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OPÉRATION DRAGON

Publie le vendredi 15 octobre 2004 par Open-Publishing
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PRÉCÉDENT COMMUNIQUÉ

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RÉSUMÉ

Devant la confiscation sournoise de ses outils de travail par la ploutocratie, SURRÉALISTE éditions se met en grève et passe à l’action. Nous appelons tous les cerveaux encore valides à se joindre à nous dans ce combat autogéré au sein duquel vous avez toute votre place. L’heure des bilans et de tirer le signal d’alarme est révolu. La lutte a fait son temps, place au combat.

Nous pourrions nous battre égoïstement pour y gagner quelques avantages, mais au lieu de cela, avec la même énergie, nous avons choisi d’attaquer le problème dans sa globalité. Cette fois, la coupe est plus que pleine. Nous sommes maintenant tous assez mûrs pour savoir qu’il n’y a rien à attendre des partis et syndicats. Nous savons comment bâtir l’autre monde tant attendu. La solution à tous les problèmes actuels tient en trois mots : AUTOGESTION, DÉCROISSANCE et LIBERTÉ des médias.

LE CAPITALISME NE CRÈVERA PAS TOUT SEUL, AIDONS LE

J’aimerais bien vous dire que l’on se débarrassera de l’avanie capitaliste juste avec de beaux discours, malheureusement ce n’est pas le cas. Le combat pour la justice sociale n’est pas le monopole des partis, c’est à nous simples citoyens de reprendre notre destin en main.

Cette fois-ci, il ne s’agit ni d’une fiction, ni d’une analyse, ni d’un article... mais d’une action bien concrète qui va largement sortir du cadre de l’internet pour venir déborder dans la vie réelle.

LE ROLE NORMAL D’UN ÉDITEUR

Outre mes nombreuses activités militantes et l’écriture, j’exerce, entre guillemets, la profession d’éditeur alternatif. En temps normal, mon métier consiste à lire des manuscrits conformes à la ligne éditoriale de la maison et à transformer ceux qui me semblent être les plus intéressants en livres papiers de bonne qualité qui pourront être ensuite diffusés chez les libraires et lors de manifestations littéraires ou autres. Mais avant cela, le texte brut doit d’abord être relu, le cas échéant l’auteur y apporte des modifications, il faut ensuite corriger au maximum les fautes d’orthographe et de grammaire, faire la mise en page, créer une couverture, préparer les fichiers à envoyer chez l’imprimeur, s’assurer que le travail d’impression est conforme au résultat souhaité et aussi communiquer avec l’auteur. Une fois les livres imprimés, il faut aussi en faire la promotion afin que les lecteurs potentiels puissent être informés que tel ou tel ouvrage susceptible de les intéresser vient de paraître. Cela va sans dire que l’auteur ne débourse rien et que l’éditeur rémunère ce dernier avec un pourcentage sur les ventes. Voici donc en quoi consiste le métier d’éditeur.

ÉTAT DES LIEUX SUR LE MÉTIER D’ÉDITEUR INDÉPENDANT EN 2004

Recevoir des manuscrits qui mériteraient d’être édités, mais que l’on est obligé de refuser car notre métier consiste désormais plus à gérer un découvert bancaire que d’être des acteurs culturels. Se démener comme un fou et sillonner la France pour écouler quelques livres. Ce qui revient à dire que le gasoil, ou le plein d’huile de colza, n’est pas toujours remboursé lors de ces voyages qui sont le seul moyen qu’il nous reste pour diffuser des livres - avec le faible complément d’internet. C’est aussi essayer, tant bien que mal, avec les moyens du bord, d’informer nos lecteurs des sorties d’ouvrages et de se demander tous les soirs quand est-ce que l’on va finir par mettre la clé sous la porte. Voilà où nous en sommes.

PRÉCISIONS SUR L’ÉDITION INDÉPENDANTE

De nos jours, quand on parle d’édition indépendante, on parle plus de chimères qu’autre chose. Pratiquement tous les petits éditeurs sérieux ont dû, soit cesser leurs activités, soit accepter de se fondre dans un grand groupe, devenant parfois une collection de ces derniers. Une grande partie de ceux qui se présentent comme étant des petits éditeurs ne sont en réalité que des charlatans qui pratiquent le compte d’auteur et qui sont dénoncés depuis longtemps publiquement par le CALCRE (association de défense des auteurs).

Si nous en sommes là, c’est parce de cessions en fusions, deux grands groupes qui sont à l’origine des marchands d’armes, règnent sans partage sur le monde du livre - et aussi sur celui des médias en général. Il s’agit de Dassault et Lagardère, pour ne pas les nommer, qui ont désormais la main mise sur la quasi-totalité du secteur de l’édition, de la distribution, de la diffusion et de la promotion.

Les miettes qui restent, quant à elles, sont partagées entre une poignée d’éditeurs indépendants précaires, de diffuseurs à la limite du dépôt de bilan et de petits libraires qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts, sans parler du sort des auteurs dont l’inexistant statut fait qu’ils en arrivent à envier celui des intermittents - c’est dire s’ils sont en grand désarrois. Tous les passionnés et amoureux du livre se retrouvent en face d’un cruel dilemme : accepter les règles du monde marchand et faire de la merde ou bien disparaître. Quand on sait que l’écriture est un art majeur, ça fait froid dans le dos de le savoir tomber dans le caniveau.

QUELLES SONT LES MÉTHODES DE L’ÉDITION INDUSTRIELLE ?

Autant le dire tout de suite, on a affaire à une mafia. La moyenne de ce qu’elle attribue aux auteurs (sauf cas particuliers, quand il s’agit de « stars » ou autre) est de l’ordre de 6% - voire moins. Dans l’édition alternative, les éditeurs, bien souvent, sont aussi des auteurs, ils connaissent donc la précarité dans laquelle sont plongés les plumitifs, c’est pourquoi il n’est pas rare que les pourcentages qu’ils accordent soient supérieurs à 10%.

Sur le principe de la grande distribution, l’édition industrielle se fait réserver, moyennant finance, le plus possible d’espace dans les rayonnages des libraires, la quasi-totalité aujourd’hui. Avec son trésor de guerre, elle préfère éditer n’importe quelle merde écrite par un footballeur ou une star de pacotille de la télé réalité que de laisser un peu de place à d’autres, qui risquent de l’occuper avec de vraies œuvres. Le flot ininterrompu de bouillie littéraire qui se déverse continuellement permet de noyer les chefs d’œuvre dans la masse. Dans ces conditions, impossible de dénicher le nouveau Hugo, ou le nouveau Vernes. On ne donne pas sa chance à un auteur en s’occupant de son ouvrage pendant à peine six mois. L’art n’a pas la même logique que celle de la rentabilité immédiate. Si Léo Ferré débutait dans la musique aujourd’hui, il n’aurait quasiment aucune chance de se faire connaître du plus grand nombre.

A QUI LA FAUTE ?

Cette situation intolérable n’est certainement pas à imputer aux artisans du livre. Comment voulez-vous lutter contre le rouleau compresseur mis en route par les magnats de la finance avec la bénédiction de leurs amis les politiciens ? C’est impossible, d’autant plus qu’ils se sont attaqués à toute la chaîne simultanément.

Pour ce qui est des responsabilités du monde marchand et de la classe politique elles sont acquises. Maintenant, tournons-nous du coté des faux amis de la gauche d’en haut. Si, avant qu’il ne soit trop tard, les figures emblématiques de la gauche avaient fait le choix judicieux et militant de rester ou de venir chez les éditeurs indépendants, nous n’en serions pas là, car aujourd’hui ces locomotives nous permettraient de contrer efficacement l’offensive et la propagande capitaliste. Pour ne citer personne, quand des Bové, et d’autres qui se reconnaîtront, se font publier chez leurs soi-disant ennemis impérialistes, c’est un coup de poignard dans le dos qu’ils infligent à l’édition indépendante et aux militants.

On pourrait rire du fait que nombre d’écrits altermondialistes, ainsi que leurs auteurs, sont potentiellement financés avec l’argent d’armes qui ont peut-être servi à trucider des innocents si ce n’était pas aussi pathétique. S’ils n’étaient pas tant toxicomanes des médias au service du pouvoir et de l’argent, s’ils étaient vraiment convaincus par le sens de leur engagement... ils auraient pu travailler avec leurs camarades de l’édition indépendante et leur permettre ainsi d’éditer des centaines d’auteurs dans leur sillage qui auraient permis au contre-pouvoir que nous sommes de jouer son rôle de manière efficace et d’instaurer un vrai débat sur la place publique. Au lieu de ça, ils préfèrent se pavaner chez ce fourbe d’Ardisson pour qu’au final Seillière puisse se railler de nos pseudos leaders, que nous avons déjà percé à jour depuis quelques années. Le petit baron à propos de Bové [copier/coller repiqué chez Acrimed] : « Le nouveau patron de l’édition française est interviewé dans Paris Match (3 juin). Sur Bové qu’il édite : franchement cela m’amuse. [Grand rire] (sic). Je trouve cela complètement normal, ..., la règle du jeu c’est d’accepter les extrêmes. Et sur l’altermondialisme : il faut bien qu’ils manifestent leur désarroi ou leur opposition. Ils le font en disant : un autre monde est possible. C’est une formule romantique mais malheureusement vide. »

Bien sûr, Bové n’est pas le seul à nous tirer le tapis sous les pieds pour mieux amener la couverture vers lui, mais c’est un cas de figure emblématique qui peut toujours nous demander d’aller le soutenir lors de ses mises en scène médiartiques, il pourra toujours crever seul de son narcissisme ! Avec des amis comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis. Nous, ce que l’on veut, c’est faire avancer les choses avec nos moyens et nos ami(e)s et pas se pavaner tel un paon en foire devant les médiarques.

Parlons un peu des lecteurs consommateurs à présent. Sans vouloir généraliser, mais presque, combien d’entre-vous qui sont sensibilisés à cette grave crise que nous traversons, vont plus souvent à la FNAC que chez les libraires indépendants ? Des tas ! Je ne vous cache pas être choqué de voir plus que régulièrement passer de la publicité dans les médias alternatifs pour des livres édités chez nos pires ennemis. Alors que, même si le propos est intéressant, il aurait fallu boycotter les tueurs de liberté en masse dès le début.

Et les politiques dans tout ça ? Pas un, pour s’offusquer de ce monopole unique au monde ! Il faut dire que tous aiment bien sortir des livres chez leurs potes du capital pour épandre leurs belles théories selon lesquelles le bateau coule normalement. Alors bien sûr, comme ça, la boucle est bouclée.

LE FACTEUR AGGRAVANT

Ayant fait paraître plusieurs ouvrages (chez des éditeurs alternatifs) plutôt destinés à un lectorat entre 15 et 40 ans, je suis bien placé pour me demander pour qui je vais écrire demain. Non seulement le livre, au sens noble du terme, est en crise, mais en plus l’éducation nationale est en train de nous fabriquer une génération de lecteur pour laquelle il va falloir rédiger des ouvrages avec 400 mots de vocabulaire.

Là encore il faut y voir l’empreinte du monde marchand. Le texto, langage commercial par excellence, est passé par là. Je n’ai rien contre à condition qu’il se cantonne aux écrans de portable et que les publicitaires n’en fassent pas une « culture ». Si vous connaissez 1984, on est en plein dedans. Réduire les mots, c’est réduire la pensée, et de surcroît, la liberté. Dans l’absolu, le monde capitaliste rêve de consommateurs serviles juste bons à exprimer leurs besoins les plus élémentaires : boire, manger, consommer du sexe, payer les factures qu’on leur présente sans rechigner, et surtout : sans se poser de questions. Les heures consacrées à l’enseignement du français sont sans cesse réduites. La télévision qui fait désormais partie intégrante de l’éducation est là pour enfoncer le clou. Les enfants et les adolescents sont les premières victimes de la manipulation et du décervelage. Le non-accès à la langue participe à creuser le fossé entre les classes. D’un coté les enfants de nantis qui maîtrisent la langue et qui n’ont pas de souci à se faire pour leur avenir, de l’autre les enfants des cités que l’on maintient dans la médiocrité linguistique et qui, de fait, non pas un accès correct à la culture. Bien enseigner la langue, donner le goût de la lecture, c’est permettre aux enfants de s’épanouir dans tous les domaines par la suite. L’égalité des chances n’est qu’un mirage fomenté par la pire racaille que cette Terre ait porté : les politiciens qui s’accrochent à leurs privilèges comme des tiques sur le cou d’un chien.

AVANT D’ALLER PLUS LOIN ON VA POSER LES VALISES

A titre personnel, mon métier n’est pas de faire de la politique, ni de montrer mon nombril devant des médias que je conchie allègrement. Je ne suis qu’un simple citoyen anonyme qui aspire à le rester et qui ne demande qu’une chose : retourner faire l’ours dans sa caverne pour rédiger en paix dans des conditions décentes. Si je monte aujourd’hui au créneau, ce n’est pas par plaisir mais par dépit. Vivre comme un précaire, ça fait des années que ça dure, je m’y suis presque habitué, et en définitive ça ne me gène pas tant que ça tant que je peux pratiquer mon art sereinement. Je préfèrerais largement que le monde soit moins abject et écrire autre chose que des brûlots à l’encontre de ces fourbes de capitalistes qui poussent toujours et encore le bouchon plus loin. Mais c’est comme ça, alors puisqu’il faut combattre je le fais sans états d’âme, parce que malgré mes défauts j’ai quand même une conscience intacte et que je ne pourrais pas me regarder en face s’il en était autrement. Si je dois me retrouver mis en avant, ou presque, dans ce combat autogéré qui s’annonce, ce ne sera pas parce que je suis en manque de notoriété, mais tout simplement parce que par votre inaction vous ne m’aurez pas permis de me noyer dans la masse. Alors s’il doit en être ainsi, si l’anesthésie médiartique, si la peur de perdre votre petit confort tout relatif, et je ne sais quel autre attrape couillon du même acabit font qu’il faille une fois encore se battre en nombre ridicule, ne vous surprenez pas si dans le futur vous vous faites traiter de mougeon et si je vous incendie de ma verve quand vous gémirez sur vos petits problèmes, que des Zorro de la politique ou des syndicats seraient sensés régler à votre place... Oui, je ne suis pas gentil, oui je ne suis pas là pour vous caresser dans le sens du poil comme les médiarques sur lesquels vous crachez, mais que vous continuez à faire vivre. Je n’ai rien à vendre, j’exerce juste ma liberté d’expression, et j’invite tout le monde à en faire autant. Je ne dresserai pas ici toute la liste de ce qui est inacceptable et de ce qui ne tourne pas rond dans notre société, la liste est trop longue et vous la connaissez tous. Je ne suis embrigadé dans aucun parti, organisation, syndicat, religion... j’ai toute mon indépendance d’esprit et compte continuer à la conserver longtemps. J’agis de mon propre chef, pour mes proches, pour ceux dont je ne supporte plus la souffrance silencieuse et aussi pour moi. Point. Si quelqu’un veut prendre le flambeau de ce combat, qu’il le fasse et qu’il le conduise jusqu’au bout, ça m’arrange au plus haut point. Arrête de te créer des idoles, la star c’est toi, pour peu que tu le décides. Quand tu en auras marre d’être un mougeon manipulé par ceux qui te donnent bonne conscience (les icônes de la gauche), tu pourras enfin aller là où tu veux. Quant à moi simple couillon, sois sûr que malgré ma santé défaillante pour cause d’excès que je continue à commettre, que je serais là jusqu’à la victoire finale. J’ai regardé il y a peu un vieux film hongkongais intitulé « le justicier de Shanghai » dans lequel le héros se battait jusqu’au bout une hache plantée dans le ventre [à regarder au second degré, of course]. Sans aller jusque là ; il me semble que s’il on est beaucoup à faire usage de notre kung-fu cela peut faire mal. Je ne peux pas dire mieux. Après ça, les mots sont vains, seule l’action peut parler pour ceux qui y participent.

MAINTENANT ACTION

L’action va commercer petit à petit. Tout ce que je puis vous dire aujourd’hui c’est que ce combat ne peut pas être celui de partis mais celui de simples citoyens voulant acquérir enfin cette souveraineté populaire tant promise depuis des lustres. Quelque soit le nombre que nous serons, il ira jusqu’au bout et nous en sortirons triomphants. Il n’est pas question de tout casser mais d’instaurer un vrai débat dans ce pays. Le château de cartes prétendument républicain n’y résistera pas. Qui vivra verra. Faux amis ne restez pas plantés là, choisissez votre camp, soyez derrière ou devant, mais pas au milieu car c’est la plus mauvaise place...

SIGNER LA PÉTITION DÈS MAINTENANT

http://www.surrealiste.org/img-gniack/petition.htm

Messages

  • Je suis allée signer la pétition ;) j’espère que de nombreux lecteurs feront comme moi. Je soutiens la grève et ton mouvement. Ton article en démontre avec brio le bien-fondé. Mais voilà, une initiative de plus. A quand la convergence des luttes ?

    Aujourd’hui à Grenoble débute le festival "lire en fête", organisé par l’association Anagramme. Ce matin des livres ont été distribués gratuitement dans les trams. Que voilà une heureuse initiative !

    • >Je suis allée signer la pétition ;)

       :-D merci beaucoup, ainsi tu as sauvé la patrie, l’Europe, le Monde (avec un M majuscule) et l’univers

      >A quand la convergence des luttes ?

      quand les parisiens arrêteront leurs querelles de clocher ;-)

      @+

      Matt