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CE QUI SE JOUE DERRIERE LES OGM

Publie le samedi 16 octobre 2004 par Open-Publishing
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de Patrick MIGNARD

Dans un système qui se dit démocratique, il est difficile d’interdire brutalement tout débat et toute discussion. Le pouvoir peut cependant faire en sorte qu’ils soient tellement confus et chaotiques que plus personne ne sait plus ce qu’il faut penser du sujet débattu. L’avantage revient alors au pouvoir en place qui continue comme si de rien n’était et isole les contestataires.

C’est exactement ce qui se passe avec les OGM.

L’ALIBI DE LA SCIENCE ET DE LA RECHERCHE

Celles et ceux qui s’opposent aux expérimentations OGM seraient des « passéistes rétrogrades » et « voudraient faire régresser » la recherche scientifique. Ceux qui utilisent ces arguments savent qu’il n’en est rien, d’autant plus que nombre de chercheurs et d’universitaires soutiennent notre cause, mais rien de tel pour nous discréditer. L’argument ressemble à si méprendre, dans la forme, à la condamnation des scientifiques sous l’ancien régime lorsque l’Eglise s’opposait aux progrès de la science. L’Eglise s’opposait à tout progrès certes pour des raisons de dogme, mais surtout parce qu’une vision, une conception nouvelle du monde remettait en question la vérité officielle, autrement dit l’ordre social.

La démarche des gestionnaires du système marchand est la même que celle des obscurantiste du Moyen Age, directement inversée : empêcher une application systématique des progrès scientifiques met en péril l’ordre établi... en effet ça empêche un rapide retour sur investissements dans la recherche et ça retarde la rentabilisation de la production. S’en prendre aux OGM porte donc atteinte aux principes même du système marchand... ce qui est vrai mais n’est jamais reconnu.

Il n’est évidemment pas question de porter une quelconque atteinte à la recherche scientifique, d’ailleurs, le voudrait-on qu’on n’y arriverait pas, le désir de savoir et de comprendre est inné à l’espèce humaine. Par contre, considérer la science et la recherche comme un simple outil au service d’une finalité mercantile, pose un problème fondamental d’éthique et de sécurité collective, or cette dimension là il n’en est jamais tenu compte. Les partisans des OGM ne dévoilent qu’une partie de leurs intentions, celles qui sont, pour eux, les plus valorisantes : la recherche pour le progrès alors qu’il s’agit de recherche pour le profit.

L’ALIBI DES PROGRES DE L’AGRICULTURE

La culture des OGM permettrait une utilisation moindre, voire nulle, des pesticides, des insecticides ainsi que de l’eau. Les OGM permettraient de compenser les manques agricoles, les inégalités alimentaires et la faim dans le monde. L’argument est séduisant. Mais qu’en est-il exactement ?

Qu’elle est l’origine de la faim dans le monde ? Des inégalités ? De la pauvreté ? A entendre les partisans des OGM, ces phénomènes seraient tout simplement naturels, conséquence d’une nature avare qu’il s’agit de dompter, de forcer à produire (voir-« L’HOMME APPARTIENT-IL A LA NATURE ? »). L’argument est là nettement moins convainquant et même pour tout dire insuffisant.

Il est de notoriété publique que la marginalisation, voire l’élimination des cultures dans les pays économiquement dominés, leur perte d’autonomie sur le plan agricole, leur dépendance, sont dues aux pratiques néo coloniales et affairistes des grandes firmes internationales et aux pratiques de marché des pays riches... sans parler de l’aggravation des conditions climatiques dues à l’activité industrielle. Le fort écrasant le faible et l’éliminant, telle est la loi de l’économie de marché... tel est le sens de « être performant ».

Quant à l’utilisation des engrais, des pesticides, de l’irrigation massive elle est due à quoi ? Il suffit de le demander à ceux qui pratiquent la culture industrielle : rentabilité et uniquement cela.

Si l’on fait le compte de ces situations et conditions de la production agricole on se rend compte que c’est sa marchandisation qui crée les problèmes et non la nature... les pays « leader » en agriculture industrielle se « payant même le luxe » de mettre en jachère des terres fertiles alors qu’ils feignent de se lamenter sur les risques de sous production mondiale... Ils n’en sont pas à une contradiction prés.

En fait de progrès c’est à une véritable marchandisation, donc confiscation par des intérêts privés, du vivant que nous assistons, une privatisation des semences qui soumettra l’ensemble des agriculteurs aux exigences mercantiles des grandes firmes agro alimentaires mondiales.

LE « PRINCIPE DE PRECAUTION » A-T-IL UN SENS EN ECONOMIE DE MARCHE ?

Le principe de précaution peut se résumer ainsi : « s’abstenir de faire s’il y a un risque ». Il est indiscutable que la prolifération des OGM dans la nature est un pari risqué... Aucune certitude scientifique, et même les partisans des OGM de bonne fois (tous ne le sont pas), le reconnaissent, ne peut garantir le caractère inoffensif de ces manipulations échappant à tout contrôle puisque expérimentées en plein champs.

Ce principe de précaution, régulièrement évoqué par les politiciens, comme d’ailleurs le droit au travail et le droit au logement, n’est qu’un alibi pseudo démocratique qui cache l’essentiel de leurs politiques.

Ce qui prime c’est bien entendu la rentabilité ... non pas la satisfaction des besoins, mais la satisfaction des besoins solvables et les profits que peuvent réaliser les actionnaires des grandes entreprises agroalimentaires et autres semenciers.

Mais que fait l’Etat dans cette affaire ?

Ce n’est pas un scoop, mais il est bon de le redire, l’Etat (et ce, quelle que soit la couleur politique de celles et ceux qui le composent) n’est pas neutre et dans l’affaire des OGM il joue parfaitement son rôle. Nombre de personnes sont scandalisées par le fait que l’Etat « prend partie pour les intérêts privés des multinationales de l’agro alimentaire »... Mais enfin, comment pourrait-il en être autrement ? L’Etat est le garant du système marchand. Il parle de « principe de précaution » pour rassurer. En fait il joue dans le camp des semenciers et des multinationales de l’agro alimentaire en défendant leurs expérimentations qu’il sait illégales au regard de la législation européenne et en mettant à terme l’ensemble des citoyens devant le fait accompli en tenant le raisonnement suivant : « un jour, l’ensemble des cultures seront contaminées et la lutte anti-OGM n’aura plus lieu d’être... le temps travaille pour nous ».

Pour parvenir à cette fin il tord le coup à la démocratie ... qui n’est dans ce système qu’un prétexte, en appliquant une législation d’exception, par l’intermédiaire de ses préfets, à l’égard des élus communaux qui tentent de s’opposer aux expérimentations sur le territoire de leur commune. Quant à la classe politique elle agit avec un parfait opportunisme... Elle est plutôt contre les OGM quand elle est dans l’opposition et plutôt pour quand elle est au pouvoir (?).

Aujourd’hui le « principe de précaution », pour ce qui est des OGM, mais aussi pour le nucléaire, la pollution de l’air, bref, toutes les activités humaines n’est qu’un concept vide de sens. Seule la conscience citoyenne est à même de le faire respecter. Y arrivera-t-elle ? Là est toute la question.

Cette lutte est exemplaire en ce sens qu’elle montre la détermination du système à briser toute résistance qui entrave son fonctionnement, mais elle montre également le degré de résistance, de détermination et d’initiative du mouvement de contestation anti-OGM qui n’est qu’un élément de la contestation globale du système marchand. C’est ce qui explique la brutalité de la répression exercée par celui-ci face à un mouvement qui n’a pas de stratégie.

Messages

  • Sacré phénomène ce Patrick MIGNARD. Je suis époustoufflée par le nombre de choses qu’il trouve toujours à nous écrire. Il semble aussi fertile que les publicitaires, mais heureusement pour nous, il ne nous bombarde pas de conneries sans fin pour nous faire gober tout et n’importe quoi, mais nous instruit par des textes réfléchis et lucides qu’aucune personne de bonne foi ne critiquer.

    Merci, Monsieur Mignard, continuez ainsi, la Terre a besoin d’humains comme vous.

    Sonia J. FATH