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Tribunal international d’opinion "L’Agent Orange" : crime américain au Vietnam

Publie le lundi 25 mai 2009 par Open-Publishing
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de M’hammedi Bouzina Med

Les USA sont rattrapés, à leur tour, par leurs horreurs durant leur guerre au Vietnam. Le terrible "Agent Orange", un produit chimique terrifiant, a été déversé, durant 10 ans, sur les forêts et rizières vietnamiennes. Aujourd’hui encore des millions de Vietnamiens en souffrent ou en meurent. A défaut de justice des hommes, les Vietnamiens font appel à la justice de la Conscience humaine. Les Algériens en savent quelque chose avec les essais nucléaires français.

L’histoire des conflits armés du siècle passé, en particulier celle des guerres de libération, n’en finit pas d’ouvrir bien des chapitres douloureux sur lesquels des générations d’aujourd’hui peinent à se réconcilier. Parce que, précisément, la réconciliation est tributaire de la justice qui tarde à se manifester.

Parmi ces chapitres, il y a celui des crimes - et non des actes de guerre - commis par les ex-puissances coloniales sur des civils et leur environnement naturel. Si la fin de la guerre ouvre la période de deuil aux peuples à la mémoire des victimes immédiates de la guerre, la Justice des peuples libres demeure le seul exutoire aux survivants et victimes collatérales des conflits.

C’est dans ce sens qu’il faut inscrire la demande des victimes des essais nucléaires de la France coloniale en Algérie et de la France libre aux îles Caraïbes. Le « procès » fait aujourd’hui à l’Etat français par les victimes françaises - militaires et civiles - a été jugé recevable. Celui des victimes algériennes irrecevable. C’est le lot des peuples qui ont vaincu l’abomination coloniale. Ils iront d’appel en appel devant le Tribunal de l’Histoire, jusqu’à ce que justice leur soit rendue. Les Algériens ne sont pas seuls dans ce cas. Le peuple vietnamien qui a combattu courageusement et vaillamment la première puissance militaire mondiale d’après-guerre, celle des USA, poursuit lui aussi sa demande de réparation des conséquences des affres de la guerre, celles occasionnées par des armes chimiques horribles et destructrices à jamais, autant que l’arme nucléaire. Il s’agit de « l’Agent Orange », un produit chimique effroyable à très haute dose de dioxine.

Les 15 et 16 mai derniers, l’Association internationale des juristes démocrates, avec son Association française « Droit Solidarité », a organisé la tenue d’un Tribunal international d’opinion à Paris pour donner ses conclusions sur trois éléments du dossier. Il s’agit des faits qui montrent les conséquences de l’utilisation de « l’Agent Orange » par l’armée américaine de 1961 à 1971 sur l’environnement et l’écologie du Vietnam ainsi que sur la santé des Vietnamiens ; des responsabilités légales et morales des 32 compagnies identifiées et citées pour leurs actions commises sans respect de la loi internationale et des lois des nations ; enfin, du rôle que ces compagnies devraient jouer en remédiant aux conséquences de leur produit au Vietnam.

Pour rappel, de 1961 à 1971 (la guerre du Vietnam s’est terminée en avril 1975), les B52 de l’armée américaine ont déversé plus de 72 millions de litres d’herbicides sur une superficie de près de 2 millions d’hectares de forêts et rizières. Les experts ont évalué à 41.635.000 litres d’« Agent Orange » contenant de la dioxine, un « poison un million de fois plus toxique que le plus puissant poison naturel connu à l’époque », affirme le rapport des experts, avant d’ajouter « qu’en août 1970 le sénateur américain Nelson déclarait au Congrès qu’il n’est pas impossible que notre pays ait déclenché une bombe à retardement qui retentira sur les populations avec des incidences qui ne pourront être évaluées que dans un lointain futur ». Plus tard, un autre rapport du Congrès américain a estimé à plus de 4.400.000 le nombre de victimes potentielles, sans compter les victimes empoisonnées ultérieurement par la chaîne alimentaire. Il affirme que « les victimes passées, présentes et à venir se comptent par millions ».

L’armée américaine faisant fi de toutes les lois de la guerre a utilisé « l’Agent Orange » pour la défoliation des forêts et rizières dans le but de débusquer les combattants, de détruire les récoltes et d’exiler les paysans vietnamiens. Le Tribunal international d’opinion dispose de sérieuses preuves énoncées par les sénateurs américains eux-mêmes sur la catastrophe naturelle et humaine que vit, à ce jour, le Vietnam. Il se base, entre autres, sur un vote du Congrès américain de 1991, dit « l’Orange-Act » et qui reconnaît que le produit favorise « une dérégulation hormonale avec des graves effets dur le système de reproduction du foetus en développement, sur le cerveau et sur le système immunitaire ». Ceci alors même qu’en 1966 (durant la guerre) l’Institute of Medecine des USA avait établi un lien entre l’exposition à « l’Agent Orange » et une dizaine de maladies telles le sarcome, lymphome, leucémie, maladie de Hodgkin, cancers des voies respiratoires et de la prostate, diabètes, etc.

Par ailleurs, l’épandage de « l’Agent Orange » a hypothéqué pour plus d’un siècle des millions d’hectares de forêts et rizières, les rendant impropres à l’exploitation. Aujourd’hui encore, des millions d’enfants vietnamiens naissent avec des malformations et des maladies graves, souvent incurables. D’autre part, le Tribunal a mis en avance l’indemnisation de 70.000 vétérans américains de la guerre touchés par « l’Agent Orange » et pour lesquels les firmes mises en cause ont déboursé 180 millions de dollars en 1979 au titre de dédommagement. En outre, le Tribunal retient que le 30 janvier 2004, l’Association des victimes et les victimes ont engagé une action judiciaire aux USA contre les firmes et qu’après un débouté frappé d’appel, le procès est en cours. Enfin, en janvier 2006, un tribunal de Corée du Sud a condamné les firmes Dow Chemical et Monsanto à indemniser 6.800 victimes sud-coréennes. Rappelons que la Corée du Sud était engagée en appui aux troupes militaires américaines au Vietnam.

Dans cette bataille à la fois judiciaire, politique et humaine, le Tribunal international d’opinion rappelle que le gouvernement des USA a reconnu l’illégalité de l’utilisation de « l’Agent Orange » en temps de guerre. Aussi, les 32 firmes américaines de fabrication de ce poison chimique citées en comparution sont sommées, au regard des attendus et considérations retenues contre elles, à procéder à la réparation financière et surtout morale envers les victimes d’hier et d’aujourd’hui.

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