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Trop critique, un officier est radié de la gendarmerie

Publie le vendredi 26 mars 2010 par Open-Publishing

de Pauline Fréour

Jean-Hugues Matelly avait dénoncé le rapprochement police-gendarmerie dans le cadre d’une étude pour le CNRS. Radié par un décret du président de la République, il va déposer un recours devant le Conseil d’Etat.

Il se dit « complètement stupéfait », « atterré ». Le chef d’escadron de gendarmerie Jean-Hugues Matelly s’est vu signifier jeudi sa radiation des cadres (son exclusion de la gendarmerie) par « mesure disciplinaire ». Ses torts ? S’être exprimé publiquement fin 2008 en critiquant le rapprochement police-gendarmerie au sein du ministère de l’Intérieur, effectif depuis le 1er janvier 2009. Le commandant, également chercheur au CNRS, avait détaillé ses arguments dans un article de presse, cosigné avec un autre chercheur civil. Jean-Hugues Matelly avait ensuite réitéré les critiques contenues dans l’étude, intitulée « La gendarmerie enterrée dans l’indifférence générale », sur une radio nationale.

A la suite de ces interventions, le militaire de 44 ans, qui exerce en Picardie, avait fait l’objet en juin 2009 d’une procédure pour « manquement grave » à son obligation de réserve. En octobre, un conseil d’enquête de la gendarmerie avait proposé sa « radiation des cadres ». Une proposition suivie jeudi par le président de la République qui devait trancher en dernier ressort.

Sans précédent

Selon l’avocat de Jean-Hugues Matelly, la mesure est rarissime. « Nous sommes stupéfaits de la disproportion de la sanction par rapport à la faute alléguée. Ses propos n’étaient pas polémiques et ne jetaient pas le discrédit sur l’institution », a souligné Me David Dassa-Le Deist en affirmant qu’il n’existait pas, « dans la jurisprudence, de cas similaire ». L’avocat envisage un référé devant une juridiction administrative pour la contester. « Une voie de recours naturelle s’offre à nous, celle du Conseil d’Etat qui appréciera la légalité d’une telle décision », indique-t-il.

Déplorant qu’« aucune expression libre ne semble possible » dans l’armée, Jean-Hugues Martelly a souhaité néanmoins « pouvoir continuer à défendre les valeurs qui sont celles de la démocratie, en premier lieu desquelles la liberté d’expression ». A ses yeux, son engagement dans l’armée n’était « pas du tout contradictoire » avec cela.

Le cosignataire de l’article incriminé, Cristian Mouhana, qui, lui, n’est pas gendarme, s’est déclaré pour sa part « scandalisé » par cette mesure « jamais utilisée dans un tel cadre », qui « reflète le malaise de la gendarmerie que la hiérarchie ne veut pas entendre ». « Le rapprochement police-gendarmerie, cela signifie la fin de la police de proximité telle que les gendarmes la pratiquaient », a-t-il précisé, « ce qui était dit dans notre étude ».

Au début de la procédure, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, avait déclaré qu’ »en tant que militaires, l’expression publique des gendarmes est encadrée par des dispositions particulières » : ils sont « astreints à l’obligation de réserve » qui « s’applique à tous, y compris » à Jean-Hugues Matelly.

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/03/26/01016-20100326ARTFIG00344-trop-critique-un-officier-est-radie-de-la-gendarmerie-.php