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Que le plus bas salaire gagne !

Publie le vendredi 13 mai 2005 par Open-Publishing

Le site Web allemand Jobdumping.de va arriver en France cet été, avec son système d’enchères inversées pour les emplois promouvant les salaires les plus bas.

« Embauche développeur confirmé pour réaliser des tableaux de bord à 10 euros de l’heure. Qui dit moins ? » Aujourd’hui, aucune entreprise française n’oserait formuler une telle annonce sur Internet. Mais cela pourrait changer dès cet été. En effet, un site allemand spécialisé dans les enchères inversées pour des offres d’emploi va lancer en août sa version internationale.

Le principe de ce site, baptisé Jobdumping , est simple : une entreprise propose un emploi, et les internautes répondent en offrant des salaires de plus en plus bas. Ouvert en août 2004, il revendique aujourd’hui 20 000 à 30 000 visiteurs par mois et publie 8 000 offres d’emplois réparties en 1200 catégories. Il s’agit essentiellement de « petits travaux » : ménage, vente, nettoyage, etc.

Ce site avait provoqué un tollé lorsque le quotidien Libération avait révélé, fin mars, son existence. C’est le manque total de scrupules de son créateur, Fabian Loew, qui avait le plus choqué l’opinion française. « Les salaires allemands sont trop élevés », déclarait-il alors, affirmant lutter ainsi contre le taux important du chômage outre-Rhin.

Interrogé aujourd’hui sur ses ambitions françaises, Fabian Loew déclare : « L’économie et le marché du travail sont pratiquement dans le même état en France qu’en Allemagne, et nous allons bien sûr essayer d’aider les Français à gérer par eux-mêmes leur situation face au chômage. »

Si le site Jobdumping.de fait peur, rien n’interdit, légalement, de l’importer dans l’Hexagone. « La seule restriction est de respecter le salaire minimal de référence », explique un juriste spécialisé dans le droit de l’Internet. « Le principe des enchères inversées sur Internet se répand de plus en plus, et on peut s’attendre à ce que quelqu’un copie Jobdumping.de, n’y voyant qu’un business model de plus », ajoute-t-il.

De fait, les plates-formes visant à obtenir le prix le plus bas sur les prestations informatiques se sont fortement développées , avec des sites comme Prestataires.com ou HiTechPros. Les sociétés qui y sont en concurrence - en utilisant leurs propres salariés - se battent en cassant leurs marges. Mais d’autres font appel à des travailleurs indépendants, qui finalement acceptent de baisser leur prix, et donc leur salaire, pour répondre à ces appels d’offres. Jobdumping.de ne ferait que supprimer un intermédiaire.

La menace est bien réelle. La pratique est très courante en Hollande, et, même en France, certaines sociétés s’y sont essayées. « En 2001, Danone avait voulu le faire pour des centres d’appels, et nous l’avions fortement dénoncé », rappelle Noël Lechat, secrétaire général de la fédération CGT des sociétés d’études, prête à se mobiliser à nouveau si le cas se présentait.

Les syndicats ont un allié de poids face à ce phénomène : le Medef. Dans ses « Lignes directrices pour l’organisation des enchères inversées sur Internet », publiées en juillet 2004, il déconseille formellement à ses entreprises adhérentes l’application aux offres d’emploi de cette technique : « Le mécanisme d’enchère est en revanche inadapté [...] lorsque le facteur humain est prépondérant (ex. : construction d’immeubles ou d’ouvrages publics, transport routier de marchandises, travail temporaire, prestations intellectuelles, fourniture de certaines pièces ou systèmes complexes) ; ceux-ci doivent être expressément exclus de son champ d’application. »

 http://www.01net.com/editorial/2758...