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Subutex : la CNAM préfère exclure

Publie le lundi 26 avril 2004 par Open-Publishing

Dans son point d’information mensuel du 8 avril dernier,
l’Assurance-Maladie annonce un plan d’action qui, sous couvert de « 
garantir la qualité des soins », vise à restreindre l’accès au Subutex©
(buprénorphine), le traitement de substitution aux opiacés le plus
utilisé. La CNAM estime que « 10 % des patients ont une posologie
supérieure aux doses recommandées par les experts laissant préjuger d’un
usage potentiellement déviant du médicament.. » Selon elle, l’absence de
conditions de prescriptions contraignantes expliquerait ces « abus » ou « 
usages détournés » : contrairement à la méthadone, le Subutex© peut être
prescrit par n’importe quel médecin généraliste.

L’Assurance-Maladie entend répondre à ce phénomène par la seule répression
et le renforcement des contrôles des usagers et des professionnels
soupçonnés de fraudes, et envisage de porter plainte devant les
juridictions concernées. Ces mesures auront pour conséquence de
restreindre l’accès au Subutex©. La CNAM s’inscrit bien dans l’air du
temps : face à tout problème, les seules solutions envisagées sont le
contrôle et la répression. Or depuis dix ans que les traitements de
substitution ont été lancés en France, c’est bien un accès large au
Subutex© qui a permis leurs résultats inespérés, dont le plus
spectaculaire reste la baisse de 80% des décès par overdoses entre 1994 et
1999.

L’Assurance-Maladie ferait bien mieux de s’interroger sur les causes d’un
marché parallèle du Subutex©. De nombreux usagers de drogues sont
totalement déconnectés du système de soins. La revente du Subutex sur un
marché parallèle leur permet de connaître ce produit de substitution, d’en
mesurer l’impact sur leur vie et leur consommation de drogues. C’est par
ce marché parallèle que de nombreux usagers de drogues prennent conscience
de l’intérêt que le Subutex© peut avoir pour eux : nombreux sont les
généralistes qui reconnaissent que leurs patients sont arrivés à leur
consultation après avoir connu ce médicament dans la rue.
L’Assurance-Maladie veut-elle, pour de pures raisons d’économie, les
exclure définitivement de tout accès à la substitution ?

L’annonce par la CNAM de sa participation à la Conférence de consensus sur
la substitution, qui se tiendra en juin à Lyon, est dans ce contexte très
inquiétante. Tout se passe comme si les débats de cette conférence étaient
fondés sur une seule idée, la suspicion permanente des usagers, et ne
tendait qu’à une seule issue : la restriction de l’accès aux produits de
substitution. La quasi-absence de représentants d’usagers de drogues est
un signe par trop inquiétant du climat dans lequel elle risque de se
tenir.

Pour que les usagers de drogues et de produits de substitution puissent
faire entendre leur voix et influencer les politiques sanitaires prises en
leur nom, ASUD (Auto-Support des Usagers de Drogues) et Act Up-Paris
annonceront dans les tout prochains jours une initiative commune
d’envergure nationale.