Accueil > FSE : intervention d’AC ! au séminaire « Précarité et migration »

FSE : intervention d’AC ! au séminaire « Précarité et migration »

Publie le lundi 18 octobre 2004 par Open-Publishing

« Précarité et migration »,
contribution d’ AC !, Agir ensemble contre le chômage

La migration, la fuite sont une tactique pour échapper à la misère, à des conditions de vie difficiles, pour contourner des échecs sociopolitiques. La problématique de la migration est intrinsèquement liée à celle du travail les migrants faisant partie intégrante d’un précariat mondial, si on caractérise ce dernier par ses formes diverses de mobilité ( géographique et professionnelle).

En France, l’entrée des migrants ne sera légale, le plus souvent, que soumise à la signature de contrats de travail, gérés par l’OMI. Ils seront autrement invisibles, sans papiers, soumis aux conditions de travail et de rémunération les plus précaires, sans droits. La fermeture des frontières et le contrôle migratoire s’accompagnent du développement du contrôle social sur l’ensemble des populations.

Aujourd’hui, la précarité est caractéristique de l’évolution de l’emploi : les migrants sont les plus précarisés, mais le contingent des travailleurs précaires augmente.
Quelles réponses contre la précarité ? En quoi liberté de circulation et revenu garanti sont-ils les préalables pour une autre socialisation ?

L’exemple de l’élargissement de l’union européenne peut nous faire réfléchir : il est tout à fait possible dorénavant, légalement, que des polonais viennent travailler pour un salaire de misère en Angleterre comme en France, et y rejoignent le cortège des travailleurs pauvres : les frontières sont ouvertes, liberté de circulation ! !

Par contre, il n’en est pas de même en ce qui concerne la protection sociale : le droit aux maigres allocations, du type RMI , ne concernera pas ces polonais venus se faire exploiter... à la fin de leur contrat, ils se verront contraints de vivre sans revenu ou de rentrer chez eux.

* I) Migration - précarité

Les causes des migrations sont relativement connues : famines, guerres, exploitation économique, mais aussi études et recherche d’un meilleure couverture sociale.
La « crise de l’emploi » va au milieu des années soixante-dix pousser les politiques à « stopper » les flux migratoires et donc contraindre à la fixation de ce « nomadisme international et professionnel ». Déjà en tant qu’immigrés, la figure de la migration était teintée de précarité : travaux pénibles hommes souvent seuls, logement dans les quartiers les plus délabrés ou en foyers exigus sans intimité.
L’ensemble des législations nationales des pays de l’Union tend à durcir les conditions d’entrée et de séjour des étrangers ainsi que des conditions d’acquisition du statut de réfugié, parallèlement aux contre-réformes du droit du travail par ailleurs

Pour réduire les dépenses d’un système de protection social, autant en réduire les ayant-droits. Pour les étrangers : soit on les empêche d’entrer, soit on les laisse sans aucun droit de manière à ce qu’ils produisent à moindre coût, soit on encadre leur présence de manière drastique et uniquement limitée à l’emploi, à l’activité professionnelle « intermittente », à durée déterminée.
Les contrats dits « OMI » autorisent ainsi l’introduction, pour une durée déterminée, d’une main-d’œuvre étrangère. Cette fois-ci, l’aller retour est encadré par le contrat, et les conditions d’embauche sont des conditions dévaluées par rapport au droit du travail en vigueur. Ceci implique, par exemple pour le Polonais d’Alsthom ou les Turcs que Martine Delors-Aubry fit venir lors de la tempête de 2000 pour des travaux de bûcheronnage, des conditions « secrètes » et semi-clandestines, les ouvriers autochtones (« français ») ou même étrangers mais embauchés selon les normes en vigueur pouvant être éconduits s’ils sont en CDD, ou avoir peur à juste titre pour leur salaire s’ils sont en CDI. Ce phénomène qu’on peut qualifier de « délocalisation sur place » touche aussi les emplois dits « qualifiés ».
Il faut donc, pour la question des migrations, inverser non pas les flux migratoires mais les politiques migratoires.

Sur la zone euro, il est nécessaire de réaffirmer que pour lutter contre la précarité des migrants (et des autochtones), ceux-ci pourraient, à leur première seconde de présence sur le sol européen, bénéficier des même droits sociaux et économiques (travail, logement, protection sociale) ; que dans la mesure ou les minima sociaux existent, les migrants doivent en bénéficier s’ils sont sans emploi (dans l’optique de l’avènement d’un revenu garanti égal au SMIC celui-ci leur serait versé ) ; la naturalisation si elle est demandée doit être accordée. Bref, que la nationalité ne soit pas un caractère discriminant dans l’acquisition du minimum vital de tout être humain. Il importe en revanche d’apporter aux services sociaux les moyens nécessaires pour proposer des sessions d’apprentissage de la langue et de connaissance du fonctionnement social et institutionnel du territoire dans lequel ils arrivent.
C’est à ces conditions que peuvent disparaître les sans papiers et la concurrence déloyale, réelle ou imaginaire, sur le marché du travail. Les mêmes droits sociaux pour les migrants signifie l’impossibilité d’embaucher à la baisse, donc un risque en moins pour les travailleurs autochtones.
Même travail, même contrat, même emploi, même salaire, même patron, même combat !

* II) Les politiques européennes de l’emploi précaire

Sur le continent le plus riche de la planète, pauvreté et précarité sont le lot quotidien d’un habitant de l’Union européenne sur trois parce qu’ils n’ont pas accès aux droits fondamentaux du revenu, du logement, du libre choix de son emploi.

En juin 2000, à Lisbonne, les chefs de gouvernement ont décidé de faire de l’UE la région économique la plus dynamique du monde ; ils parlaient de « plein emploi, de développement durable et de cohésion sociale. »

Mais les politiques dites d’« activation des dépenses passives » se révèlent pour ce qu’elles sont : culpabilisation, contrainte à l’emploi forcé, contrôle social.
Ainsi, les réformes des systèmes d’assurance chômage, et des minima sociaux raccourcissent les durées d’indemnisation et renforcent les contrôles multiformes qui visent à réduire le nombre d’allocataires au profit d’un retour à l’emploi merdique et sous-payé, le plus rapide possible.

Les statistiques font état de 1 300 000 working poors en France. En Europe, 1 travailleur sur 5 entre dans cette catégorie.
Aujourd’hui, la directive Bolkestein sur la libéralisation des services prévoit le « principe du pays d’origine » : ex : une entreprise d’intérim installe son siège social en Pologne. Sans devoir demander la moindre autorisation aux autorités belges, elle fait venir des travailleurs polonais pour travailler sur des chantiers en Belgique. Ces travailleurs sont soumis à la législation... polonaise. Salaires polonais, sécurité sociale polonaise, réglementation du travail polonaise. Et seule compétente pour contrôler le respect de cette législation sur les chantiers en question : l’inspection sociale polonaise...

En France, le plan de cohésion sociale, du ministre de l’emploi, prévoit la création de nouveaux contrats de travail « Contrat d’Avenir », qui, de concert avec le Rma (revenu minimum d’activité)sont synonymes d’emplois sous-payés, de subventions aux employeurs et d’un coût du travail toujours diminué -jusqu’à 2 euros de l’heure.

En Allemagne, toute personne ayant plus d’un an de chômage se verra proposé un emploi pour 1 € de l’heure, soit environ 200 € par mois (cumulable avec leurs maigres indemnités). Cette mesure sera appliquée à partir du 1er janvier 2005 dans le cadre du plan Hartz IV, contre lequel se mobilisent des milliers de chômeurs.

En Angleterre, après les New deal et autres mesures destructrices des revenus de chômeurs, après les attaques contre les revenus des parents isolés, le gouvernement prévoit de s’attaquer à l’allocation pour handicapés -que reçoivent 2 millions de personnes. En effet, il faut poursuivre l’éradication des barrières à l’emploi, et bien évidemment « Disability Premium » en est une. Ce qui signifie baisser le niveau de vie des malades et handicapés pour les « encourager » à prendre un emploi précaire.

Pas de Revenu sans emploi ( « workfare ») ; pas de revenu sans formation, (« edufare »), -formations non plus qualifiantes, mais synonymes d’acquisitions ou de renforcements de compétences, de savoir-faire a minima voire « comportementaux » laissant de côté l’acquisition de qualifications qui garantissent aux chômeurs et salariés la possibilité d’exigences pour l’acceptation d’un emploi : l’Europe veut rendre de plus en plus de gens opérationnels sur le marché du travail flexible et précaire ; elle exige davantage de « mobilité » de la part des salariés : les réformes de l’école, de la formation professionnelle, vont aussi dans ce sens.

Son programme vise ainsi la privatisation des prestations de l’État Providence : tous les risques, maladie, chômage, vieillesse, ne seraient plus assurés sur la base d’un système collectif de mutualisation, mais reportés sur la sphère des assurances privées, suivant la logique de la capitalisation de l’assurance.

* III) Mobilité - précarité

Le salariat canonique en tant que modèle dominant et charnière du temps social, est en crise : tandis que temps de travail et temps de vie tendent à se mêler.
Les modes d’organisation de la production et du welfare sont en pleine mutation. Depuis une trentaine d’années se développent, partout en Europe, des formes d’emploi « atypiques » : temps partiel, contrats à durée déterminée et intérim, « emplois aidés ».

Les parcours professionnels sont de plus en plus constitués par une alternance de périodes (emploi, formation, chômage) : la vie des salariés est donc imprégnée de mobilités (subies ou non).

L’enjeu de la mobilité est celle de sa maîtrise, de son contrôle (qu’elle soit le fruit du commandement patronal ou au contraire stratégie de résistance et de fuite.) Pour le patronat, l’Etat, cette mobilité doit être mâtée dans le harnais de l’emploi : et il s’agit de réduire les subjectivités à des individus assimilables à leur emploi.

En France les luttes des intermittents et précaires, pour un nouveau modèle d’indemnisation des intermittents de l’emploi ont mis en exergue l’intermittence de l’emploi. Les interstices, les périodes hors-emploi, la disponibilité elle même sont productifs, font partie des processus de subjectivation. Ce sont autant de lignes de fuite et de temps libéré, que l’on désire remplir par des coopérations autres.

Mais notre mobilité, nos temps ne seront libres et disponibles pour d’autres coopérations que lorsque la bride nous sera rendue : une garantie de revenu nous en redonnerait la maîtrise.

Elle permettrait des exigences et le refus des emplois non désirés, merdiques, kleenex.

A l’heure de la Constitution européenne, à l’heure d’attaques sans précédent contre les droits sociaux en Europe, il est temps d’initier une campagne européenne pour de nouveaux droits et en particulier pour un revenu. Avec ou sans emploi.

 AC ! - FSE à Londres - octobre 2004