Accueil > Piscine pour la defense : 30 millions d’euros !!!

Piscine pour la defense : 30 millions d’euros !!!

Publie le samedi 29 mai 2010 par Open-Publishing

Hervé Morin a tranché le 22 avril : il y aura bien une piscine dans le futur ministère de la Défense à Balard (Paris XVe). Vous avez dit rigueur budgétaire ?


Le ministre veut une piscine à Balard : 30 millions d’euros ! (Et on a évité le pire...)

de Jean-Dominique Merchet

Hervé Morin a tranché le 22 avril dernier : il y aura bien une piscine dans le futur ministère de la Défense à Balard (Paris XVe). Cette idée n’était jusqu’à présent qu’une « option », elle devient une réalité. Lors de ce même Comité ministériel d’investissement, le ministre s’est même interrogé sur l’opportunité de construire un bassin de 50 mètres, de type olympique avec huit couloirs. Vous avez dit rigueur budgétaire ?

Les services du ministère s’évertuent depuis lors à tempérer l’enthousiasme aquatique de leur ministre. Dans une note interne, dont nous avons eu connaissance, la Délégation pour le regroupement des états-majors et services centraux de la Défense (DRESD) « propose d’en rester au principe d’une piscine de 25 mètres, à titre ferme et non plus d’option. » Elle estime que « plusieurs arguments plaident contre ce projet » de piscine olympique.

Le bassin de 25 mètres avec quatre couloirs coûtera 30 millions d’euros (10 millions d’investissement et 20 millions de fonctionnement), estime la DRESD. Un bassin olympique doublerait quasiment l’addition, « de l’ordre de 55 millions ! »

La DRESD fait notamment remarquer qu’il est « hautement probable que le ministère du Budget ne donnera pas son accord » et que « la Cour des comptes ne manquerait pas de stigmatiser cette dépense ». Avec une grande lucidité, la note pronostique que « sur la plan médiatique, certains trouveront matière à contester l’ampleur d’un tel investissement au regard des besoins du ministère (entrainement des personnels militaires). »

A titre de comparaison, le Pentagone américain, qui n’en disposait pas jusqu’à présent « va être doté d’une piscine de 25 mètres avec 6 couloirs ».
Arrêtons Balard !

Personne ne l’avouera officiellement : au sein même du ministère de la Défense, des voix se font entendre, plaidant pour un report, voire un abandon, du projet Balard. On le sait, ce projet vise à installer le ministère, les états-majors et les principaux services dans le XVe arrondissement de Paris.

Alors que l’horizon budgétaire s’assombrit jour après jour, est-il raisonnable de poursuivre un projet de cette ampleur ? La réponse se situe à deux niveaux, politique et financier.

Au plan politique, la réponse ne fait pas de doute : il faut arrêter immédiatement ce projet pharaonique, qui ne contribuera en rien à améliorer la défense de notre pays. Ce serait un message fort à destination de l’opinion : l’Etat renonçe à un grand chantier dans l’attente de jours meilleurs. Même si elle ne se résume pas à cela, la politique est aussi une affaire de symbole. En voilà un tout trouvé ! S’il y a une priorité, ce n’est sans doute pas de faire travailler les grands groupes du BTP, mais les industries nationales de très haute technologie dans le domaine de la défense.

Au plan financier, la réponse est plus complexe. Les partisans du projet expliquent qu’à terme Balard permettra de réduire les coûts. « Sur trente ans, l’économie potentielle est significative », assure la Direction des affaires financières du Ministère de la Défense. Rien ne le garantit. Un récent rapport parlementaire estime même qu’il s’agit là d’"hypothèses de travail"... Les mêmes rapporteurs constatent d’ailleurs que le ministère de la Défense manque d’expertise en la matière : « Pour assurer la gestion des risques et le suivi de long terme du contrat, le ministère de la Défense va devoir se doter de structures techniquement compétentes pour vérifier la qualité des services réalisées, ce qui suppose une expertise qui dépasse le seul cadre immobilier... »

L’idée de Balard est de permettre la vente des emprises immobilières parisiennes, en particulier l’îlot Saint-Germain (à l’exception de l’Hôtel de Brienne). Or, les choses se passent plutôt mal ; rien ne se vend. En 2009, le ministère promettait ainsi de récupérer 972 millions d’euros en vendant les bijoux de famille. Las ! Au final, on en est à 400 millions qui « proviennent en grande partie d’une renégociation du contrat de la SNI et non d’une vente effective », comme le constate le rapport parlementaire. Et rien ne permet de prévoir que 2010 sera un meilleure cru. Ajoutons à cela que le mécanisme initialement envisagé par le ministère - la création d’une société de portage - a été abandonné en cours de route. On nage en pleine incertitude.

Est-ce le moment pour déménager les militaires et les couper un peu plus encore de leur histoire ? La « Guerre », comme on disait alors, est installée dans l’îlot Saint-Germain depuis 1814. Les bâtiments actuels du 231 Boulevard Saint-Germain ont été construits (1875-1877) aux lendemains de la défaite de 1870 et leur création, par l’architecte Jules-Louis Bouchot, entendait illustrer le redressement militaire national. Faut-il jeter cela aux oubliettes en se lançant dans une aventure financièrement incertaine ? Le risque, il est vrai, étant de désespérer Bouygues, Eiffage ou Vinci...

http://www.liberation.fr/politiques...