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Suisse : congé maternité payé, soixante ans de retard

Publie le lundi 20 septembre 2004 par Open-Publishing

de MICHEL SCHWERI

L’heureux événement se fait attendre depuis soixante ans. Le 26 septembre, la Suisse pourrait enfin se doter d’un congé maternité payé et sortir ainsi de la préhistoire sociale. Le peuple devra en effet se prononcer sur une version « light » d’assurance maternité à insérer dans la loi fédérale sur les allocations perte de gain (APG).

S’il est accepté, ce projet offrira aux travailleuses -salariées, indépendantes ou occupées dans l’entreprise de leur mari- un congé durant les 14 semaines suivant l’accouchement. Cette période sera indemnisée à 80% du revenu perdu pour toutes les femmes gagnant moins de 6500 francs par mois, l’allocation maximale étant plafonnée sur ce montant. Pour avoir droit à cette prestation, la nouvelle maman aura du être assurée à l’AVS plus de neuf mois avant la naissance et avoir eu un contrat de cinq mois au moins durant la grossesse.

La dépense totale s’établira à un petit demi milliard de francs à l’année. Dans un premier temps, jusqu’en 2008 environ, les indemnités maternité seront payées sur la fortune des APG, puis la cotisation devrait être augmentée de l’actuel 0,3% des salaires à 0,5%, soit un passage de 15 à 25 francs pour un revenu brut mensuel de 5000 francs.

Ce progrès social -indispensable à engranger- n’est donc en rien fracassant. Toutefois, plus de 71000 citoyens emmenés par la droite populiste s’y sont opposés par référendum.

Le projet de loi n’apporte pourtant que des avantages à l’ensemble de la société. Aujourd’hui assumée en grande partie par les patrons pour 350 millions de francs, la charge financière des congés maternité serait désormais répartie paritairement. Les employeurs estiment donc leur économie à long terme à une centaine de millions de francs chaque année. Somme qui serait dorénavant couverte par les salarié-e-s. Le soutien du patronat à ce congé maternité fédéral est ainsi compréhensible.

En contrepartie, une bonne majorité des travailleuses -et partant leurs familles- gagneraient à disposer de ce congé, tout minimal qu’il est, sans que les autres ne perdent les avantages acquis. La moitié des petites et moyennes entreprises de Zurich n’assurent leurs employées qu’au minimum légal du Code des obligations, a révélé la seule étude menée dans ce domaine.

La couverture de la perte de gain durant le congé maternité n’est en outre que justice pour les travailleuses qui cotisent déjà aux APG sans en retirer de prestations. Enfin, la loi interdit aux nouvelles mamans de travailler durant huit semaines après l’accouchement -afin de ne pas engager la responsabilité de l’entreprise en cas d’accident- sans avoir jamais garanti le versement du salaire durant l’entier de cette interdiction.

Contre ces injustices, il est grand temps d’accepter ce mini congé maternité. Il ne faut surtout pas penser que le vote « est dans la poche ». Par trois fois déjà, le peuple a en effet refusé une assurance maternité fédérale. Pour éviter l’échec, la version soumise le 26 septembre a été réduite au minimum. Les femmes non actives professionnellement en ont ainsi été exclues et le congé maternité a été mixé avec une augmentation des allocations perte de gain payées aux militaires de 65 à 80% du salaire. Ce dernier progrès est justifié, mais il est symptomatique de l’introduire en parallèle au congé maternité afin de construire une majorité acceptante.

Une chose est sûre : en cas d’échec devant le peuple le 26 septembre, il ne sera pas possible de revenir avec un futur projet encore plus raboté, tant celui d’aujourd’hui est déjà limité. Il faudra alors avoir le courage de soumettre au Souverain l’abrogation de l’article constitutionnel promettant, depuis 1945, une assurance maternité pour mettre en accord les paroles avec les actes. A moins que la Suisse ne rate pas, cette fois-ci, son rendez-vous avec le progrès.

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