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Un rapport épingle l’Europe sur les vols secrets de la CIA

Publie le mercredi 7 juin 2006 par Open-Publishing

Quatorze pays européens ont participé ou couvert la "toile d’araignée" mondiale dressée par la CIA pour détenir ou transférer des terroristes présumés, selon le rapport du Conseil de l’Europe publié mercredi.

Dick Marty, qui dirige l’enquête européenne sur les vols secrets de la centrale de renseignement américaine, soupçonne notamment la Pologne et la Roumanie d’avoir abrité des centres de détention illégaux.

"Il est désormais clair (...) que les autorités de plusieurs pays européens ont activement participé, avec la CIA, à des activités illégales, que d’autres les ont ignorées en connaissance de cause, ou n’ont pas voulu savoir", déclare-t-il en préambule de son rapport.

Le document affirme que sept Etats membres, dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la Turquie, peuvent être "tenus pour responsables, à des degrés divers, de violations des droits des personnes".

Sept autres pays, notamment la Pologne et la Roumanie, pour le fonctionnement de centres de détention secrets, ou l’Irlande, le Portugal et la Grèce, en tant qu’escales pour des vols illégaux, seraient responsables de "collusion active ou passive".

Dick Marty a rendu son rapport public mercredi à Paris lors d’une réunion de la Commission des questions juridiques de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Il insiste sur les cas de la Roumanie et de la Pologne, pays mis en cause par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW).

"Des éléments de faits viennent corroborer l’hypothèse selon laquelle certains points d’atterrissage en Roumanie et en Pologne, à proximité de centres de détention secrets, servent à débarquer des détenus", écrit-il.

"UNE PARTIE DE LA VERITE"

Le parlementaire suisse souligne que l’existence de ces centres secrets ne fait guère de doutes.

"Si des preuves au sens classique du terme ne sont pas encore disponibles à ce jour, de nombreux éléments cohérents et convergents indiquent que de tels centres secrets de détention ont bel et bien existé en Europe", écrit-il.

En annexe de son rapport, Dick Marty présente une carte dressant le circuit présumé mis en place par la CIA, de Kaboul à Guantanamo, à Cuba, en passant par Rabat, Alger, Le Caire ou Bucarest et un réseau mondial de lieux de détention géré par divers services du gouvernement américain.

Il explique avoir utilisé des données fournies par les autorités nationales et internationales de contrôle du trafic aérien, ainsi que des informations provenant de sources internes aux services de renseignement, notamment américains.

"Nous ne connaissons encore qu’une partie seulement de la vérité et d’autres pays pourraient encore être concernés lors de prochaines recherches ou révélations", ajoute le rapport de 67 pages publié après sept mois d’enquête.

Le 17 mai, une commission du Parlement européen avait indiqué que les Américains reconnaissaient que la CIA n’avait pu enlever ou faire transiter en Europe des suspects sans l’accord au moins tacite des Etats.

Selon elle, les "restitutions extrajudiciaires" auraient concerné 30 à 50 personnes depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et le début de la guerre contre le terrorisme. Dans un rapport d’étape, cette commission avait indiqué en avril que plus d’un millier de vols clandestins avaient transité par le vieux continent depuis 2001.

Les enquêtes menées conjointement par le Conseil de l’Europe et par l’Union européenne font suite aux révélations de la presse américaine et de plusieurs organisations non gouvernementales, en novembre 2005.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=388286