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Viva Zapatero ! Canal Plus, mardi 20 décembre, à 22 h 35

Publie le mardi 20 décembre 2005 par Open-Publishing
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Brûlot à l’italienne

Documentaire. Canal Plus diffuse le film de Sabina Guzzanti qui dénonce les dérives du système médiatique italien, placé, de fait, sous le contrôle absolu de Silvio Berlusconi.

Viva Zapatero ! Canal Plus, mardi 20 décembre, à 22 h 35

de Fernand Nouvet

« L’Italie rétrogradée à la 67e place par l’Observatoire mondial des libertés civiles. » Ainsi commence la charge héroïque de la réalisatrice Sabina Guzzanti dans Viva Zapatero ! Ce film diffusé par Canal Plus, avant sa sortie en salles le 21 décembre, a été présenté dans la surprise et le mystère à la 62e Mostra de Venise. « Parce que la censure brutale, perverse et néototalitaire de la péninsule, et en particulier sur ses médias, commande la prudence », souffle l’auteure de ce « brûlot », un « clown » qui fait peur à l’empire Berlusconi.

Sabina Guzzanti utilise la satire pour dénoncer « la dérive autoritaire du système médiatique italien ». Comme pour donner plus de poids à sa démolition salvatrice de l’empire du « Cavaliere », voilà que le groupe audiovisuel Mediaset, propriété du chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, se fait encore remarquer. Une dépêche de l’AFP du 9 décembre révèle que Mediaset s’est « opposé à la diffusion d’un document tourné par un militaire italien à Nasiriyya et qui risquait d’embarrasser la mission italienne présente en Irak depuis juin 2003 ».

Une habitude défensive de l’empire Berlusconi pour protéger son capitaine. Le film, qui aurait dû être diffusé par la chaîne Italia 1 au cours d’une émission mêlant satire et journalisme, a finalement été diffusé sur la chaîne publique d’information RAINews 24.

Une pièce de plus à charge contre Silvio Berlusconi qui s’ajoute au dossier, traité à la fois avec sérieux et humour, par Sabina Guzzanti. Dans son documentaire, la jeune femme démonte, pièce après pièce, les mécanismes du « conflit d’intérêts » à lque les politiques, de droite comme de gauche, ont laissé se mettre en place.

« Énorme ! » pourrait-on dire de Viva Zapatero ! Un rappel de la Guzzanti pour dire combien le brutal débarquement de son émission Raiot, dès le premier épisode sous prétexte de « vulgarité et d’insultes au gouvernement », ne tient pas la route. Ne pouvant aller contre l’avis des juges, pour qui Raiot ne présentait rien de répréhensible, les médias, qui en majorité mangent dans la main de Berlusconi, « ont déplacé le débat sur la nature même de la satire » pour justifier la censure. La RAI a laissé faire. « J’étais un danger pour eux, dit la jeune femme. Ils ont préféré ne pas avoir à payer les millions d’euros réclamés en plaintes. »

Mais parce que la Guzzanti sait se montrer - féroce, et secouer la fourmilière, Viva Zapatero ! joue le rôle de « pavé dans la mare » audiovisuelle italienne. Elle n’hésite pas à traquer les notables du berlusconisme jusque dans la rue, et elle leur balance des vérités qu’ils sont incapables de justifier, sauf à se commettre dans le ridicule.

Sabina Guzzanti a, durant de nombreuses années, présenté des émissions comiques et satiriques sur la RAI. À l’arrivée en politique de Berlusconi, en 1994, après les scandales « mani pulite » (mains propres), elle s’est complètement engouffrée dans les émissions comiques et satiriques, « en me moquant de beaucoup d’hommes politiques, et pas seulement de Berlusconi ». Tout cela était diffusé sur la radiotélévision publique détentrice des trois chaînes nationales historiques.

Or, dit la Guzzanti, « la direction de la RAI est choisie par le gouvernement. Quand on sait qu’en face, le principal groupe de - télévision privé, qui détient les trois autres grandes chaînes de télévision du pays, est également propriété du président du Conseil, c’est bien la liberté d’expression qui est menacée ». L’Italie est une « oligarchie », constate Sabina Guzzanti, pour qui la mainmise d’un homme qui « contrôle toute l’information » en Italie est dangereuse.

Silvio Berlusconi, « un des dix hommes les plus riches », n’en est pas à une « glissade » près. Pour monter son empire Mediaset, il a usé et abusé de son statut présidentiel. Et son autorité sur la télévision publique a fait le reste. Le « Cavaliere » sappesanti sur ceux qui menaçaient sa vision de la démocratie et s’est livré à un nettoyage des strates audiovisuelles.

Ainsi, malgré une popularité certaine, Beppe Grillo, satiriste et acteur de théâtre, est considéré comme « l’ennemi public numéro un ». Il est aujourd’hui boycotté par toutes les télévisions transalpines. Dans le documentaire, il exhorte les journalistes, lors d’une conférence de presse, à ne pas laisser faire. En vain. Leur seule réaction demeure l’embarras, le rouge de la honte qui colore les visages. Nombreux sont ceux qui ont payé, par la mise à l’écart, leurs actions contre Berlusconi.

Viva Zapatero ! renouvelle l’émotion lorsque la caméra s’arrête sur Giorgio Pieroni, viré de la RAI avec une charrette bien remplie d’insoumis. Pourtant, ce journaliste italien est l’un des plus respectés d’Italie. Mais il a eu le malheur de déplaire à Berlusconi, comme tant d’autres... Pour Giorgio Pieroni, l’évocation des libertés et de la démocratie en Italie, a un goût amer, au point de pleurer presque en se remémorant le sournois ménage opéré au quotidien Corriere della Sera.

« Interrogé dans une émission phare de débats, sur la RAI 1, Beslusconi a donné en direct une liste de personnes qui ne doivent plus, selon lui, faire la moindre apparition à la télévision », dit Sabina Guzzanti. Un style, qui lui a valu d’être comparé à Mussolini par le journaliste Enzo Biagi. Mis lui aussi sur la touche, celui-ci fait savoir, dans une - séquence qui lui est consacrée, que ce qui l’a le plus vexé lors de sa mise à l’écart, « c’est d’avoir été - licencié par lettre recommandée ».

Sorti le 16 décembre sur les écrans en Italie et distribué grâce à l’opiniâtreté du distributeur indépendant local Lucky Red, Viva Zapatero ! continue d’occuper les écrans des cinémas italiens. Ce qui, pour la Guzzanti, est une nouveauté. « Qu’un film italien soit toujours à l’affiche, six semaines après sa sortie, c’est déjà tout à fait inhabituel. Pour un documentaire, cela ne s’est jamais produit », souligne la réalisatrice.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-12-17/2005-12-17-820179

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