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La manipulation de l’opinion publique

Publie le jeudi 6 mai 2010 par Open-Publishing
13 commentaires

de Chien Guevara

Qui a dit : "l’ingénierie du consentement est l’essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer" ?
Non, la propagande politique au XXe siècle n’est pas née dans les régimes totalitaires, mais au cœur même de la démocratie libérale américaine ; elle est née d’edward Bernays, l’auteur de cette phrase.

Le père de la propagande

Edward Bernays (1891-1995), neveu de Sigmund Freud émigré aux Etats-Unis, est considéré comme le père de la propagande politique institutionnelle et de l’industrie des relations publiques, dont il met au point les méthodes pour des firmes comme Lucky Strike. Son œuvre aborde des thèmes communs à celle de Walter Lippmann, notamment celui de la manipulation de l’opinion publique. Il fit à ce titre partie du Committee on Public Information créé par Woodrow Wilson pour gagner l’opinion publique américaine à l’entrée en guerre des États-Unis en 1917.

Conseiller pour de grandes compagnies américaines, Bernays a mis au point les techniques publicitaires modernes. Au début des années 1950, il orchestra des campagnes de déstabilisation politique en Amérique latine, qui accompagnèrent notamment le renversement du gouvernement du Guatemala, main dans la main avec la CIA.

Il a inventé cette technique moderne qui consiste à plier nos esprits aux projets de certains, technique que l’on nomme communement "propagande".

Pour Bernays, la démocratie doit être pilotée par la minorité intelligente, c’est à dire, par l’élite...

Les méthodes de Bernays : de la théorie à la pratique.

En combinant les idées de Gustave Le Bon et Wilfred Trotter sur la psychologie des foules avec les idées sur la psychanalyse de son oncle maternel, Sigmund Freud, Eddy Bernays a été un des premiers à vendre des méthodes pour utiliser la psychologie du subconscient dans le but de manipuler l’opinion publique.
Pour lui, une foule ne peut pas être considérée comme pensante, seul le ça s’y exprime, les pulsions inconscientes. Il s’y adresse pour vendre de l’image dans des publicités, pour le tabac par exemple, où il utilise le symbole phallique. À la demande de l’industrie cigarettière, qui cherchait à faire tomber le tabou de la consommation du tabac par les femmes, il a notamment organisé des défilés très médiatisés de « fumeuses » jeunes et jolies qui affirmaient leur indépendance et leur modernité par l’acte de fumer en public ("Les torches de la liberté"...).
En politique, il « vend » l’image des personnalités publiques, en créant par exemple le petit-déjeuner du président, où celui-ci rencontre des personnalités du show-biz. Il considère qu’une minorité intelligente doit avoir le pouvoir « démocratique » et que la masse populaire doit être modelée pour l’accepter.

L’exemple de la première guerre mondiale

Des techniques de propagande ont été codifiées et appliquées la première fois d’une façon scientifique par le journaliste Walter Lippmann et le psychologue Edward Bernays au début du XXe siècle.
Pendant la Première Guerre mondiale, Lippman et Bernays furent engagés par le président des États-Unis Woodrow Wilson pour faire basculer une opinion américaine traditionnellement isolationniste vers l’interventionnisme. Pour cela, il fit appel aux Comités pour l’information du public (Comitee for Public Information) dirigés par le journaliste George Creel, « privatisant » ainsi la propagande de guerre.
La campagne de propagande de Creel, Lippman et Bernays effectuée pendant six mois fut si intense que l’hystérie anti-allemande générée a impressionné l’industrie américaine, qui découvrait tout à coup les immenses ressources que l’on pouvait déployer pour influencer l’opinion publique d’un pays entier. Bernays a inventé les termes d’esprit de groupe et d’ingénierie du consentement, des concepts importants en propagande appliquée.

Lord Ponsonby, un aristocrate anglais, socialiste et pacifiste, résuma ainsi les méthodes utilisées pendant le conflit (y compris par son propre pays) :

Il faut faire croire

1. que notre camp ne veut pas la guerre
2. que l’adversaire en est responsable
3. qu’il est moralement condamnable
4. que la guerre a de nobles buts
5. que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)
6. qu’il subit bien plus de pertes que nous
7. que Dieu est avec nous
8. que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat
9. que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)
10. que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traitres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).

L’historienne Anne Morelli a montré que cette grille pouvait s’appliquer encore aux conflits de la fin du XXe siècle. Certains soulignent aussi leur adéquations avec des conflits très actuels.
Les relations publiques, dont usent les États et les entreprises, s’inspirent directement des travaux de Lippman et Bernays.

En 1928, Bernays publie « Propaganda »

L’analyse de Chomsky :
« LE manuel classique de l’industrie des relations publiques », selon Noam Chomsky. Véritable petite guide pratique écrit en 1928 par le neveu américain de Sigmund Freud, ce livre expose cyniquement et sans détour les grands principes de la manipulation mentale de masse ou de ce que Bernays appelait la « fabrique du consentement ».
Comment imposer une nouvelle marque de lessive ? Comment faire élire un président ? Dans la logique des « démocraties de marché », ces questions se confondent.
Bernays assume pleinement ce constat : les choix des masses étant déterminants, ceux qui viendront à les influencer détiendront réellement le pouvoir. La démocratie moderne implique une nouvelle forme de gouvernement, invisible : la propagande. Loin d’en faire la critique, l’auteur se propose d’en perfectionner et d’en systématiser les techniques à partir des acquis de la psychalanyse.

L’analyse de Blandine Josselin :
Cet l’homme fait partie de ce "gouvernement de l’ombre", aujourd’hui "spin doctors" et autres conseillers en relation publique, qui régit toutes les activités humaines, du choix de nos lessives aux décisions de nos chefs d’Etat. A travers ses multiples exemples aux allures de complot, son oeuvre, ’Propaganda’, est tout à la fois une théorie des relations publiques et le guide pratique de cette "ingénierie du consentement".
Explicitant avec une clarté étonnante les multiples techniques et ressorts psychologiques de la propagande (le cher oncle n’est jamais bien loin !), cette oeuvre écrite en 1928 apparaît aujourd’hui comme un témoignage édifiant et profondément actuel qui aurait toute sa place dans un cours de self-défense civique. Précieux, ce "manuel" l’est par son absence totale de langue de bois. A la manière d’un Patrick Le Lay des grands jours, Bernays revendique sans même rosir son mépris pour le "troupeau" et son goût pour l’autorité. Si l’auteur choque aujourd’hui, il désarçonne aussi par tant de candeur et de ferveur pour ce qu’il chérit comme un progrès pour l’humanité. Il pousse surtout à réfléchir sur la réalisation de l’idéal démocratique tant la transparence et la consternante "bonne foi" de son argumentaire en trois temps paraît infaillible. Selon lui, la propagande n’est pas un vilain mot car l’action de dominer et manipuler les foules est inévitable, nécessaire pour "organiser le chaos" et même profitable pour "guider" la masse

"égarée", ainsi soulagée de l’éreintante tâche de penser par soi-même.
Bernays fonde tout son argument sur l’évacuation de l’individu et la fatalité du consentement populaire. Si Goebbels a trouvé en ’Propaganda’ de quoi approfondir ses méthodes, peut-être l’ouvrage peut-il nous aider aujourd’hui à mieux discerner l’invisible et moins céder à l’endormissement...

Sources :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Bernays

http://fr.wikipedia.org/wiki/Propagande

http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1300

http://www.amazon.fr/Propaganda-Comment-manipuler-lopinion-d%C3%A9mocratie/dp/2355220018

http://www.evene.fr/livres/livre/edward-bernays-propaganda-32186.php

La manipulation de l’opinion publique

Messages

  • Salut à toi,

    Pour ceux que cela intéresse, Noam Chomsky sera à Paris en fin de mois et fera quelques conférences dont une au collège de France le 31 mai à 17 heures amphithéatre Margueritte de Navarre, qu’on se le dise.........

  • Yes.

    Dans un "vrai" système démocratique tous ceux qui sont appellés à diriger, prendre des décisions pour la communauté, et surtout à "nommer" leurs rerésentants, devraient avoir lu Bernays et se disciples.

    Mais évidemment ceux qui sont au pouvoir se gardent bien de le publier. de même qu’il nest au programme officiel d’aucune grande université. perso, abvant l’ère du Web je n’avais jamais entendu arler de lui, comme d’ailleurs de Friedman et de bien d’autres.

    Actuellement si tu parles de "Stratégie du Consentement" autour de toi, aussi sec tu es catalogué "Sectateur de la Théorie du Complot Mondial" avec connotations "ufologiste" en prime, et même dans le pire des cas, "antisémite".
    ,
    Ce qui d’aileurs démontre bien à ceux qui sont au courant que les théories de Bernay... et des autre, sont vérifiables par la principe du "pudding" come aurait dit Lénine.

    Soit : "C’est efficace et réel puisque ça fonctionne".

    La seule question que je me pose est plutôt ceci : Ayant eu l’occasion d’étudier les différentes philosophies connues, avec le Marxisme en tête de liste, ainsi que les différentes théories en sciences sociales, je suis effaré de pouvoir attester qu’en aucun cas en presque 50 ans de lectures et d’analyses assidues je n’ai eu affaire ici, en France, à quelqu’un qui a même soulevé l’ombre d’une supposition ou d’une mention et référence sur ces théories-là.

    Parce que le résumé que tu fais dans ton texte est carrément un programme de gouvernement autoritaire et esclavagiste. qui dans le cadre du développement de la Révolution aurait du être décortiqué afin d’y trouver les parades.

    Or comment expliquer qu’en 42 ans de PCF, ayant participé à l’époque à toutes les écoles du Parti, étant fils de Communiste dit "Intellectuel", disposant d’ne multitude d’ouvrages de référence politico-économiques et régulièrement mis à jour depuis mon enfance, j’ai du attendre la fin des années 90, et de maîtriser l’Anglais et le Net, pour avoir accès à cette littérature ?

    J’en viens à me demander actuellement si le "black-out" sur ce type de stratégies ne remonte pas à bien avant les dérapages actuels qui ont lieu depuis 20 ans dans le Mouvement ouvrier et révolutionnaire. et même s’ils ne sont pas les prémisses fondateurs de ces mêmes dérapages.

    Je ne veux pas par là dire que ce black-out, ou ces "omissions" étaient "volontaires" de la part de la majorité des dirigeants, mais plutôt que ceux qui, "intellectuels et stratèges" du Mouvement avaient et ont toujours en charge l’étude des obstacles à renverser ou à défaire pour arriver à une vraie démocratie révolutionnaire ont délibérément zappé ou sous-estimés une partie des éléments essentiels qui caractérisaient la stratégie de l’ennemi capitaliste ;

    Ou alors ils seraien totalement nuls dans leur ensemble, or je ne crois pas au 100% même dans la "nullité".

    On aurait pu penser que dans les 40 dernières années, suffisamment "riches" en "dissidents" de toutes sortes avec les événements et remous internes que ça a produit, au moins un ou deux auraient pu être en "dissidence" sur ce sujet.

    En France ça n’était pas connu, mais le propre d’un intellectuel et d’un chercheur est bien de chercher uiverselement les éléments de réflexion.

    Reste à déterminer qui ou quoi a pu empêcher la diffusion de ces "travaux" et "théories", évitant ainsi de les analyser afin du développement des stratégies révolutionnaires.

    G.L.

    • Je ne voudrais pas me faire mousser, mais il y adéjà quelques temps que je parle de la stratégie du consentement et les dégats qu’il peuvent faire. L’article : Serions-nous và un point de non retour tourne autour de ce thème car effectivement le consentement a, je pense, annihilé les consciences pour une réaction anti-capitaliste.

      Cet article est une excellente démonstration et d’autant mieux qu’il est bien argumenté. Pour Chomsky, je conseille aussi de voir la première vidéo que Mermet a tournée et sur laquelle on peut entendre Chommsky s’exprimer sur le sujet, passionnant !

    • Cet article est une excellente démonstration et d’autant mieux qu’il est bien argumenté. Il s’agit de celui du Chien, comme on l’aura compris....

  • à lire également "petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens"- dont j’ai oublié les auteurs -qui rappelle qu’aller travailler est de la soumission librement consentie.

    en effet E. Bernays n’a pas apprécié que "Propaganda" soit le livret de chevet du docteur ’Goebbels" ;

    le management en entreprise s’en inspire... dans le choix de mots ;
    (voir V. klemperer la langue du III Reich)

    Albarot

    • en effet E. Bernays n’a pas apprécié que "Propaganda" soit le livret de chevet du docteur ’Goebbels" ;

      Ben en tant que parent proche de Freud c’est sûr que pour lui et ses copains ça n’était pas "positif". Y en a même quelques millions qui en sont morts.

      Mais c’est le propre des "armes de destruction massives" de fonctionner à double sens dès lors qu’on les a mises dans le domaine public... ((- :

      De plus c’est peut-être ce qu’il a dit après-coup pour se dédouaner. Parce que pour son cas y a pas eu de dégâts collatéraux. L’a pas souffert le mec de l’exploitation de ses "travaux" par ses copains au pouvoir.

      G.L.

  • pour ceux que ca intéresse vous pouvez le lire ici , ce livre est vraiment intéressant :

    http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=21

    • Oui, écrit en 1928, et utilisé en permanence par tous les gouvernements, sans oser l’avouer...

      Camarades, dénonçons haut et fort, à longueur de journée, ces pratiques déshumanisantes, où la basse classe n’est que chair à obéissance, à soumission, à travail, à canon !

      L’élite n’existe pas, ceux qui croient en faire partie, ont juste la chance d’être bien nés !

      Pouvoir au peuple et vive la liberté !

  • Un peu de retard, en effet. Parmi les auteurs qui parlent de cette question qu’on lit partout ailleurs qu’en France, Theodor Adorno et l’École de Francfort. Adorno, philosophe, musicologue, chercheur en sociologie, adhérent de Freud et du Marxisme à la fois (et critique de Freud et du Léninisme), a très bien vu tout ça dès les années vingt. Surtout il a compris comment les adhérents du matérialisme dialectique s’étaient mis dans l’incapacité de comprendre l’importance du jeu culturel dans la montée du Nazisme. Michel Foucault disait que tout ce qu’il avait écrit, il l’avait retrouvé plus tard dans les écrits de l’ l’École de Francfort.

    En fin de compte, ce qui me semble plus grave que la non-lecture de Bernays c’est la difficulté qu’on a parmi la gauche française à faire la jonction entre le culturel et le politique. La culture, ici, ce n’est jamais ce qui détermine mais ce qui est determiné – c’est toujours superstructurel, comme on disait au bon vieux temps.

    Amitiés,

    Paul Werner,
    Auteur, Musée et cie.

  • Lorsque Vendredi matin vers 7h j’ai découvert cet article, j’ai cherché et trouvé le bouquin Propaganda qui n’est pas volumineux et se lit d’un jet, une soixantaine de pages.

    Ce bouquin est édifiant on y retrouve toutes les manipulations de ce siècle quelles soient politiques, médiatiques, commerciales, culturelles.

    Je pose la question : Ne serait il pas de "salut public" de le faire connaître, de le diffuser et en support également les textes de Chomsky sur ce sujet afin d’y voir toute la perfidie du système manipulatoire.

    • OK ça MARCHE !

      Je m’engage à reproduire ou acheter 10 exemplaires de Propaganda et à les diffuser dans ma boîte.

      Je les fait parvenir également à mon syndicat ainsi qu’à mon organisation politique .

      J’invite chaque lecteur /acteur de Bellaciao d’en faire de même : ça s’appelle une prise de conscience et à diffuser largement l’ouvrage en question.

      J’invite également Bellaciao à soutenir ce projet en le diffusant en "première" page d’accueil et de façon durable !

      Camarades la révolution passe par des prises de conscience fortes et incontournables, celle ci est la première pierre angulaire d’un système qui nous paralyse et nous anestésie de façon systématique.

      Peut être serait il judicieux de joindre les explications de Chomsky ou d’un autre ’éclaireur de pensée"

      En route camarades ! partagez ce projet et mobilisez vous !