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TVA sociale, franchise médicale, vers une privatisation de la sécurité sociale ?

Publie le lundi 25 juin 2007 par Open-Publishing
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Pour justifier ses projets de "TVA antidélocalisation", le gouvernement certifie que la baisse des charges sociales entraînera une baisse automatique des prix. Avant cela, le candidat Sarkozy a promis de mettre en place une franchise médicale afin de financer le déficit de la sécurité sociale. Quelles sont les logiques budgétaires et la philosophie économique de ces plans ?

D’entrée, soyons clairs : notre système social ne peut plus être financé par le travail exclusivement. Vieillissement de la population, augmentation du coût des soins, diminution du nombre d’actifs... Tous ces éléments rendent la gestion de notre système de santé de plus en plus problématique. Les déficits s’accumulent, malgré les plans de financement successifs. Rappelons que le dernier en date, présenté par Xavier Bertrand en novembre 2005, était supposé ramener le déficit sous la barre des 10 milliards d’euros.

La franchise médicale

Lors de la "Convention Santé" de l’UMP, en juin dernier, Sarkozy se demandait : "Y a-t-il une seule assurance sans franchise ?", confondant Sécurité sociale et Assurance maladie. Fillon allait plus loin encore, ne comprenant pas que le paiement d’une franchise sur les soins de santé soit insupportable "alors qu’une charge de plusieurs centaines d’euros par an pour la téléphonie mobile ou l’abonnement Internet ne pose pas de questions". On rappellera au Premier ministre que les salariés versent déjà plus de 15 % de leurs revenus chaque mois (auxquels s’ajoutent les 23 % cotisés par leurs employeurs), soit 191,81 € par mois pour un smicard (et 280 € de plus pour l’employeur) ! Comment mettre en balance, par ailleurs, des dépenses utiles comme le téléphone portable ou Internet avec cette cotisation indispensable pour la préservation de la santé de chacun ?

Les premières propositions de Sarkozy, dans son livre "Libre" (janvier 2005), situaient ce déremboursement à 500 FF (75 €) par cotisant. Dans l’élaboration du projet présidentiel, des chiffres différents se sont succédé, allant de 100 € par an et par personne jusqu’à la proposition actuelle, réduite à 40 € par an et par foyer. On constate que ce projet n’est pas récent. Pour plus d’informations sur ce sujet, je vous renverrai vers "Les Fossoyeurs de la Santé", le livre du Docteur Christian Lehmann .

Tous les efforts du gouvernement, dans la suite des politiques mises en place par Mattéi, Douste-Blazy et Xavier Bertrand depuis 2002, vont vers une "responsabilisation des assurés". On remplace le rapport entre "soignant - malade" par une relation "marchand - client", les personnes consultant un médecin devenant de simples consommateurs de soins. On va ainsi, progressivement, vers une logique économique de marchandisation qui devrait aboutir logiquement à la privatisation du système de santé, sur un modèle américain. Pour rappel, le coût global de notre santé représente 10,5 % de notre PIB, contre 15 % aux USA.

La TVA "antidélocalisations"

Glissant toujours dans le même sens, le gouvernement souhaite instaurer une TVA sociale, supposée financer une partie de la sécurité sociale, tout en allégeant les charges sociales des entreprises. On promet une réduction des prix (hors taxes) correspondant à la hausse de la TVA par effet mécanique.

Alors qu’on nous parle de lutte contre la délocalisation, notre main-d’œuvre étant supposée trop chère et subissant des charges sociales insupportables, posons-nous un instant la question de calculer le poids de la main-d’œuvre dans le prix d’une voiture par exemple. Selon vous : 50 % ? 60 % ? Plus ou moins ? Surprise ! D’après le patron de Fiat, Sergio Marchionne, les coûts salariaux ne représentent qu’entre 4 et 7 % du prix d’une voiture. C’est pourquoi la marque italienne a décidé de ne pas procéder à des licenciements lorsqu’elle a traversé de graves difficultés. Le groupe italien a préservé l’emploi en constatant que les travailleurs de Fiat et leurs familles étaient aussi leurs principaux clients et leurs meilleurs représentants.

Lorsque le gouvernement prévoit une réduction du prix d’une voiture équivalente à la hausse de la TVA (soit 5 %), cela revient, en fait, à réduire la marge des constructeurs de 4,75 %. Cette hausse de la TVA correspond, de fait, à un transfert de la charge de la sécurité sociale du travail vers la fiscalité.

Le financement des déficits

Revenons enfin sur la question essentielle : comment financer le déficit de la sécurité sociale ? Tout d’abord, replaçons les chiffres dans leur contexte. Le déficit s’élève à 10,26 milliards d’euros, somme considérable en soi, mais qui ne représente que 3,4 % du budget du système de santé. Rappelons également que l’Etat doit 5,1 milliards à ce système. Ainsi que le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2006, "l’apurement de ses dettes par l’Etat à la fin du premier semestre 2006 apparaît très modeste : il a en effet été payé 254 millions d’euros sur les 5 271 millions d’euros dus qui ressortent de la situation nette au 31 décembre 2005, ce qui représente un peu moins de 5 %".

A ce stade, pourquoi ne pas aller directement vers une solution plus radicale ? On pourrait supprimer totalement les charges sociales, libérant ainsi 45 % du PIB, en compensant cet allégement généralisé par le rétablissement des impôts directs sur l’ensemble de la population. Alors que tous les leaders politiques français n’ont pas de mots assez élogieux pour vanter les modèles danois ou suédois, on rappellera utilement que la fiscalité directe dans ces pays se situe à des niveaux astronomiques par rapport aux nôtres (au minimum 37 % d’impôts directs, pour tout contribuable !). La participation des utilisateurs dans les soins de santé est, par ailleurs, nettement inférieure dans ces pays scandinaves (moins de 15 % en Suède et en Norvège, 17 % au Danemark, contre 24 % en France).

Dès lors, si l’on convient que la fiscalité doit remplacer, à terme, le système actuel de sécurité sociale, il faut rechercher les moyens les plus justes pour effectuer ce transfert. C’est un Premier ministre socialiste qui nous a dotés de ce moyen. Michel Rocard, en instaurant la CSG (complétée par la CRDS sous Juppé) en 1990, a inventé un système de financement qui représente aujourd’hui plus de 55,15 milliards d’euros par an, soit un tiers de la branche maladie de la Sécurité sociale. La TVA sociale, ou quel que soit son nom, serait un nouveau moyen d’accroître les ressources du système, de façon "indolore". Est-elle pour autant plus ou moins "égale" pour tout le monde ? La consommation des ménages est la base même de toute reprise économique, en France comme ailleurs. Réduire le pouvoir d’achat par une augmentation de la fiscalité indirecte entraînera automatiquement un ralentissement économique et une augmentation du chômage. On aurait pu imaginer une réduction des charges sociales (certainement nécessaire pour les petites entreprises de service), compensée par un transfert de ces charges vers la CSG. Ces ressources nouvelles s’appliqueraient à tous les revenus (y compris ceux des capitaux), sans pénaliser la consommation.

Quant au modèle de soins de santé que le président de la République veut appliquer en France, il faudra qu’il se décide enfin. Il a déclaré à plusieurs reprises que le modèle français ne saurait être remis en cause. "Les Français n’y sont pas prêts", aurait-il expliqué à ses conseillers. En attendant que nous soyons enfin prêts pour ce grand changement, le gouvernement tente, maladroitement, de nous convaincre que nous devons accepter l’inéluctable pour nous offrir des soins dignes de ce nom, alors que les Etats-Unis eux-mêmes se tournent vers nous pour comprendre comment nous faisons pour assurer une couverture sociale équitable et universelle.

verbrowski

Messages

  • Cet article se sert d’une affiche CGT. Fort bien !

    Mais on trouve plus loin des propositions sur le financement de la protection sociale qui sont celles du Parti Socialiste ( encore que, il n’y a pas si longtemps, le PS envisageait la TVA "sociale")

    Rappelons par ailleurs
     que la CGT a toujours combattu le financement par la CSG, et CRDS
     que CGT n’emploie pas le vocabulaire du patronat !

    IL n’existe pas de "charges sociales", mais des cotisations sociales : c’est la part de salaire socialisé.

    Je cite

    A ce stade, pourquoi ne pas aller directement vers une solution plus radicale ? On pourrait supprimer totalement les charges sociales, libérant ainsi 45 % du PIB, en compensant cet allégement généralisé par le rétablissement des impôts directs sur l’ensemble de la population. Alors que tous les leaders politiques français n’ont pas de mots assez élogieux pour vanter les modèles danois ou suédois, on rappellera utilement que la fiscalité directe dans ces pays se situe à des niveaux astronomiques par rapport aux nôtres (au minimum 37 % d’impôts directs, pour tout contribuable !). La participation des utilisateurs dans les soins de santé est, par ailleurs, nettement inférieure dans ces pays scandinaves (moins de 15 % en Suède et en Norvège, 17 % au Danemark, contre 24 % en France).

    Dès lors, si l’on convient que la fiscalité doit remplacer, à terme, le système actuel de sécurité sociale

    Qui convient de cela ? quels leaders politiques ? Les politiques du PS auraient maintenant la prétention de parler au nom de la CGT ?

    Ce ne sont pas les revendications de la CGT !

    Les revendications de la CGT concernant le financement, on les trouvera dans la fiche n° 20 des "Repères Revendicatifs", à télécharger sur le site

    repères revendicatifs

    Patrice Bardet, militant CGT

  • voici la fiche n° 20 citée plus haut

    Patrice


    Repères revendicatifs - Repères revendicatifs -

    Fiche n° 20 : Droit à la protection sociale

    Le droit à une protection sociale solidaire, généralisée et de haut niveau tout au long de la vie. La Cgt propose

     La Protection sociale vise à protéger les individus des aléas et des évolutions de la vie ainsi que des ruptures avec le marché du travail : accident, maladie, grossesse, invalidité, chômage, retraite, famille, dépendance (1) ;
     la Protection sociale doit assurer contre les risques et développer la prévention ;
     la Protection sociale doit répondre aux principes de solidarité, de démocratie et d’unicité
    (ces principes sont inscrits dans les fondements de la Sécurité sociale, créée en 1947) ;
     la Sécurité sociale est le fondement de la protection sociale en France. Son rôle doit être renforcé ;
     il convient de doter la Sécurité sociale de ressources, demeurant principalement ancrées sur le travail, pour répondre à l’ensemble des besoins des populations. La gestion de ces ressources doit rester fondée sur la répartition, base de la solidarité ;
     le fonctionnement de la Sécurité sociale doit être démocratique et sa gestion déléguée à des représentants élus des organisations syndicales. Ceux-ci doivent veiller au bon usage des ressources, à l’égalité de traitement de tous les usagers et au libre accès de ces derniers à l’ensemble des prestations dispensées ;
     Les droits et les moyens d’accès à la couverture complémentaire doivent être garantis à tous. Les rapports entre la Sécurité sociale et les organismes complémentaires doivent améliorer la couverture sociale globale et non justifier un transfert de la prise en charge.


    Ce qui existe aujourd’hui. Un système composé de :

     Un régime général obligatoire, solidaire et géré par répartition (caisses d’assurance maladie, d’allocations familiales, de vieillesse et de recouvrement de la Sécurité sociale) ;

    Une Sécurité sociale en recul depuis 1967, suite aux réformes successives basées sur la maîtrise comptable des dépenses, notamment concernant l’assurance maladie.
    Ces réformes ont conduit à une augmentation de ce qui reste à charge pour les assurés sociaux ;
    Les ressources du régime général en diminution, sans commune mesure avec les besoins croissants des usagers.
    Cette baisse, liée aux bas salaires, au chômage de masse et aux exonérations de cotisations des entreprises, non compensées par l’Etat, grève considérablement l’équilibre financier du régime général et sert de justificatif aux politiques qui présentent les organismes assureurs complémentaires et l’instauration de franchises, comme seule alternative possible ;
     un système complémentaire concernant le salariat du privé, obligatoire pour la retraite (caisses A r r c o pour les salariés, Agirc pour les cadres), et pour la santé dans le cadre d’un accord collectif engageant la participation
    de l’employeur à son financement, se développe, parallèlement au désengagement du régime général, un système complémentaire, facultatif, majoritairement sans participation des employeurs et géré le plus souvent par capitalisation (épargne salariale, Perco, épargne santé, ...),

    Financement de la Protection sociale

    Les cotisations sociales restent le mode de financement dominant : elles représentent presque 60 % du total des recettes de la Sécurité sociale, dont 49 % pour la part dite " patronale " et 11 % pour la part salariés. Les exonérations de cotisations " patronales " compensées par le budget de l’État, donc par les contribuables, représentent 7,6 % des recettes.
    La Csg, dont la part dans les recettes de la Sécurité sociale a crû dans des proportions considérables depuis 1997, représente un cinquième des recettes, tandis que la part des recettes parafiscales (dont la principale est la taxe sur le tabac) est actuellement marginale : environ 1%.

    Le système de cotisation actuel a deux défauts majeurs :

     premièrement, dans le régime actuel l’entreprise peut réduire sa contribution en diminuant en priorité sa masse salariale : lorsqu’elle augmente (en termes d’emploi ou de salaire ou des deux), elle cotise davantage. Inversement, l’entreprise qui réduit sa masse salariale cotise moins. Ce système peut pénaliser l’emploi, le salaire, les qualifications et leur reconnaissance
    dans les salaires ;

      deuxièmement, le taux de cotisations est le même dans tous les secteurs d’activité. Or, la part des salaires (cotisations sociales comprises) dans la valeur ajoutée varie selon les secteurs d’activité.

    Les moyens pour y parvenir Financement de la Protection sociale

    La réforme du financement de la Sécurité sociale est un enjeu majeur pour les générations présentes et pour l’avenir de notre société. Son contenu doit être débattu de façon la plus large et la plus démocratique possible pour tenir compte de l’ensemble des questions : emploi, financement, réponse aux besoins présents et futurs.
    De surcroît, l’économie française souffre d’une insuffisance chronique des investissements productifs, tandis que les investissements financiers demeurent dynamiques.
    Sous la pression des marchés financiers, les chefs d’entreprises tendent à juger que les investissements productifs ne sont pas suffisamment rentables, tandis que les placements financiers sont plus avantageux. Il faut donc établir une logique qui pénalise les investissements financiers, pour inciter les entreprises à réaliser des investissements productifs créateurs d’emplois et améliorant les niveaux de qualification et les capacités de production.

    Notre proposition repose sur trois principes :

     la contribution des employeurs doit demeurer une cotisation, c’est-à-dire être prélevée dans l’entreprise (et non sur le consommateur) ; elle doit être
    affectée à la Sécurité sociale ;
     la nouvelle répartition entre les entreprises doit tenir compte de la valeur ajoutée et de l’importance de la masse salariale. D’où l’idée de taux différenciés suivant les entreprises.
     le mode de calcul doit favoriser le développement de la masse salariale et non pas inciter à la réduction des salaires et du nombre de salariés. D’où l’idée d’une différenciation, d’une modulation, du taux en fonction de la gestion de l’emploi. Le mode de calcul doit aussi favoriser l’investissement productif et pénaliser la financiarisation. D’où l’idée de l’élargissement de l’assiette aux revenus financiers des entreprises.

    Ces principes justifient à la fois un " double élargissement de l’assiette " et une " double modulation des taux de cotisation ".

    Elargissements de l’assiette ou de la base de calcul des cotisations sociales

    Il s’agit d’intégrer dans l’assiette des éléments qui échappent actuellement à la cotisation : certaines formes de rémunération et les revenus financiers des entreprises.
     Le premier élargissement vise à dissuader le développement des formes aléatoires, discriminatoires et inégalitaires de rémunération, comme les stock-options ou l’épargne salariale.
     Le second a pour objectif de réduire l’intérêt pour l’entreprise de multiplier les placements financiers au détriment de l’investissement productif.

    Modulations du taux de cotisation

    Il s’agit également de différencier les taux de cotisation en fonction de la masse salariale et de choix de gestion de l’entreprise comparés à la valeur ajoutée qu’elle crée.
    La cotisation dite patronale aurait deux composantes :


     La première partie serait calculée à partir du ratio " masse salariale rapportée à la valeur ajoutée " ;
     la deuxième partie serait calculée selon le ratio " revenus financiers / valeur ajoutée ".

    Les taux de cotisation seraient modulés en fonction de ces ratios. Celui de la première partie serait inversement proportionnel au ratio masse salariale / valeur ajoutée.
    Le taux de cotisation pour la deuxième partie augmenterait en fonction du ratio revenus financiers / valeur ajoutée.
    En conséquence, lorsque le revenu financier de l’entreprise augmente par rapport à sa valeur ajoutée, elle cotisera relativement plus,
    Cela permettrait d’assurer une réelle solidarité.

    Démocratisation de la Protection sociale

     La Sécurité sociale et les régimes complémentaires doivent rester de la compétence des organisations syndicales, dès lors qu’ils sont financés par les cotisations (salaire socialisé). La Cgt demande un retour aux élections dans les caisses, l’élaboration de règles de fonctionnements démocratiques qui actent le respect de tous les administrateurs, ainsi que la définition d’un statut de l’administrateur (droits, devoirs, moyens mis à sa disposition pour assurer son mandat dans les meilleures conditions) ;
    le rapport entre les collèges employeurs et salariés doit être revu, les représentants des salariés doivent redevenir majoritaires dans les conseils d’administration.

     seules les organisations à but non lucratif peuvent assurer la complémentarité ;

     le risque dépendance (personne handicapée, personne âgée) et la prévention doivent relever exclusivement du régime général de la Sécurité sociale ;
     les possibilités de contrôle par les comités d’entreprise du règlement des cotisations aux organismes de protection sociale doivent être renforcées (Urssaf, caisses de retraite, Unédic...).