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Entretien avec Pascual Serrano "La censure est le propre du pouvoir"

Publie le dimanche 9 mai 2010 par Open-Publishing

de Manola Romalo

En tant quinformation alternative aux grands médias, le journaliste espagnol Pascual Serrano (Valence, 1964)&nbsp; fonda en 1996 le journal électronique indépendant « Rebelión ».&nbsp; En 2006-2007 il a été assesseur éditorial au canal de télévision alternatif de Caracas, [Telesur->http://bellaciao.org/es/article.php3?id_article=1464].. Pascual Serrano écrit pour une dizaine de journaux, tels : « Público », « Diagonal », « Mundo obrero », « El otro país&#8221; et &#8220;Le Monde Diplomatique&#8221;. </p> <hr id="system-readmore"> <strong></strong> <p align="justify"><strong>Vous démontrez dans vos essais que la fonction principale des grands médias de la presse, de la radio, de la télévision et de lInternet est de « convaincre lensemble des populations de leur adhésion aux idées des classes dominantes ».&nbsp; Comment parviennent-ils à obtenir ce consensus de la part du grand public ?</strong>&nbsp; </p> <p align="justify">À cet effet les médias utilisent de nombreuses techniques qui dépendent en particulier de chaque cas et du profil social des récepteurs. Mais où ils ont le plus de succès, cest dans le fait de nous convaincre que le contenu de leurs informations est neutre, objectif et impartial…Le public croit quil a devant soit quelque chose daseptique. Le secret consiste à réaliser une « intentionnalité informative » de telle sorte que le citoyen ne sen aperçoive pas. Lépoque ou on nous faisait ingurgiter dinterminables discours ou des articles dopinion séducteurs est passé. Dans dautres circonstances, les médias présentent en tant quopinion de la majorité des citoyens uniquement lopinion éditoriale du média respectif. De la même façon, le langage est manipulé pour servir les intérêts des classes dominantes. Des mots et des concepts qui ne doivent plus exister dans limaginaire collectif, par exemple celui de « classes sociales », disparaissent.

Généralement nous croyons que seules les dictatures censurent les médias. Mais la nouvelle forme de censure emploi des méthodes bien plus subtiles. Quels sont ses principaux mécanismes ?

La censure traditionnelle consistait à interdire que se transmettent les informations ou les opinions qui ne plaisaient pas au pouvoir. Aujourdhui, au nom de la liberté dexpression, on diffuse des mensonges et des falsifications avec une totale impunité. De cette façon la vérité termine occultée entre mensonges et trivialités, le résultat est le même quavec la censure.&nbsp; Dautres fois on omet des éléments de contexte o bien des antécédents indispensables pour comprendre un événement controversé, fait qui censure lévénement dans toute sa complexité </p> <p align="justify"><strong>Le 26 mars, Wikileaks a dénoncé le plan de la CIA de lancer une campagne en Europe, principalement en France et en Allemagne, ayant comme but dinfluencer lopinion publique en faveur de la guerre dAfghanistan. (1) Cette information a été passée sous silence par tous les grand média de ces deux pays. Qui filtre linformation ?</strong> </p> <p align="justify">Les grands médias de communication sont uniquement les supports des puissants groupes économiques- Les intérêts, les valeurs et les principes de ces groupes vont servir comme filtres pour choisir ce qui sera publié ou pas.&nbsp; De la même façon&nbsp; vont influencer&nbsp; dautres lobbys nécessaires, qui ne sont pas forcément des actionnaires. Par exemple : les annonceurs, les entreprises avec lesquelles les médias travaillent, les gouvernements amis, etc. …

Occultant le fait que le gouvernement du Venezuela a pris des mesures pour protéger sa population de la spéculation des entrepreneurs, lagence dÉtat Germany Trade & Invest écrivait dans un rapport, fin janvier 2010 : « Le désavantage pour les entrepreneurs est le fait quil leur est enlevé le moyen de supra-facturation.»&nbsp; Ces « désavantages » seraient-ils la cause de la guerre médiatique déchainée par les pays néolibéraux contre le président Hugo Chávez ?</strong> </p> <p align="justify">Les gouvernements progressistes dAmérique Latine sont un défi pour le modèle néolibéral des pays riches. Ils ont démontré quils ont lappui des masses populaires, quils gagnent à tour de bras les élections, que le peuple défend au-delà des urnes ces gouvernements avec une passion impressionnante, quils ont obtenu des améliorations sociales inimaginables sous les régimes néolibéraux des années 90, que létat peur (et doit) jouer un rôle important dans léconomie et dans les secteurs stratégiques, que les ressources naturelles doivent être publiques et nationales. Tout cela suppose une perte de terrain pour la progression du néolibéralisme et ne pouvait provoquer quune réaction agressive de la part des pouvoirs économique mondiaux. Cest à travers les médias de communications - aujourdhui les champs de bataille prioritaires - que sobtient ladhésion de lopinion publique, condition sine qua non pour imposer les agressions suivantes. </p> <p align="justify"><strong>Quels moyens ont les citoyens pour reconnaitre les vraies informations des&nbsp; mensonges. Quelles références intellectuelles ont-ils comme choix ?</strong> </p> <p align="justify">Le journalisme se passe de même quen médecine : vous devez avoir confiance dans un média de communication ou bien dans un journaliste de la même manière que vous vous confier à un chirurgien pour quil opère votre c&#339;ur. Puisque normalement nous ne pouvons pas aller en&nbsp; Afghanistan pour vérifier ce qui sy passe, nous devons avoir confiance en celui qui nous rapporte les faits de ce pays. Le premier pas est de savoir qui est le patron du média de communication, quelle entreprise ou quels intérêts se trouvent derrière. Il pourra mériter notre confiance uniquement si nous savons quil sagit dun projet indépendant des groupes dentrepreneurs. De même, nous devons détecter les analystes et les journalistes honnêtes et rigoureux, spécialisés dans différents thèmes. Dans mon livre « Désinformation » je fais des propositions en ce sens. D’autre part, nous devons connaitre l`éventail des mouvements sociaux pour pouvoir leur demander conseil. Ils connaissent les sources et manient de précieuses informations que les grands médias ne nous offrent pas. 

Publications récentes de Pascual Serrano :

« Perles, gros mensonges, sottises et tricheries des médias de communication » (2006, 2007, Vol.1 et Vol. 2).

« Médias violents. Mots et images pour la haine et la guerre » (2007).

« Désinformation. Comment les médias occultent le monde » (2009). « Le journalisme est la nouvelle » (avril, 2010). 

1. http://rawstory.com/rs/2010/0326/cia-paper-reveals-strategies-manipulate-european-opinion-afghanistan/

http://michelcollon.info/index.php?option=com_content&view=article&id=2731:entretien-avec-pascual-serrano-l-la-censure-est-le-propre-du-pouvoir-r&catid=6:articles&Itemid=11