Accueil > Storytelling 2e : Mythe de l’excellence en France versus réalités de la (...)

Storytelling 2e : Mythe de l’excellence en France versus réalités de la compétence-incompétence (zaz)

Publie le samedi 11 juillet 2009 par Open-Publishing
9 commentaires

Avertissement

L’Ocsena, collectif critique, considère l’humour comme l’arme par excellence. Nous prévenons prudemment le lecteur que le texte ci-après participe largement de l’humour anglais ce qui est a priori une difficulté. Ce qui toutefois devrait lui faciliter la tache c’est qu’il s’agit heureusement d’humour anglais mauvais, donc forcément à sa portée.

*********************************************

1. Rappel des précédents épisodes

Nous avons précédemment énoncé, il y a quelques semaines de cela, quelques idées élémentaires sur le storytelling dans notre beau pays. Sans pinailler sur les joies ineffables du sarkozysme placé au centre de la question et sous le rapport duquel beaucoup nous ont déjà plus que diverti dans le détail avec les indiscrets topo people de seconde fraicheur (que furent sa femme, ses "ex" présumées, sa montre, son vélo, et Rachida elle-même pédalant sur le vélo...), nous avons sur le fond essentiel avancé cependant deux idées majeures :

First, le storytelling couvre un champ bien plus large que le strict bidule politique, et qui va du blabla contes de Perrault-Chat botté-Comtesse de Ségur née Rostopchine, dont on génère les belles histoires, contes de fées, présidents et partis politiques au Blabla supérieur dont on profère avec sérieux la vérité de la vraie science au Collège de France, chez les cuistres de remarquable qualité, comme aussi auprès des quidam très moyens que nous sommes tous avec tant de bonne volonté.

Le storytelling est installé par force dans une équivoque dont on cause peu, et sans laquelle il ne serait pourtant pas viable, il suppose une tension délicate entre le niveau bobard et le niveau Vérité.

Secundo, à un moindre niveau de complexité peut-être, nous avions montré également que le storytelling UMP-sarkozien supposait tout un sol déjà préconstitué chez les plus simples et les péquins. Ceux qui nous gouvernent ne sont pas idiots tout seuls, le travail est préparé, ils ont du secours, l’appui de nos bras, il y a de fortes formes d’homomorphies entre le haut et le bas de notre société : à idiots du plafond, idiots nombreux au ras du bottom. Le sarkozysme est en ce sens un triomphe négatif global de toute la nation.

Le but aujourd’hui, afin d’y voir peut-être mieux, est de travailler sur deux notions. La première de ces notions est la sacro-sainte "excellence", coeur sacré de la pseudo-république-fausse démocratie, hautement partout proclamée (on parle de la proclamation de l’excellence pas de celle de la démocratie). La seconde est celle de la compétence (ou incompétence faudrait-il dire) qui est en gros assez largement tue, on comprendra vite pourquoi.

2. Le mythe français de l’excellence à la française

Le titre 2 est exprimé ici volontairement redondant, comme vous voyez, car l’excellence est absolument française et elle est répétée répétée en de très nombreux variés couplets.

L’excellence moderne doit beaucoup à Platon, à la religion et aussi à la quadrature logique du cercle, ses vertus lui viennent en entier de la force de son concept. L’excellence sitôt conçue ne peut être qu’excellente, comme le cercle ne peut être que circulaire parfait et comme le concept de Dieu ne peut-être qu’implicateur nécessaire de son absolue existence. J’ai l’idée de l’excellence, donc l’excellence existe, elle n’a pas de degrés, elle est, d’entrée, impeccablement donnée armée.

Essayez de concevoir un instant l’excellence sans l’excellence ! essayez de concevoir un médecin nullard, un chirurgien complètement folklo, un stomato escroc ! Normalement c’est inconcevable. L’extraordinaire concours de fin de première année de médecine en éliminant 80% des candidats vous offre en principe toute garantie.

Eh bien, c’est là qu’on vous le dit, malgré le concours concerné vous pouvez en réalité écarter tout de suite les médecins de l’excellence. L’excellence, laquelle commence en prépa, ne les concerne plus à présent, les médecins sont sans doute des ringards, des bricoleux, des gagne-petits, ils sont en bref des sans pouvoirs. Cela leur porte à la tête en pas bon, voyez le gros "os"que montre la toute dernière loi Bachelot : des checks lists seront obligatoires dans la santé pour arrêter cette sorte d’hémorragie fautive de bras coupés du mauvais côté, de pancréas retirés froidement à la place des amygdales. Où l’on voit déjà, chers amis, que l’on introduit dès cette ligne les gros-graves problèmes cruciaux hexagonaux que l’on abordera dans le paragraphe suivant.

L’excellence que tous les cuistres abrégés de lapin-grec ou de mathématique-phtysique veulent instaurer quasi-universellement maintenant ne concerne de droit qu’un nombre restreint strict de grandes écoles qui sont vite comptés sur les doigts du pied de votre choix : l’ENA, Polytechnique, Normale sup, HEC, à la rigueur Centrale...

Derrière le baratin liturgique de l’excellence exprimée, ll y a exactement un baratin latent, dominé pour tout avouer par la préservation des hiérarchies nobiliaires dont il importe qu’elles se conservent et durent dans l’ordre du monde le plus longtemps possible.

L’excellence est sans doute quelque chose d’éminemment éminent, bien entendu, mais étranger probable à l’efficacité pratique. Croire qu’il y a un rapport entre le savoir et l’efficace est une profonde naïveté, nous ne voulons certes en aucun cas soutenir que les polytechniciens sont de fichus tonnards, mais il est clair que les polytechniciens sont fondamentalement et avant-tout polytechniciens, cette chose se suffit en soi largement. La même chose est vraie pour les énarques polymorphes capables de tout depuis la gestion de l’aviation, de la culture, bonzai, peinture industrielle sur pot, à la gestion des hôpitaux.

Donc si vous demandez à un sectateur de l’excellence, les yeux injectés de sang et le couteau électrique entre les dents, ce que veut dire l’excellence et pourquoi il la veut tellement, eh bien il regardera navrement votre question théorique, qui l’installe dans un champ de pertinence inhabituel et pas fair-play du tout.

3. La compétence-incompétence en acte sur le territoire français

La présupposition première des mecs ordinaires et extraordinaires, mais qui n’est pas vraiment réfléchie dans ses fondements, c’est -comme nous disions plus haut- que "l’excellence" entraînerait automatiquement la compétence. On doutait plus haut de la première comme étant surtout un mot magique, il faut douter ici du sens exact de la seconde.

Nous ne nions pas l’existence possible de la compétence, on veut bien même la "postulater", et la France ne serait pas la 7e puissance du monde si elle était sans compétence partout et à tous les niveaux, mais la France est partout et à tous les niveaux non moins visiblement d’une crasse "incompétence", encore faut-il bien comprendre de quoi il s’agit sémantiquement parlant.

Tout va mal en France, a-t-on le sentiment, on n’a même plus besoin de zoom pour en avoir la certitude. Le gouvernement, la RATP, les PTT, l’eau, le gaz, l’électricité, les flics, les pompiers, les putes, les journaux, même les Decaux chiottes et vélos à la ville de Paris, la grande Culture, les "abrutés musies", la Recherche, l’Université, le PS, le wifi, tout a une dimension qui l’inscrit pour partie au moins dans un machin véritablement délayé à l’eau de boudin.

Cette semaine par ex à la va vite, au plus haut niveau : On apprend par le Figaro que le vaccin H1N1 contre la grippe A ne sera pas prêt pour le catastrophique automne, que Fillon, Juppé, Rocard cherchent désespérément a quoi peut servir l’emprunt Nico, que les boites noires du AF 441 ne seront pas retrouvées, que Kouchner confond les Ouïghours et les Yoghourts, que les Yéménites pris pour des crêpes aériennes par nos différents ministres apprécient à leur tour de passer à la poubelle ou à la mer l’achat ferme prévu de 5 airbus complets. Que Sarko veut à lui seul refonder le système monétaire international appuyé sur le dollar, etc. etc.

Tu comprends dans un tel bordel que les Iraniens-Coréens tirent en l’air des pelletées de fusées potentiellement nucléaires qu’on peut pas arrêter. Au fond, la seule bonne nouvelle est qu’après onze jours sans bouffer, Thérèse ait été retrouvée vivante chez plus incompétents que nous versant espagnol.

L’unité isotherme de la nation que nous évoquions supra est naturellement respectée. Grâce au RER Paris-Roissy, grâce à la CFDT, un max de gens ont été légitimement empêchés de prendre leur avion parce qu’un trouduc en casquette avait reçu une grande baigne perdue et gratuite dans la gueule, qu’on lui remettrait volontiers nous-mêmes si on se laissait aller ce qu’il ne faut évidemment pas.

On comprend rapidement que sous le terme d’incompétence française il faut mettre quelque chose qui n’a rien à voir avec savoir et pouvoir. Que la saleté cradingue de nombreuses artères parisiennes est externe à l’art de balayer, que l’absence de couvercle en cuivre de telle boite aux lettres régulièrement inondée par la pluie dans mon quartier n’a rien à voir avec la technologie des vis, la connaissance des vents et les sondages d’OpinionWay.

Bref, dans le storytelling français, "l’excellence" fait très bien, quoiqu’elle ne serve probablement et positivement à rien de valable. Sauf qu’au-dessus de la mêlée elle entretient une belle beauté très mythique. Ce qui fait disions-nous qu’elle n’ajoute pas un poil de compétence à l’incompétence qui circule librement alentour c’est que toutes deux, l’excellence supposée et la compétence factuelle, ne sont ni de même bois ni de même nature.

4. A quoi bon peut donc servir la présente prétendue mise au point ? Que faire ?

Il n’est peut-être pas inutile d’abord, dans l’hymne national sur l’excellence, que le mélomane normal puisse reconnaître le vain de la chose et sa duplicité réelle, en bref l’allegro et le troppo dans le jeu du piano : la grande "classe" de l’excellence, mais extrêmement "torve" croyons-nous, c’est de servir à classer les classes dans la société de classe, ce sera là notre donné primo.

Il n’est pas inutile non plus ensuite que la compétence-incompétence se conjugue aussi plus proprement. Aux yeux des uns et des autres. Ce que nous appellons tous communément incompétence s’appelle en vérité négligence, opacité de la vue voyante, effort mais en dehors de la plaque comme celui du chercheur de la clé perdue qui réserve son attention à la zone lumière du réverbère. Deuxio !

Un ami lecteur nous infultait incidemment de façon apparemment carrée intelligente :

 "Mais à quoi donc servent toutes ces observations stériles que vous faites, parcellaires, pas amusantes, locales et lacunaires ?" ... -"Revenons aux vrais problèmes globalisants !" ajoutait-il.
 "Les partis politiques (notamment le PS) doivent construire de vrais programmes et redevenir force de proposition".

On se dit qu’un tel cartésianisme très militant, ce serait a priori pas con à supposer qu’il soit un tant soit peu encore crédible ! ce qui est justement le gros de la difficulté : les excellents-compétents statifiés qui nous dirigent (ou prétendent le faire) ont-ils encore l’aptitude à poser pour nous les vrais problèmes, les construire et les conduire ?

Dans la storytelling qu’on nous infuse depuis longtemps, il va falloir se décider à faire sauter les "craques".
Ce sera sans doute notre prochain travail : "Storytelling, les craques de la démocratie."

.........................................................

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !

................................................

Ocséna, Organisation contre le système-ENA et pour la démocratie avancée
 http://ocsena.ouvaton.org

Messages