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Ultime mobilisation pour Cesare Battisti

Publie le mercredi 30 juin 2004 par Open-Publishing

de Gian Paolo Accardo

Mercredi 30 juin, Cesare Battisti devrait savoir s’il peut être extradé vers l’Italie. Ancien terroriste, membre des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), condamné par contumace en Italie pour quatre meurtres commis entre 1978 et 1979, Battisti vit depuis 1990 en France, où il est devenu un écrivain de polars reconnu. En 1991, une première demande d’extradition avait été rejetée au motif que la procédure italienne ne prévoit pas que les personnes condamnées par contumace puissent être rejugées à leur retour en Italie. Par ailleurs, Battisti bénéficiait de la "doctrine Mitterrand", qui garantissait l’asile aux anciens terroristes et activistes italiens réfugiés en France quand ils avaient renoncé à la violence. Mais, par un accord survenu en 2002 entre les gouvernements italien et français, la France s’est engagée à réexaminer le cas de plusieurs réfugiés, dont Battisti.

C’est ainsi que l’ancien membre des PAC a été arrêté en février – puis relâché – dans l’attente que la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris se prononce sur la nouvelle demande d’extradition le concernant, ce 30 juin. Pendant ce temps, un mouvement de solidarité autour de Battisti s’est déclenché, d’abord au sein de la communauté des "polardeurs", pour s’étendre à une partie de la gauche et du milieu intellectuel et littéraire français, alors qu’en Italie l’affaire réveillait d’anciens démons liés à la blessure encore ouverte des Années de plomb.

Dernière manifestation en date contre l’extradition de Battisti, la soirée organisée le 26 juin au théâtre de l’Œuvre, à Paris : interventions de célébrités ayant pris position pour Battisti ponctuées par des interludes musicaux dont celui, très apprécié, de Georges Moustaki. Marraines de la soirée, la chanteuse Lio et l’auteure de polars Fred Vargas, qui a publié récemment La Vérité sur Cesare Battisti (éd. Viviane Hamy), un recueil critique d’articles de presse et de documents sur la cas de l’ex-PAC. Pour un compte rendu de la soirée, voir Libération du lundi 28 juin. Parmi les personnalités venues exprimer leur soutien à Battisti, Guy Bedos, Julien Dray et Bernard-Henri Lévy.

Bedos a remarqué qu’"aujourd’hui l’engagement n’est plus à la mode", et que "ceux qui s’engagent passent pour des idiots ou des crétins". Pour cela, a-t-il dit, bien que "refusant toute violence" et "préférant l’idée de ’révolution de velours’", il s’est engagé contre l’extradition de Battisti, parce qu’il est "convaincu de son innocence". Julien Dray a défendu le choix du Parti socialiste et de son premier secrétaire (François Hollande avait rendu visite à Battisti à la prison de la Santé) de s’opposer à l’extradition de l’ancien terroriste en vertu du respect de la "doctrine Mitterrand" et de la parole donnée par la France, ainsi que d’"affirmer le principe du droit à la défense", dont Battisti n’aurait pas bénéficié.

Bernard-Henri Lévy, reprenant pour l’essentiel l’argumentation d’un de ses bloc-notes du Point, se garde de vouloir "faire la leçon aux Italiens", mais ne peut s’empêcher de faire remarquer que Battisti a été condamné sur la base de lois d’exception "terribles et indignes d’une démocratie en temps de paix" et d’un code pénal qui porte encore les traces du fascisme. Ainsi, BHL invite l’Italie à approuver "finalement une amnistie générale pour tous les Italiens impliqués dans les Années de plomb" et à créer "une commission pour faire toute la vérité sur cette époque", quitte à écrire "le livre noir du terrorisme et des Années de plomb”, comme il y a eu Le Livre noir du communisme. Pour l’essayiste, il est par ailleurs impensable d’extrader Battisti vers "un pays dont le président du Conseil se soustrait depuis des années à la justice, avec bien d’autres moyens que lui" – Silvio Berlusconi se fait en effet "des lois sur mesure pour échapper à la pression des juges" et est allié "avec un parti postfasciste et un autre xénophobe".
Son intervention terminée, BHL a rejoint sa femme dans la salle, avant de sortir, quelques minutes plus tard, pour disparaître ensemble à bord d’une Daimler aux vitres fumées.

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=24457&provenance=accueil&bloc=03