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FSE : mobilisation en marge pour les précaires

Publie le mardi 19 octobre 2004 par Open-Publishing

Leurs mouvements réunis au Forum social « off » à Londres. Une première au niveau européen.

Par Christian LOSSON

Ils sont de plus en plus précarisés, de plus en plus nombreux, et de plus en plus marginalisés dans leurs sociétés. Même par le Forum social européen (FSE) de Londres, qui a peu parlé d’Europe et de chômage, et ne leur laisse que peu d’espace. Alors, les mouvements sociaux, associations et réseaux de défense des « précaires » se sont retrouvés samedi après-midi au sommet off « Beyong ESF » organisé par les anars-libertaires de Wombles. Un petit événement en soi : la première assemblée européenne des précaires.

« Dans notre coin ». « La tendance européenne est à l’image de la Grande-Bretagne, souffle Jane, une activiste anglaise. C’est peut-être moins de chômage, mais plus de pauvres. » Face à cela, il s’agit d’échanger ses expériences de lutte, croiser ses actions de résistance et s’organiser à l’échelle européenne. « Partout, il y a des microrésistances, mais elles restent trop locales, ne passent pas les frontières, déplore Francesca, animatrice italienne d’un centre social. On lutte seul dans notre coin. » Tous disent la transformation du monde du travail et l’insécurité sociale actuelle, la multiplication des CDD et des « faux » emplois, la division des indemnités chômage et la mise en friche des acquis sociaux.

Un Suédois explique que son pays taille jour après jour dans son rôle de « modèle d’Etat-providence ». Une militante de Berlin raconte comment le « principe des jobs à un euro » fait son chemin. Un activiste serbe, qui vient de créer la première association pour les précaires, revient sur le désert syndical et « le vent des dérégulations ». Un Italien assure que la précarité est devenue « une condition et une forme de vie », et qu’elle s’immisce « partout, pour tout le monde ». Un Slovène parle de la première grève de journalistes en lutte contre « la dénonciation de leur convention collective. » Un Néerlandais évoque la bataille qui oppose syndicats et gouvernement sur les retraites, et dit : « C’est bien de se battre pour demain. Mais c’est mieux de lutter contre la précarité galopante au quotidien. » Une universitaire espagnole s’alarme : « J’ai 35 ans, et je n’ai jamais connu de travail fixe. Les précaires ne se rendent plus compte qu’ils le sont. C’est du transitoire qui s’institutionnalise. » Un Mexicain installé en Europe résume l’offensive contre le travail durable : « Le pire, c’est que le discours sur la fainéantise des salariés se développe... »

« Que faire ? », s’interroge Florent, des Intermittents. Se mobiliser et réagir. AC ! (Agir ensemble contre le chômage) diffuse une vidéo « d’autodéfense sociale » : une action au Bon Marché ou chez Fauchon. Un happening, aussi, au musée de l’Homme, où une exposition « Pauvres de nous » n’avait pas jugé bon d’inviter « les associations de lutte ». Et une occupation pendant cinq jours du toit du Medef contre la réforme de l’Unedic qui « lamine le statut des intermittents ».

Euro-1er mai. D’autres idées germent : un centre social itinérant pour aller au plus près du travail-esclavage qui frappe les couches populaires ? Des actions de désobéissance pour imposer la gratuité des services publics (transport, communication, eau, gaz) ? Une reproduction symbolique d’une journée anti-McDo ? Un militant italien propose de faire un Euro-1er mai (Mayday) qui réunirait à Paris tous les précaires, y compris les sans-papiers ? « Difficile, répond Joaquim, qui anime à Barcelone un réseau de lutte contre l’exploitation des migrants sans-papiers. Ils ne pourront jamais passer la frontière. »

« A chaque forum, on appelle à une journée d’action, regrette Francesco, un Italien qui coordonne les débats. Changeons cela, créons notre propre agenda. » Finalement, une journée de rencontre est prévue à Berlin. Un site est mis sur les rails (euromayday.org). Et l’idée d’un Mayday décentralisé fait son chemin. Laurent, de Paris : « On se bat comme ça depuis les premières marches européennes des chômeurs, en 1997. Dans l’ombre. » Et une relative indifférence.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=246891