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Social : le gouvernement piétine, les syndicats s’impatientent

Publie le jeudi 27 mai 2004 par Open-Publishing
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Alors que les échéances budgétaires se rapprochent, la réforme de l’assurance-maladie annoncée par
M. Douste-Blazy et le
silence persistant de M. Borloo sur son plan de cohésion sociale suscitent oppositions et
interrogations.

La
mobilisation pour la journée d’action du 5 juin s’annonce forte
Le virage social que Jacques Chirac a souhaité imposer au lendemain de la défaite de la majorité
aux élections
régionales est difficile à négocier. Dans son intervention télévisée du 1er avril, le chef de
l’Etat assurait avoir
"entendu" les Français ; huit semaines plus tard, le message social de Raffarin III apparaît
brouillé.

Le projet de
réforme de l’assurance-maladie, annoncé par le ministre de la santé et de la protection sociale,
Philippe Douste-Blazy,
fait l’unanimité syndicale contre lui, tandis que la grande "mobilisation" contre le chômage tarde
à prendre forme, et
que le dialogue patronat-syndicats est au point mort. Jean-Louis Borloo, le ministre de l’emploi
et de la cohésion
sociale, nommé à ce grand ministère pour incarner le nouveau cap, refuse de parler avant de
boucler son plan. Son
silence contribue, de fait, à réduire la politique sociale du gouvernement à la seule cure
d’austérité annoncée sur
l’assurance-maladie.

"DOGMATISME"

Dans ce contexte, l’annonce d’une mobilisation syndicale presque unanime, le 5 juin, pour la
défense de la Sécurité
sociale, atteste à tout le moins de la détérioration du climat. Plus M. Douste-Blazy sort du flou
sur sa réforme, plus
il fédère les mécontents. Conscients de la gravité de la situation de l’assurance-maladie (32
milliards d’euros de
déficits cumulés fin 2004), les syndicats s’attendaient à des mesures douloureuses. Mais ils les
jugent
"déséquilibrées"au détriment des patients, et accusent le gouvernement de défendre sa clientèle
électorale en exonérant
les professions de santé de l’effort de redressement. "Au plus haut niveau du gouvernement, le
dogmatisme a prévalu.
Jean-Pierre Raffarin a imposé, par idéologie, sa franchise de 1 euro par consultation, alors que
nul n’ignore
l’inefficacité d’une telle mesure sur la régulation des dépenses de santé", s’insurge
Jean-Christophe Le Duigou,
secrétaire confédéral de la CGT, rejoint sur ce point par tous les syndicats, qui redoutent une
multiplication des
baisses de déremboursements.

Leurs critiques ne s’arrêtent pas là. La dernière mouture du schéma de "gouvernance" de
l’assurance-maladie prévoit de
créer une union nationale des caisses d’assurance-maladie et de la doter d’un conseil
d’orientation et d’un exécutif
fort en la personne d’un directeur nommé pour cinq ans en conseil des ministres. Ce texte est jugé
trop proche des
thèses du Medef et trop "étatiste" par la majorité des syndicats. "Nous avons l’impression que la
Sécurité sociale est
en train de nous échapper complètement, déplore Jacky Dintinger, secrétaire général de la CFTC.
Faute d’avoir pu
trouver, comme sur les retraites, un partenaire syndical de poids pour la réforme, le président de
la République a fait
le choix de s’appuyer sur le Medef et la Mutualité française. Il ouvre ainsi la voie à la
privatisation d’un système sur
lequel les syndicats ne pourront plus peser." Il se dit convaincu, comme nombre de ses homologues,
que la réforme est
insuffisante en matière de réorganisation du système de soins.

Pour sa part, M. Borloo commence à susciter l’impatience, voire l’inquiétude de ses
interlocuteurs. Les associations de
chômeurs, qu’il avait reçues peu après sa nomination, restent sur leur faim. Sept associations de
lutte contre
l’exclusion (Fnars, Emmaüs...) ont tenu, lundi, une conférence de presse avec la CFDT pour
dénoncer le silence du
ministère sur le plan de cohésion sociale et faire des propositions. Le secrétaire général de la
CFDT, François
Chérèque, a, lui, ironisé sur la "grande concertation" qui entoure les préparatifs de ce plan,
tandis que Martin Hirsch,
président d’Emmaüs France, regrettait de ne pas être "informé des intentions du gouvernement".

CONTRADICTIONS

Ces silences, entrecoupés d’annonces partielles, ne facilitent pas la vie de certains membres du
gouvernement. Renaud
Dutreil, le ministre de la fonction publique, espère pouvoir préciser le contenu des 20 000
embauches annuelles de
jeunes sans diplôme qu’il a prévues via des contrats en alternance dans les administrations de
l’Etat et les
collectivités locales ; ou les 10 000 emplois qui seront proposés aux chômeurs de plus de 50 ans
pour leur donner une
nouvelle chance et apporter un début de réponse aux difficultés de recrutement dans la fonction
publique. Las. Il doit
attendre que M. Borloo ait annoncé son "plan national de cohésion sociale".

A mesure que les échéances budgétaires se rapprochent, l’attente laisse la place à l’appréhension.
"M. Borloo devrait
sortir du bois. Mais il fait la manche et les caisses de l’Etat sont vides", s’inquiète M. 
Dintinger. Les fuites,
attribuées à Bercy, sur le financement du plan de cohésion sociale et non confirmées au cabinet de
M. Borloo - un
milliard d’euros supplémentaires par an pendant trois ans - n’arrangent rien. "Le ministre a
affiché de grandes
ambitions. Mais il ne pourra pas avec une telle enveloppe engager un effort structurel en faveur
de la lutte contre
l’exclusion et pour l’emploi", analyse M. Le Duigou, qui souligne "les difficultés d’arbitrage
d’un gouvernement soumis
à de fortes contraintes financières".

Quant à M. Chérèque, il relève, "depuis l’origine", une "contradiction" entre l’ambition sociale
affichée par M. Chirac
et la nécessité de réduire le déficit public, réaffirmée, début avril, par M. Raffarin dans son
deuxième discours de
politique générale et réitérée par le ministre de l’économie et des finances, Nicolas Sarkozy.
"Cette contradiction n’a
jamais été levée",ajoute M. Chérèque. M. Dintinger met, lui, en garde contre les conséquences d’un
échec des"hommes
neufs" du gouvernement Raffarin : "Si le grand ministère social ne parvenait pas à financer ses
ambitions, dit-il, le
risque serait grand de voir le débat se déplacer durablement dans la rue."

Rémi Barroux et Claire Guélaud

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