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Le brevetage du vivant est la barbarie

Publie le mercredi 14 juillet 2010 par Open-Publishing
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De Jean-Yves Peillard

lettre à Syngenta
Le brevetage du vivant est la barbarie

Ce lundi 12 Juillet 2010 à 6h du matin, plus d’un hectare de maïs OGM Syngenta Bt11 a été fauché en Catalogne près du lieu dit Golla Del Ter (entre Figuerès et Girona) par un collectif franco-espagnol. pour que toutes les luttes convergent.
et c’est un honneur pour nous tous.
http://www.monde-solidaire.org/spip...
Déjà quelques semaines auparavant un collectif outre-Rhin avait arraché des pommes de terre transgéniques en Allemagne, ils ont dit qu’il avaient « libéré » cette parcelle.

Dans cet endroit de Catalogne le paysage est morne et dévasté par la spéculation immobilière, les lignes électrique et les autoroutes, un projet de ligne THT vient compléter le tableau.
Partout dans les hameaux, une odeur suffocante sort des innombrables petites porcheries de type industrielles qui ne savent que faire de leur rejets sauf le répandre dans leur terre pour atteindre finalement la nappe. Ces paysans sont sans doute trop désœuvrés pour faire un traitement efficace ou pour préparer une reconversion de l’industrielle à la « Pochon »

La veille au soir, une longue tergiversation entre nous avait eu lieu pour savoir quelle représentation adopter ; étiquette faucheur (avec maillot et visage découvert) à côté des catalans masqués (seulement pour les deux ou trois photos prises avant, pendant et après le fauchage) en combinaison, sur- chaussure et gants caoutchouc. Finalement ce fonctionnement à l’horizontale toujours un peu long, a une fois de plus montré son bon sens car nous avons adopté la meilleure solution, conforme à celle de nos hôtes catalans, celle de se fondre dans la même représentation qu’eux, symbolisant un groupe unis ; pour faire valoir d’exemple afin que tous les pays adoptent, essaiment et répandent cette convergence malgré nos différences.

Au matin, il y avait deux cortèges de véhicules, par le nord le cortège passa par des hameaux aux rues étroites de Colomero, Vergès, Ullà puis quitta la route près du lieu dit « Golla Del Ter »

L’organisation, le minutage était remarquable, l’opération était préparée depuis plusieurs mois.
Ce fût un grand moment pour nous tous au sortir des voitures qui nous avaient déposé (2 cortèges de plus de 15 véhicules) pour ensuite s’éloigner dans un endroit reculé.
En silence, pendant la marche groupée sur le chemin en terre le long des peupliers tremble qui nous conduisait au champs de chimères, nous avancions d’un pas déterminé.
ils étaient une bonne centaine, la plupart avaient entre 15 et 25 ans habillés de noir , nous étions une quarantaine de français et marchions côte à côte avec une certaine émotion, conscients de cet instant historique où la jonction, « la confluència » en catalan, entre les deux pays c’est enfin faite deux ans après l’assemblée des faucheurs à Grigny en 2008 où cet évènement avait été plébiscité à l’unanimité.
(Cf Vives le semences libres)
Quelques uns d’entre eux avançaient en lignes de quatre ou cinq et se tenaient la main, c’est peut-être un phantasme, mais il était impossible de ne pas penser en cet instant du lien qu’avait cette image avec celle de leur grand père et arrière grand-père bien des années auparavant. Impossible de ne pas penser à ce lien entre ces choses fratricides d’hier et d’aujourd’hui qui nous guettent, impossible de ne pas avoir la larme à l’œil, penser à un frère ou un cousin agriculteur « l’autre côté du champs ».

Au bout de 500m, arrivés devant le champs, nous enfilâmes les combinaisons, masques chaussons et gants, puis, suivant les directives, au signal avançâmes en ligne devant chaque rang de maïs transgéniques bien arrosés qui dépassaient déjà notre hauteur d’une bonne trentaine de centimètres et nous commencions à faire tomber les premières tiges. Trop gourmand, j’entamais deux rayons en même temps en couchant les tiges quatre à quatre à la main ou les cassant vers la base mais bientôt le souffle commençait à manquer et suivant la consigne, un seul rayon suffisait par personne et lorsque que l’un était en retard, il y avait toujours quelqu’un pour lui soulager le rayon de sorte qu’une même ligne de front avançait dans la parcelle. Dégoulinant de sueur, je regardai autour de moi, quelques uns levaient leur masque de temps à autre pour moins suffoquer, d’autres glissaient ou trébuchaient sur les andins ou dans les rouas humides. Dans leur regard, ni rage, ni haine, ni ressentiment ; il y avait simplement de la détermination. Au bout de quelques minutes seulement, la parcelle étaient dégagée, « libérée ». Chacun se dégageant de sa tenue et la jetant dans les sacs, nous reprenions le chemin inverse, en silence mais en se regardant, tout à fait conscients de cet acte que l’agriculteur allait découvrir quelques minutes plus tard alerté par les bruits de voitures. Les véhicules reprirent leur balais et se dispersèrent dans la nature, noyés dans le tourbillon des vacanciers. Il était 6h10, en Catalogne.

Je sais ce que j’ai fait. Et je le referai des milliers de fois encore tant que l’on bafouera le droit immuable du paysan à produire, consommer et réensemencer ses propres semences, le droit de produire et consommer sans OGM et tout autre brevetage du vivant comme tout autre tuerie du vivant comme la chimie. Pour le droit à la souveraineté alimentaire, à la terre etc.
Mon père était paysan et mes grand-pères aussi et leur pères avant eux. Car là où ils sont, ils sont bien informés ; le brevetage du vivant est la barbarie. J’ai perdu leur savoir faire mais j’ai encore leurs mains, et avec tous ces camarades nous arracherons ces chimères encore et encore. Vous nous ne laissez pas le choix. Vous faites faire la sale besogne aux paysans que vous avez trompé profitant de leur manque de connaissance et manque de cohésion. Vous devez être « pourtant » suffisamment intelligent pour comprendre que tant qu’il y aura des hommes, des femmes et des hommes se lèveront contre la barbarie, ils la réduiront à néant ; ils iront jusqu’à l’hallali.

Vous avez bien remarqué que la lutte anti OGM avait été rendu populaire et vous vous êtes empressés de contourner le problème avec d’autres formes de brevetage ; OGM cachés, clandestins, après la transgenèse la muta-genèse, les nanotechnologies, la biologie synthétique etc rejoignent la barbarie de l’irradiation. Qu’importe vos « méthodes » vous avez la majorité des chercheurs, des institutions, des syndicats, des médias, des politiciens, des avocats et juristes à votre disposition. Mais majorité ne veux pas dire démocratie. Le terme OGM n’est qu’un symbole, une abréviation. L’essence même de la lutte anti OGM est la lutte contre le brevetage du vivant. Cette imposture dépasse largement le cadre de la propriété. Tous les jours, ce scientisme obscène permet de rappeler que vous ne maitrisez en rien les conséquences sanitaires et environnementales de votre cupidité et que vous vous en lavez les mains comme les pétroliers autres neveux d’IG Farben.

A l’image de ce qui avait été tenté de faire avec les lois anti trust contre l’empire Rockefeller et la bande de Wall Street en 1911, les mêmes qui ont « acheté l’holocauste » plus tard, tous les cartels devront être éradiqués dont vous et vos collègues « neveux d’IG Farben ».

Rendez-vous donc pour l’hallali.

Jean-Yves Peillard
Quinçy le 14 Juillet 2010

adressé par courriel à :
Media.relations(at)syngenta.com
Global.hse(at)syngenta.com

copie :
fnsea(at)fnsea.fr
contact(at)confederationpaysanne.fr

http://www.etyc.org/spartagus/5009

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