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Sérénade à trois

Publie le samedi 13 novembre 2004 par Open-Publishing
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Bernard-Henri Lévy, Arielle Dombasle et la télévision de service public entretiennent
les meilleures relations du monde. Pour preuve, BHL vient d’obtenir de France
5 un financement record pour le documentaire qu’il produit autour de la maison
d’Arielle.


de Véronique Groussard

Arielle Dombasle fait construire une maison à Tanger. Pour la décorer, elle a choisi l’achitecte-designer Andrée Putman. Et afin que cette adorable nouvelle n’échappe à personne, son producteur de mari, Bernard-Henri Lévy, s’est senti d’humeur altruiste : il a décidé d’en faire un documentaire. Filmé par deux professionnels très en vue : le réalisateur Benoît Jacquot et la chef opératrice Caroline Champetier, un duo qui tourna, entre autres, avec Isabelle Huppert et Catherine Deneuve. Le descriptif du projet, que nous nous sommes procuré, place le futur spectateur sur un nuage : « Pour la première fois, une maison en devenir est filmée. Et pour la première fois aussi, Andrée Putman, femme rare, discrète et au talent immense, se livre un peu et, surtout, dévoile les secrets de son art au regard presque amoureux et rempli d’admiration de Benoît Jacquot. Andrée Putman rêve tout haut et une caméra est le témoin du rêve en train de se réaliser. C’est un rêve un peu particulier ; un rêve pour d’autres. »

Le retour sur terre est plus brutal. Un tel condensé de chic coûte cher : 407 000 euros de budget dont 150 000 apportés par France 5, comme l’a pointé « le Canard enchaîné ». La maison du bonheur n’a pas de prix. Faut-il être un obsédé de la calculette pour remarquer que la chaîne octroie, ici, 130 % de plus que son tarif moyen habituel ? « C’est totalement indécent, fulmine un producteur. Nous faire ça au moment où nous tentons de sauver, auprès des parlementaires, le financement de la télévision publique... » Pendant ce temps-là, se désole un de ses confrères, « les documentaristes quémandent 9 millions d’euros de plus à France 2 et France 3 à répartir sur trois ans, soit moins de 1 % de leur budget. Nous sommes devenus des mendiants. » D’autres ont préféré l’ironie : « Permettez-nous, ont-ils écrit à l’im- pétrant , de vous témoigner notre admiration [...]. Nous sommes producteurs de documentaires et n’avions jamais réussi jusqu’ici à obtenir de France Télévisions le financement nécessaire [...]. Nous sommes sûrs que France Télévisions prendra désormais pour base cette référence. »

Réponse de Geneviève Giard, directrice générale adjointe de France 5 : « Lorsque Bernard-Henri Lévy a parlé de ce projet à Jean-Pierre Cottet [ancien directeur général, NDLR] , deux choses nous ont intéressés : l’absence, jusqu’ici, de film sur Andrée Putman, et la rencontre entre elle et Benoît Jacquot, deux créateurs. Ce dans le même esprit que le documentaire de Tonie Marshall sur Jean Paul Gaultier. France 5 doit pouvoir faire des films de prestige. Certains pensent que ce n’est pas notre rôle : comme si nous devions rester en maternelle à regarder la cour des grands... Qu’on nous juge sur le résultat ! » Le prix ? France 5 casse rarement sa tirelire, mais cela arrive : « Nous avons donné 120 000 euros par épisode pour la série sur les maires des grandes villes et 140 000 euros au documentaire « l’Aventurière ». » Il semble toutefois que BHL batte un record. Sur le sujet, l’intéressé reste d’une discrétion de violette au prétexte que ce n’est pas « sa » maison, alors que, l’an dernier, il ouvrait grandes les portes de sa résidence de Marrakech au magazine américain « Vanity Fair ».

France Télévisions a les yeux de Chimène pour le couple BHL-Dombasle. A France 5, la maison ; à France 2, le rôle de Milady, confié à Arielle Dombasle, après celui de Sissi. Dans ce film produit par Josée Dayan et coécrit par Catherine Clément (auteur, il y a deux ans, d’un acide rapport sur la culture à France Télévisions...), l’actrice est chargée de damer le pion à Emmanuelle Béart qui portera les couleurs de TF1 dans « les Trois Mousquetaires », produit par Jean- Pierre Guérin (« le Comte de Monte-Cristo », etc.). Une redite de la guéguerre qui avait opposé les deux chaînes avec « Jean Moulin ».

BHL est un fervent défenseur du service public, qui le lui rend bien. Et dans son spectre, Arte tient une place particulière. Elle soutient avec constance ses productions cinématographiques, si l’on excepte son long-métrage, « le Jour et la Nuit », avec Alain Delon et Lauren Bacall. Là, c’est France 2 qui s’y était collé pour 8 millions de francs. Douloureux souvenir que lui-même qualifie de « bide-bang » . Lorsqu’il finance un film par mécénat, coup de cœur ou militantisme, BHL n’hésite jamais à enrôler Arte. Avec pour argument : si cette chaîne n’aide pas le dernier Robbe-Grillet ou le premier film de la Serbie démocratique, qui le fera ?

Arte, qui ne retient chaque année qu’une vingtaine de projets sur près de 600, a-t-elle vraiment le choix alors que BHL est président de son conseil de surveillance depuis 1993 et siège au comité de sélection des films ? Oui, si l’on en croit Michel Reilhac, qui ne relève, depuis deux ans qu’il dirige ce pôle, « aucune aberration dans le traitement des films produits par Les Films du Lendemain. Bernard-Henri Lévy ne nous propose pas tout, et il nous est arrivé de refuser un projet. D’ailleurs, il sort de la pièce lorsque nous parlons de ses films » . Soyons juste, BHL ne dévergonde pas Arte, pas plus qu’il ne l’entraîne dans des placements spéculatifs. Et la chaîne ne lui en sait pas toujours gré. Le 13 avril dernier, elle a diffusé « les Infortunes de la beauté », de John Lvoff, avec Arielle Dombasle à 1h20 du matin...

http://telecineobs.nouvelobs.com/ARTICLES/A251783.asp

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