institutionnel

De nombreux facteurs sont venus modifier le paysage institutionnel qui prévalait pendant la période de structuration des formations du travail social La manière dont se pose aujourd’hui la question sociale (massification du chômage, montée des exclusions, etc.) amène à un élargissement considérable des publics concernés. La décentralisation de l’aide sociale a diversifié et donné une place de plus en plus importante aux collectivités territoriales dans la définition des politiques sociales.

Le brouillage des frontières traditionnelles entre champ de compétence lié à l’imbrication des problématiques (lien entre problèmes sociaux, de santé, de handicap, de protection de l’enfance, de travail ) et dont témoigne le développement de politiques transversales (insertion par l’économique, politique de la ville, prévention de la délinquance, formation, insertion...) accroît considérablement le nombre d’institutions concernées par les questions sociales. Le développement d’initiatives nombreuses ouvre l’intervention auprès de publics en difficulté à d’autres acteurs de la société civile (associations issues des mouvements sociaux ou de l’action humanitaire ou caritative) dont la place dans le paysage social devient largement permanente.

Une augmentation globale des dépenses de l’action sociale, sous la contrainte cependant de maîtrise des budgets départementaux fragilise l’ensemble du secteur et creuse l’écart entre les secteurs traditionnels inscrits dans un dispositif réglementaire fort (handicap, protection de l’enfance) et les secteurs émergents fonctionnant avec des moyens financiers plus précaires et complexes, imposant des modes de gestion de l’action moins structurés. Un abandon du champ de l’insertion et des politiques de la ville par les éducateurs spécialisés laisse se profiler un nouveau territoire où s’opère un travail social fragmenté, exercé par des agents sans formation sociale. Il ne s’agit pas là de défendre des privilèges corporatistes, le travail social ayant trouvé ses racines dans un militantisme engagé, inscrit dans les idéaux des mouvements d’éducation populaire.

Il s’agit que ces nouveaux agents se professionnalisent, et que les centres de formation leur en donnent les moyens, en les reconnaissant au travers d’un statut cohérent et d’un diplôme avalisé par l’État. Une instrumentalisation des associations, et des professionnels par les élus locaux désireux d’appliquer le mandat dont ils tirent légitimité crée des ruptures dans la continuité du travail social, les objectifs et les budgets évoluant au fur à mesure de l’étiquette politique du maire ou du président du conseil général. Les associations sous tutelle des conseils généraux sont donc soumises à de lourdes pressions, à des risques de déconventionnement comme l’ont été un certain nombre de clubs de prévention, et se cantonnent bien souvent à un rôle de prestataire de service.

Si certaines restent présentes sur ce terrain, elles ne se sont pas organisées en fédérations fortes susceptibles de créer des contre-pouvoirs, mais s’inscrivent séparément dans des logiques concurrentielles.. Elles se sont trouvées écartées ou ont choisi de s’écarter des instances de décision. Elles deviennent tributaires de la commande sociale, de la surcharge de travail, de la stagnation des budgets. Le travail social face au libéralisme La pauvreté préfigure de nouveaux rapports sociaux et elle s’inscrit dans un réel projet politique libéral s’appuyant sur une économie de marché, système qui est peu à peu intériorisé, intégré et assimilé comme seule voie de développement.

En effet, cette question de la pauvreté nous concerne tous, de par la fragilité de chacune de nos situations sociales, familiales et professionnelles, mais aussi à travers cette difficulté à trouver nos propres espaces de pensée et de liberté : l’appauvrissement qui nous guette concerne tout autant notre vie sociale, familiale, culturelle et politique. Cette pauvreté-là dont il est question en ce sens, fait partie d’une pensée libérale qui condamne tout homme à être toujours plus performant et à trouver ses propres points de repères. Sous nos yeux, cette dynamique est déjà très fortement en marche au profit de quelques uns et au détriment d’un maximum de personnes renvoyées à leur précarité, à leur mal-être, à leur isolement... personnes que nous aurions à recevoir, nous travailleurs sociaux, afin de les accompagner dans leurs difficultés et peut-être leur permettre de pouvoir eux mêmes continuer à être sujets consommateurs et ainsi contribuer au bon fonctionnement de cette économie de marché sans en entraver les rouages.

Au-delà, cette économie de marché à travers la régulation de ses pauvres (dont les TS sont acteurs), participe à l’homéostasie et à l’anomie d’un système libéral, à travers une double fonction :
· avoir un réservoir de main d’œuvre corvéable et malléable, avec des personnes objets assujetties du système « avec du pain et des jeux ».
· ériger la notion de risque et de précarité comme valeur et de ce fait, annihiler toute velléité de contestation par rapport à ses propres conditions de travail (voir discours négatif à propos de la fonction publique).

Sur la pauvreté :

Sont considérés en situation de précarité au 31/12/03 : (chiffres C.A.F.) Une personne seule ayant un revenu disponible inférieur à 698,2 € par mois (soit 4 580 F) Un couple avec un enfant de moins de 14 ans : 1 256,8 € par mois (8 244 F) Un mono parent avec deux enfants de plus de 14 ans : 1 536 € (10 075 F) Un couple avec 4 enfants de plus de 14 ans : 2 243,7 € par mois (16 031 F).

Ces chiffres s’il en était besoin, signifient bien l’extrême dénuement de beaucoup de personnes qui vivent bien en dessous de ces seuils de pauvreté, personnes au RMI, adultes handicapés, familles mono parentales... jeunes adultes en rupture familiale. On ne compte plus le nombre de ces personnes frappées de plein fouet par une crise économique, révélées entre autres par le nombre grandissant de dossiers de surendettement. A la catégorie des personnes stigmatisées dans ce cadre depuis de nombreuses années, viennent s’ajouter peu à peu toutes ces personnes qui à un moment donné, se retrouvent précarisées tout simplement parce qu’en rupture familiale ou sans emploi, ou malades... voire fatiguées et usées, ne pouvant plus s’inscrire dans le champ de l’insertion sociale et professionnelle.

A prendre en considération qu’à cette notion de pauvreté, sont assujetties les notions de rupture, d’isolement, de repli, voire de honte... A cet égard, la question de la pauvreté ne doit pas être traitée que sur un plan économique et doit être privilégié un questionnement sur les raisons d’être d’une telle situation. Entre un état démissionnaire de la fonction de régulation sociale et le patronat pris dans la logique de marché, l’homme se retrouve seul face aux minima sociaux, à faire ses comptes et ainsi à chercher à survivre ou à s’adapter à une situation précaire, alors que lui est rabâchée l’idée qu’il peut s’en sortir avec un peu de volonté,... il n’a qu’à par exemple chercher du travail. Sur cette thématique, il ne devrait pas y avoir d’hésitation, la richesse du pays est telle, notre PIB et les masses financières telles que les minima sociaux doivent pouvoir croître sans risque (de créer une société d’assistés). Les bases de l’INSEE semblent intéressantes sur ce sujet.

Trois, quatre points pourraient très vite trouver des ajustements en la matière à travers le règlement de la situation des jeunes de moins de 25 ans qui doivent avoir le droit à une autonomie décente, à travers l’augmentation des minima vieillesse qui doivent permettre aux personnes de finir tranquillement leur vie, à travers une politique de redistribution des richesses qui permette à toute personne de vivre dignement (par une augmentation du RMI et des allocations de solidarité.)

La précarité et le mal être des personnes

Le contexte social et économique est impitoyable pour l’homme en précarité, le renvoyant à son incapacité à vivre de manière autonome, le rendant ainsi coupable de sa situation économique et sociale. Le lien entre pauvreté et culpabilité devient ténu, tant apparaît dans les discours ambiants, une représentation négative de la pauvreté, du côté de l’échec, de la non performance ou de la non réussite.

Le travail social est aussi mis à l’épreuve dans ce système actuel, dans un repérage des personnes qui profitent du système et pour « réactiver » ceux ou celles qui n’auraient pas bien le sens de leur intérêt (il n’y a qu’à regarder la nouvelle loi sur le RMI et les discours qui s’y réfèrent). Quant à lui, cet homme pauvre, il doit passer par tous les filtres de l’action sociale pour justifier, voire quémander un minimum de ses droits : cette situation humiliante s’il en est, est renforcée par le fait qu’à chacune de ces aides est assujettie l’idée qu’il doit se montrer conforme à ce que la société attend de lui, c’est à dire qu’il rentre dans une logique de projet et qu’il soit performant.

La pauvreté, face à cette économie de marché où l’objet de consommation devient de plus en plus important, devient une situation insupportable pour celui qui y est confronté, par exemple pour ces parents qui se battent pour que leurs enfants soient comme les autres, pour ces hommes et femmes qui se battent pour continuer à vivre dans la dignité.

La précarité et le travail :

Une des réponses à la précarité serait l’accès au travail pour tous ou tout au moins à un maximum de personnes. Cette assertion demande que nous portions notre attention du côté du monde du travail. D’abord, la précarité envahit aussi le monde du travail : il n’y a qu’à se pencher sur le sort des personnes qui œuvrent dans des emplois précaires et qui survivent dans leurs difficultés financières. Cette précarité peut être liée au faible temps de travail, imposé par le patronat, à la durée limitée du travail ou aux conditions d’exercice de celui-ci.

Même les emplois en CDI à temps plein, ne mettent pas les personnes à l’abri de la précarité, compte tenu de la faiblesse des salaires. Pour le reste, il faut bien voir que les emplois dits accessibles concernent des métiers hautement qualifiés ou bien des emplois très spécifiques dans leur nature (et qui ne peuvent pas correspondre à tout le monde). Cette inadéquation entre le marché du travail et la réalité sociale, économique et surtout humaine des personnes est essentielle à prendre en compte, pour bien comprendre les choses, d’autant que l’accès à la formation continue est difficile.

La précarité et la situation sociale et humaine des personnes :

Ces personnes déqualifiées socialement sont confrontées à une importante situation de crise. En tant que travailleurs sociaux, dans nos métiers nous sommes confrontés de plus en plus à des personnes qui ont pleinement conscience de leur situation : cette conscience d’être en échec, de ne pas être performant, renvoie les personnes du côté d’un mal être profond où s’entremêlent sentiment de honte, de repli voire de culpabilité dans une société où les images de la réussite sont valorisées et posées comme un modèle. Nous assistons parfois au refuge de ces mêmes personnes, du côté de la maladie, y cherchant là un statut et une reconnaissance. Il faut bien prendre en considération l’état de la situation sanitaire et familiale des personnes en situation précaire (1/4 des personnes au RMI, d’après le rapport Lazarius en 95, était en situation de dépression et de mal être grave...) ·

Sur le plan sanitaire, c’est un peu comme si les marques des échecs s’étaient inscrites dans les corps - coups après coups encaissés, la fatigue prend le dessus, les soins ne deviennent plus prioritaires et insidieusement s’installent les premiers stigmates de la pauvreté, de la précarité. Ce non accès à des soins primaires, associé à des conditions de vie difficile (alimentation, soucis du lendemain, nombreuses dépendances, etc... ...) enferme les personnes dans leur pauvreté. Sur le plan familial, le réseau est bien souvent l’antidote à une grande précarité. La solidarité inhérente au noyau familial, avec tout ce que cela peut avoir de paradoxal, est le dernier rempart face à l’exclusion...

Combien de familles cohabitent difficilement sur plusieurs générations, s’organisent parfois difficilement afin de pouvoir faire face à la crise qui les touche. Reste que la famille elle-même étant en crise, elle est aussi très largement menacée par cette situation de précarité et qu’il n’est pas rare que soit associée à une perte de travail, une rupture conjugale et familiale. Le fait est que bon nombre de personnes précarisées que nous rencontrons dans notre travail est isolé, en rupture, voire de repli et que cette précarité devient alors une précarité existentielle. Il ne s’agit pas de dire que la précarité signifie le délitement de la famille, il s’agit beaucoup plus de signifier le lien qui peut exister entre la précarité et l’isolement de la personne (et ce bien souvent, indépendamment des ressources des personnes.)

Perspectives : Questionnement collectif et résistance.

Quelle marge d’action le travailleur social peut-il préserver pour tenter de conserver sa culture spécifique, ses repères déontologiques, sa créativité au sein des institutions, sa relation d’aide et d’accompagnement auprès des publics en difficultés alors que les politiques anti-sociales et répressives se généralisent ? Peut-il de sa place particulière aider l’usager à reconstituer un lien social lui permettant de recouvrer sa dignité, et des solidarités, pour tenter d’échapper à l’assistanat ? Quel rôle l’ÉTAT social pourrait-il encore jouer face à la montée du néo-libéralisme dans le secteur social pour garantir le droit des usagers et la qualification des travailleurs sociaux ?

La seule alternative pourrait être un questionnement collectif sur le sens du travail social et son instrumentalisation, au sein de nos syndicats et de nos collectifs militants et la mise en place d’une résistance organisée contre cette instrumentalisation. Nous travailleurs sociaux devons affirmer notre spécificité, notre déontologie et notre éthique aux côtés des autres professionnels des sciences humaines et sociales. Nous revendiquons une parole spécifique, à nous de la faire entendre sans ambiguïté, si nous refusons l’avènement d’un travail social sans travailleurs sociaux.

Propositions concrètes du Collectif

Face aux dérives sécuritaires du gouvernement et du patronat, à la dégradation de la situation sociale et à la dissolution du lien social, Face à la prise de conscience des limites et des ambiguïtés de nos missions dans le travail social. Nous, salariés du Collectif 76 proposons : · Que les travailleurs sociaux fassent remonter, entendre leur parole dans l’élaboration des politiques sociales. · De mettre en commun nos réflexions quelle que soit notre place dans la société, pour lutter ensemble contre un monde producteur de pauvreté. · De soutenir et de provoquer des actes de résistance sur le terrain et de nous engager à accompagner les personnes vers des réseaux de solidarités collectives (AC - DAL

Collectif des sans papiers - syndicats...). · D’interroger les pratiques, sous un angle différent, ne plus considérer comme une évidence tout ce système de conditions, de « contrepartie » et même les déclarer hors la loi, au nom du droit, c’est cela aussi entrer en résistance. · De redonner du sens au secteur du travail social, pour promouvoir son action d’émancipation, des personnes et dans le contexte actuel, de subvertion. · D’exiger des politiques sociales solidaires et un accès aux droits inaliénables sans contrepartie, adaptés à la réalité des besoins et des situations des personnes rencontrées.

Pour nous rencontrer :

Réunion le mercredi à partir de 18H Carrefour des solidarités

Rue des augustins 76000 Rouen

Pour nous contacter : 76.collectif@laposte.net