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Qui a véritablement peur du changement ?

Publie le lundi 13 septembre 2004 par Open-Publishing

par Yves GUERRE

Parmi les nombreuses malversations dont sont coupables ceux qui tentent de nous dominer, il en est de tellement grossières qu’elles en deviennent presqu’invisibles.

Par exemple à propos des modernes et des conservateurs. Nous avons tous appris à l’école que les modernes prônaient le changement vers le progrès de l’humanité, une meilleure vie, plus de confort, de bonheur, la réduction des souffrances. Il était admis que les conservateurs, par contre, résistaient au progrès en défendant les avantages acquis, les valeurs de l’obscurantisme.

Les premiers étaient tenus pour des progressistes, appartenant plutôt à une sensibilité de "gauche", les seconds comme des réactionnaires massivement de "droite".

Aujourd’hui les rôles semblent inversés. Du moins tente-t-on de nous faire croire cette sottise immense par médias interposés, journalistes sentencieux et pérorant à longueur d’antenne ou de colonne, politiciens accrochés à leurs sondages et à leurs certitudes élaborées dans le secret des clubs et des cénacles à la botte de leurs ambitions personnelles ou des bénéfices du patronat. Pour avoir une vue plus saine de la situation, essayons de comprendre la signification du changement et de la résistance à celui-ci.

Parlons d’abord des prétendus avantages acquis. Le droit de grève qui n’est autre que celui légitime de résister collectivement à l’exploitation et aux mesures unilatérales aggravant les conditions de travail, la protection sociale qui n’est rien d’autre qu’un cadre collectif protégeant chacun d’entre nous des aléas de la santé, de la voracité des exploiteurs et assurant une sécurité minimale à tout un chacun. Vous avouerez avec moi qu’il y a un grand avantage à toucher sans rien faire de ses dix doigts un R.M.I. ou une allocation de solidarité, ou à être fonctionnaire à peine au dessus du SMIG. On se demande pourquoi les managers et les entrepreneurs de tous bords syndiqués chez le patronat ne se précipitent pas vers leur assistante sociale préférée pour enfin devenir aussi bénéficiaire de ces avantages scandaleux en abandonnant à la plèbe inconséquente leurs petites rémunérations si chèrement acquises .

Voilà donc les situations exorbitantes que défendraient les réactionnaires modernes que nous serions devenus !

Mais que proposent nos adversaires, eux ?

Que rien ne change en vérité. Que le vieux monde des vrais avantages et des vrais profits perdure. Car ce qu’ils nous présentent comme un changement : LA RÉFORME- de toutes les régulations collectives arrachées laborieusement par nos parents et leurs parents -n’est en réalité qu’une volonté de conservation de leurs avantages et une extension de leurs privilèges de dominants.

Il y a un abus de langage à présenter le conservatisme sous le masque de la réforme. Car quand même, si la société ne fonctionne pas bien, ce n’est pas la responsabilité des gouvernés qui est engagée puisqu’il est de notoriété publique qu’ils n’ont eu que très rarement le droit à la parole, les gouvernés...

Et même s’il est exact qu’il ne faut pas confondre la gauche et la droite [à mépris et surdité égales la seconde est incontestablement plus meurtrière dans son action] nous savons bien que ni l’une, ni l’autre n’ont encore sérieusement compris, ni envisagé une démocratie qui ne se réduirait pas à applaudir leurs décisions incontestablement géniales.

Les avantages réels ne sont pas les conquêtes du monde du travail. Ce sont ceux qui ont été acquis par les profiteurs de la croissance qui affichent des bénéfices insolents sur l’horizon du chômage et de la précarité. Et leurs prétendues réformes ne sont que des moyens de les conserver, de les préserver.

En vérité c’est un nouveau monde que nous demandons en empêchant le démantèlement de tout ce qui nous aidait « à faire société ». Le progrès reste où il a toujours été : du coté de ceux qui souhaitent toujours plus de justice. Alors, on compare celle des « réacs » que nous serions devenus avec celle du baron et de ses copains ?

Et juste après on n’en dort pas de la nuit ? Chiche qu’on fait ça un 4 Août !

http://www.travail-social.com/oasismag/article.php3?id_article=312