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Travailleurs sociaux : des précaires au service de la précarité

Publie le mardi 24 mai 2005 par Open-Publishing

On connaît l’ambiguïté de la fonction du travailleur social. Nous l’avons souvent dénoncée dans les colonnes du Combat Syndicaliste. Chargé de venir en aide aux plus exploités et aux plus démunis, le travailleur social est aussi un des instruments de la paix sociale, condition nécessaire au bon fonctionnement de cette société d’exploitation et de profit. Vivant au quotidien cette situation schizophrénique, il est sans cesse confronté au cynisme du pouvoir et à la détresse des populations marginalisées, paupérisées, mises au rebut.

Sous l’égide notamment du pouvoir socialiste, la gestion de la misère fut rationalisée dans les années 80 par la multiplication des associations dites d’aide sociale, d’aide par le travail ou de réinsertion. L’affaire est rentable ! L’État, la région, le département se déchargent sur ces associations de la gestion de la pauvreté en échange de quelques subsides leur permettant de faire tourner la boutique. Statut bancal, salaire minimum, horaires démentiels, le travailleur social est pris au piège. Face à la misère des personnes, il bosse le plus souvent sans compter, jonglant avec les démarches administratives, les lois arbitraires, les décrets scélérats, tentant dans ce dédale de paperasse d’aider ses semblables à rester debout, à sortir de l’impasse dans laquelle le système les pousse inexorablement.

Mais les années 80 sont bien loin. Le temps de l’aumône paternaliste est
passé. Aujourd’hui, le secteur social est sommé de s’adapter aux lois du
marché qui s’appliquent à la misère comme au reste de la société. Les mots
clés ont changé ! Évaluation, contrôle, rentabilité, productivité, voilà les
nouvelles valeurs qui régissent le fonctionnement du secteur social. A
quelques exceptions près, les aides publiques aux associations de
réinsertion sont de plus en plus maigres, tandis que les exigences du
pouvoir sont de plus en plus fortes. Sous couvert d’insertion, le
travailleur social devient malgré lui un indic, un contrôleur de la misère,
un auxiliaire de police qui assure la surveillance des personnes "hors
circuit". Et les gens ne s’y trompent pas. Nombreux sont ceux qui lâchent
leur droit au RMI pour éviter les contrôles sur leur vie, leur façon de
survivre dans la débrouille. Et nombre d’exclus ont encore plus de
difficulté à vivre, ne correspondant pas aux normes administratives
nécessaires pour recevoir l’aumône.

On le sent quotidiennement, la misère n’est plus un mal à enrayer, c’est
devenu une tare dangereuse qu’il faut gérer, maîtriser, encadrer. Cette
reprise en main concerne tout le monde : l’exclu comme le travailleur
social. Face aux restrictions des subventions, les associations serrent les
boulons. Le statut du travailleur social dès lors n’est pas très loin de
celui de son "client". CDD à répétition, CES, vacations, travail à temps
partiel, SMIC horaire... sont le plus souvent les conditions de travail de l
’éducateur lambda. Et l’inique de la situation veut qu’il ne soit pas rare
de voir dans le même temps les dirigeants de ces associations se verser des
salaires de plusieurs milliers d’euros par mois.

Des précaires pour gérer la précarité, il fallait y penser. A Montauban, un
travailleur social demanda le mois dernier à un "client" venu pour des
démarches administratives quelle profession il exerçait avant de connaître
les affres du chômage, puis du RMI : "Educateur, répondit celui-ci, mais
faute de subvention, l’association a mis la clé sous la porte"

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