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Retour sur l’offensive contre CQFD et le silence des Voltaires cathodiques

Publie le mercredi 8 février 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

Procès : La Croix-Rouge "soigne" CQFD

de Jacques-Olivier Teyssier

Avec le printemps vient la saison des procès. Après Le Courrier Picard contre Fakir [1], la Croix-Rouge française poursuit CQFD pour « diffamation » suite à un article paru dans le numéro 6 du mensuel alternatif. Une nouvelle forme d’action humanitaire ?

Elle n’a pas plu à la Croix-Rouge la double page parue dans le numéro 6 de CQFD, mensuel alternatif et néanmoins national, basé à Marseille. Bilan : un droit de réponse et une assignation en justice.

Olivier Cyran, un des principaux collaborateurs de CQFD, prend les choses du bon côté : « C’est quelque part bon signe, s’il [Marc Gentilini, président de la Croix-Rouge] considère que ça lui porte préjudice. » [2] Un « bon signe » un peu cher puisque la Croix-Rouge réclame 30 000 euros pour préjudice, dont 15 000 pour son président, et 5 000 pour les frais de justice. « L’institution diversifie ses sources de financement » résume, avec humour, le mensuel en Une de son numéro 9. Il était rappelé dans son numéro 8 que CQFD est un « journal associatif réalisé en grande partie par des chômeurs », que ces 35 000 euros pourraient « couler le canard ». Avant de se rassurer : « Mais soyons confiants : par sa plainte, la Croix-Rouge cherche sans doute à convaincre les pouvoirs publics d’augmenter considérablement les minima sociaux. Avec un RMI multiplié par cent, pas de problème, on s’en sortira. Merci la Croix-Rouge ! »

C’est justement des rapports de la Croix-Rouge avec les pouvoirs publics - avec le ministère de l’intérieur précisément - dont il était question dans l’article titré « Une Croix-Rouge sous un képi bleu », objet de l’assignation. Quant au droit de réponse signé M. Gentilini, il a été publié dans le numéro 9, conformément à la législation. Il se rapportait à l’encadré d’une double page du numéro 6, qui concernait la fermeture du centre de santé de la Croix-Rouge à Bagnolet (Seine-Saint-Denis).

Un droit de réponse sur l’encadré et une assignation en justice sur le texte principal, donc. Déjà on se demande pourquoi la Croix-Rouge ne s’est pas contentée d’un droit de réponse sur l’ensemble de la double page. Mais il y a plus étonnant, comme le note Olivier Cyran : « C’est rigolo, dans l’assignation ils poursuivent absolument chaque passage de l’article, et à un moment on cite un article du Canard qui raconte la réaction de Gentilini à un rapport sur les finances de la Croix-Rouge où ils avaient un peu camouflés les trucs. Et Marc Gentilini à l’époque n’avait pas poursuivi le Canard. En revanche il nous poursuit pour avoir cité cet article. » Peut-être la Croix-Rouge accorde-t-elle un plus grand respect au Canard Enchaîné qu’à CQFD ? Pas sûr si l’on en croit les propos de M. Gentilini cité par CQFD : « Le Canard Enchaîné est animé par une certaine voyoucratie. » [3] Pas moins.

Fidèle à ses objectifs, l’organisation caritative préfère peut-être tout simplement continuer à « soigner » les faibles car pour la Croix-Rouge, « il n’y a pas de guerre juste et de guerre injuste, il n’y a que des victimes qui ont besoin d’aide. » [4]


[1] Lire Appel à la défense du journal Fakir

[2] Les propos d’Olivier Cyran ont été recueillis par Jacques-Olivier Teyssier le 17 février 2004

[3] Marc Gentilini, à propos de la révélation par le Canard Enchaîné d’un trou de 200 millions de francs dans les caisses de la Croix-Rouge, RTL, 1er octobre 1997, cité dans CQFD, numéro 6.

[4] Jean Pictet, ancien vice-président du Comité International de la Croix-Rouge, 1979, cité sur le site de la Croix-Rouge

L’article incriminé : http://www.cequilfautdetruire.org/a...

http://www.acrimed.org/article1499.html

Messages

  • Cela me rappelle un article que j’avais posté sur ce site , et qui parlait un peu de la croix-rouge et de la nature de ses financement :

    "
    22 décembre 2005
    AREVA est aussi très charitable : Après les tremblements de terre au Pakistan et en Inde, don de 100000 euro (pingre sachant le fric que cette société récolte) d’AREVA pour la croix-rouge et le croissant-rouge , deux organisations dont on sait maintenant d’où provient en parti leur fond (pas que de vos dons généreux de fin d’année, braves gens).
    "

    La croix-rouge financée par le nucléaire, cela vous évoque quoi, à part un hoquet d’indignation ?
    Aucun silence sur internet , que des faits à l’état brut.
    Dassault et le Figaro ne pleureront pas si CQFD arrête de publier.

    Pour vérifier ouvrir :
    www.areva.fr

  • Quel intérêt de publier tel quel un article d’Acrimed datant du mois de mars sans ajouter un élément nouveau, comme par exemple la date du procès ou son compte-rendu s’il a eu lieu ?

    • Objection recevable que celle du précédent message. Voici donc de quoi le satisfaire.

      ¬ CQFD : « Au secours, la Croix-Rouge ! »

      (contre mauvaise fortune, encore et toujours du coeur au ventre)

      Le jugement est tombé le 11 janvier. Suite à la plainte en diffamation déposée contre CQFD par la Croix-Rouge française et son ex-président, Marc Gentilini (parti en décembre, juste avant le tsunami, et qui doit se mordre les doigts en voyant son successeur lui voler la vedette sur tous les écrans du grand charity-show actuel), la 17e chambre correctionnelle de Paris nous a condamnés à 500 euros d’amende et à 1 euro symbolique de dommages et intérêts, pour Gentilini seulement, pas pour la Croix-Rouge. S’y ajoutent 1 000 euros au titre des frais de justice. Au total, 1501 euros à raquer...
      Pour un canard oisif et chômant comme le nôtre, l’addition n’est pas bénigne et nous lançons, sans fausse honte, un appel à étrennes à nos lecteurs. Mais au vu des fortunes que réclamaient les humanitaires gourmands (65 000 euros au total), c’est une belle victoire. Un coup de rouge pour Me Emmanuel Nicolino, notre vigoureux avocat ! Déboutée, la Croix-Rouge ! Le prix d’un SMS pour Gentilini !

      Bien que fort occupée à faire le bien en Asie du Sud-Est et ailleurs, la CRF n’a jamais faibli dans ses ardeurs judiciaires. Et ceci malgré l’arrivée de l’excellent Jean-François Mattéi à la présidence de l’honorable institution (comment oublier le ravissant polo Lacoste de J.-F. lorsque, durant la canicule de l’été 2003, il déclara en substance depuis son lieu de villégiature sur la Côte d’Azur : « Pour l’instant, tout va bien ! »).

      Il faut dire que la vénérable société, sainte patronne des arbitres et pompier n°1 des conflits planétaires, dispose non seulement d’un service de presse incroyablement attentif et chatouilleux, mais aussi d’un pool d’avocats plutôt teigneux, et pas du tout bénévoles, eux. Le cabinet Stasi, qui s’est illustré récemment en défendant les « copains » de la Direction des Constructions Navales de Toulon (malversations diverses et prêt illégal de main-d’oeuvre dans les bas-côtés de la Défense Nationale) a démontré à cette occasion qu’il peut aussi embrasser de nobles causes : il s’était chargé d’étriller proprement notre dangereux « journal de voyous » devant les juges. Une performance qu’il estimait valoir 5 000 euros.

      Alors, d’après le principe selon lequel on a les ennemis qu’on mérite, on pourrait se demander ce que fait le mensuel au clébard furieux dans les petits papiers de ces bons samaritains ? La réponse tient peut-être au fait que l’acte charitable a besoin d’une complète passivité des assistés pour pouvoir garder commodément la pose. Et nous, bien qu’un peu efflanqués, nous n’arrêtons pas de remuer et de montrer les dents. Ni puissants, ni larmoyants, nous ne sommes pas photogéniques.

      Pour mieux comprendre les fondements d’un tel acharnement humanitaire (la CRF nous menace d’un autre procès), écoutons un peu le sieur Michel Brochier, homme d’affaires, conseiller d’arrondissement sur la liste de Charles Millon et président de la Croix-Rouge de Lyon, qui expose dans le magazine "Acteurs de l¹économie" ses conceptions sociales et les raisons de sa participation à un club très sélect de notables locaux, le Cercle de l’Union : « Ici, pas ou peu de femmes, pas de teintes hétérogènes, pas de pauvres, pas de politique. [...] On y trouve des gens du même milieu : éducation, fortune, relations, critères de sélection qui font que l’on en est, ou espère en être, ou pas. [...] Eh oui, c’est mon milieu. » (citation dénichée par le Canard Enchaîné du 05/01/05).

      Comme quoi, la bonne vieille école des dames patronnesses n’a pas encore dit son dernier mot. Sa philosophie est parfaitement synthétisée dans le laïus ci-dessus, mais aussi dans les actes récents auxquels la CRF sert de locomotive : ceux, par exemple, qui voudraient faire oublier à grands coups de « communication » que les six milliards de « l’extraordinaire élan de générosité » occidentale pour les victimes des tsunamis asiatiques sont une somme six fois inférieure à la dette extérieure payée chaque année par les onze pays concernés. Saignée financière contre laquelle aucune huile médiatique de la Croix-Rouge n’a cru bon de se mobiliser jusqu’à ce jour. On aiderait donc les pays sinistrés à relever la tête simplement pour qu’ils puissent continuer à honorer leur dette. Les mauvais esprits vont encore dire que la charité est une des conditions nécessaires à la perpétuation de l’injustice. À partir de là, il est somme toute dans l’ordre des choses qu’on s’efforce de faire valdinguer CQFD, ce « journal voyou », du côté des sinistrés plutôt que de celui de tels bienfaiteurs.

      Publié dans CQFD n°19, 15 janvier 2005.