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Renationaliser le cuivre chilien !

par Fuerza Chile

Publie le mardi 3 janvier 2012 par Fuerza Chile - Open-Publishing

Le cuivre est chilien
Par Libio Pérez, éditeur général de Le Monde Diplomatique, édition chilienne.

Au-delà des résultats qui ressortiront du labyrinthe judiciaire dans lequel entrera le conflit entre l’entreprise publique chilienne Codelco et la corporation transnationale Anglo American Sur, au moins deux thèmes surgiront avec force dans les prochains mois : le débat sur la renationalisation du cuivre et le paiement d’impôts proportionnels aux gigantesques profits de la part des grandes compagnies minières privées. Ceci en marge de la nécessité de réformer le système de concession des mines.

L’incompétence obstinée de la droite gouvernementale a ouvert un espace pour qu’Anglo American Sur, constituée par des capitaux anglais, australiens et sudafricains, décide de transférer une partie de ses actions (24,5%) des mines Los Bronces et El Soldado à l’entreprise également transnationale japonaise Mitsubishi pour presque 5400 millions de dollars, frustrant au passage l’aspiration de Codelco à acquérir 49% de la propriété, comme l’établissent les contrats de concession. Los bronces et El soldado ont produit l’année dernière 261000 tonnes de cuivre (1).

Anglo American Sur a poussé contre le mur les dirigeants de Codelco et le gouvernement de Sebastián Piñera, en leur laissant la faible possibilité de s’emparer des 24,5% restant des actifs mais aussi en les menaçant de recourir aux tribunaux internationaux si leurs intérêts sont mis en danger. La réponse du gouvernement fut bien faible ; il a annoncé des actions judiciaires devant les tribunaux chiliens, actions qui pourraient prendre plus de 3 ans avant de se prononcer sur une transaction qui a déjà été réalisée.

Piñera, lui-même au cours du dîner annuel du Conseil Minier où étaient présent les responsables de Codelco et ceux d’Anglo American Sur s’est limité à « soutenir » les actions qu’entamera Codelco que ce soit à travers le dialogue entre les deux parties ou devant les tribunaux chiliens. Au gouvernement, ils sont nombreux ceux qui ont répété de diverses formes l’ « observation » qu’a fait le multimillionnaire chef d’entreprise minière, Guillermo Luksic : « le gouvernement ne devrait pas s’impliquer dans un conflit entre deux entreprises » (2).

Fermement opposé à toutes possibilités de nationalisation des ressources naturelles – et ainsi l’exercice d’une souveraineté sur les richesses des sols chiliens -, l’actuel gouvernement chilien aborde ce conflit dans une position évidemment faible. La demande des citoyens mobilisés réclamant la renationalisation du cuivre pour financer l’accès gratuit à l’éducation ou à la santé de qualité n’est tout simplement pas écoutée. Et ce pour longtemps car la récupération des ressources naturelles suppose une accumulation de forces sociales capables de changer la Constitution et la composition du Congrès.

Pour cela, il reste beaucoup de chemin à parcourir, mais tout programme qui prétendra battre la droite au cours de la prochaine échéance électorale qui se profile, devra inclure des propositions pour que le Chili exerce sa souveraineté et ses droits sur ses ressources naturelles. Il ne suffira plus de proposer d’augmenter de quelques points les royalties que paient les grandes entreprises minières. Le débat s’orientera sur la propriété de cette immense richesse, sur le changement su système concession pour l’exploitation des réserves et sur le paiement des impôts équivalents aux énormes profits de ce secteur.

Depuis la récupération de la démocratie, la volonté de remettre en cause la privatisation des mines réalisée par la dictature n’a jamais été d’actualité. Récemment, en 2005, une royaltie a été appliquée aux entreprises minières ce qui ne les a pas empêché d’atteindre des profits d’environ 85000 dollars entre 2002 et 2012. Anglo American Sur, en à peine 5 ans a générer 5000 millions de dollars grâce a l’exploitation des mines Los Bronces et El Soldado dont la valeur est estimée à 22000 millions de dollars.

Avant Anglo American Sur, la mine Los Bronces appartenait à la multinationale étatsunienne Exxon qui l’a acquis grâce aux privatisations de la dictature. Après deux décennies d’exploitation, Exxon déclara qu’elle n’avait pas obtenu de bénéfices et décida de céder ses actions dans une opération réalisée dans un paradis fiscal c’est-à-dire qu’elle chercha des conditions idéales pour ne pas payer d’impôts. Une enquête du Service d’Impôts Internes a affirmé que la multinationale devait payer à l’État au moins 400 millions de dollars d’impôts mais le gouvernement de Ricardo Lagos accepta le paiement d’à peine 36 millions de dollars pour conclure le conflit fiscal naissant (3).

Le conflit entre Anglo American Sur et Codelco, qui met en jeu des milliers de millions de dollars, doit aussi contribuer à rendre plus transparentes les opérations de l’entreprise publique, puisque qu’elle opère sur des marchés toujours plus spéculatifs. De plus, elle fait face à des compagnies géantes qui exercent tout leur pouvoir pour protéger leurs intérêts et qui imposent leurs décisions aux gouvernements démocratiques. Dans cette affaire, par exemple, on a appris que Codelco voulait utiliser son option d’achat d’Anglo American Sur à hauteur de 49% avec le prêt d’une autre multinationale japonaise, Mitsui, qui passerait ainsi de créancier à actionnaire d’une nouvelle entreprise avec Codelco. Le soupçon d’une privatisation dissimulée de Codelco n’est donc pas infondé.

1. Voir agence AP, 15 novembre 2011
2. Voir La Tercera, 11 novembre 2011
3. Voir l’interview avec l’économiste José Cademartori, El siglo, 18 novembre 2011

Traduction LB