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Marie PEZE licenciée ! la souffrance au travail... en souffrance

Publie le jeudi 22 juillet 2010 par Open-Publishing
5 commentaires

Créatrice de la première consultation sur la souffrance au travail, Marie Pezé est victime de tensions liées à son handicap.

Avec son livre « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés », la psychologue Marie Pezé a contribué à rendre public le problème de la souffrance au travail.

C’est du passé : sa consultation est condamnée depuis qu’elle a reçu, mardi, une lettre de licenciement après des années de bras de fer avec la direction de l’hôpital qui l’employait.

Son histoire est d’une ironie confondante : alors qu’elle reçoit des salariés en souffrance au Centre d’accueil et de soins hospitaliers (Cash) de Nanterre (Hauts-de-Seine), Marie Pezé est licenciée après avoir tenté, en vain, d’obtenir des aménagements de son poste de travail, qui la faisait souffrir.

Psychanalyste et docteur en psychologie, Marie Pezé a créé sa consultation, la première de France, en 1997. Elle est handicapée à 80%. « La première fiche de la médecine du travail date de 1999 », raconte-t-elle. « Il y en a eu trois au total. A chaque fois, mon cas s’était aggravé. »

L’hôpital ne réalise pas les aménagements demandés

Voici par exemple ce que préconise en 2003 un médecin du travail qui la déclare « apte sur poste aménagé » :

« pas de port de charges,
aide à la gestion des dossiers, courriers et photocopies,
déplacements limités : aide, vestiaire à proximité,
pas de gestes fins et répétés : dictaphone pour courrier, utilisation d’oreillette téléphonique,
secrétariat aidant. »

Mais la direction du Cash n’effectue pas les aménagements demandés par la médecine du travail. Marie Pezé est souvent en arrêt maladie. Quand elle exerce -sa consultation accueille 900 patients par an, dont un tiers travaillent dans le même hôpital qu’elle-, ses patients la voient répondre au téléphone, faire des photocopies, porter des dossiers…

Outre ses patients, des magistrats, des médecins du travail ou des psychologues constatent aussi ses conditions d’exercice : pour obtenir le certificat de spécialisation en psychopathologie du travail, dont Marie Pezé est responsable pédagogique, ils assistent à ses consultations.

Des journalistes et des parlementaires la sollicitent

Des élus, des documentaristes ou des personnalités diverses, intéressés par les pathologies que la psychologue a contribué à mettre en lumière, viennent aussi, avec l’accord des patients.

L’automne dernier, le journaliste Jean-Robert Vialet l’interroge dans sa très belle série documentaire sur France 2, « La Mise à mort du travail », qui obtient le prix Albert-Londres 2010. Les députés UMP auditionnent Marie Pezé dans une commission parlementaire et l’interrogent pour leur site Lasouffranceautravail.fr. (Voir la vidéo)

Mais au Cash, seuls les médecins ont droit à un secrétariat et à une imprimante dans leur bureau. Marie Pezé, malgré son handicap, doit aller au bout du couloir, et porter ses dossiers elle-même : quoique docteur, elle n’est pas médecin.

Début 2009, une psychologue du travail qui recevait les employés de l’hôpital (1 500 fonctionnaires, médecins et contractuels) s’en va. Elle n’est pas remplacée avant 18 mois.

« Depuis son départ, j’ai récupéré les salariés qu’elle prenait en charge », raconte Marie Pezé.

Le Cash doit faire des économies

Le 7 avril 2010, elle écrit au directeur de l’hôpital pour, une fois de plus, lui « faire mesurer la nécessité de recruter rapidement un psychologue du travail en remplacement » de la précédente. Deux pages de rappel à la loi et de détails, dont ceux-ci :

« Les agents du Cash sont, du fait même de la population prise en charge par l’institution, confrontés à des situations de violence qu’il ne faut pas banaliser : incendies avec morts, crimes, tentatives de meurtre, viols, coups et blessures, injures, insultes, provocations, incivilités… »

Le directeur, nommé un an plus tôt avec mission de faire des économies, répond le jour-même :

« Madame,
Vous avez oublié parmi les destinataires le premier président de la Cour des comptes. Cette noble institution pense qu’il y a aussi des efforts à faire dans les hôpitaux en matière de gestion. »

Marie Pezé n’est donc pas la seule à souffrir des restrictions budgétaires.

Le 16 juin 2010, un médecin du travail la déclare « inapte définitive ». « Inapte à mon poste, pas à mon travail », dit la psychologue.

« Je faisais le même tableau clinique que mes patients »

La direction du Cash ne communique pas sur le licenciement de Marie Pezé. C’est l’avocate de l’hôpital, Me Anne-Françoise Abecassis, qui s’en charge :

« Mme Pezé a été licenciée en raison d’une inaptitude physique constatée par le médecin du travail. Elle ne souhaitait pas être reclassée. Au contraire, elle a clairement exprimé qu’elle attendait ce licenciement. Les écrits en témoignent. »

Pour des raisons juridiques, Marie Pezé refuse de commenter les propos de l’avocate. Simple réponse :

« Je faisais le même tableau clinique que mes patients. »

A propos des demandes d’aménagement du poste de travail de Marie Pezé, que l’hôpital était légalement dans l’obligation d’effectuer, l’avocate botte en touche :

« Je ne connais pas l’historique de ce dossier, j’en ai été saisie très récemment. Mais elle a refusé un autre bureau, car elle voulait un environnement très immédiatement médicalisé. »

Marie Pezé répond qu’elle reçoit des patients « qui font des poussées d’hypertension et des malaises ».

La direction : « C’est une perte pour l’établissement »

Ils iront désormais les faire ailleurs, puisque Me Abecassis confirme que la consultation de Marie Pezé, qui a la particularité d’être psychologue clinicienne, sera supprimée :

« Mais tout le monde s’accorde à dire que c’est une perte pour l’établissement. »

L’avocate rappelle que la psychologue « a exprimé qu’elle est très fatiguée physiquement, psychiquement » et ajoute, énigmatique, qu’elle n’a pas envie d’en dire plus que ce que Marie Pezé dit elle-même sur son état.

La psychologue, renvoyée à un an et demi de la retraite, perd du même coup tous les emplois afférents : ses fonctions de responsable pédagogique, d’experte devant les tribunaux, et d’enseignante à l’université.

Elle s’apprête à déposer plainte contre l’hôpital. Ses avocats réfléchissent au motif : « Harcèlement » ? « Discrimination au handicap » ?

http://www.rue89.com/confidentiels/2010/07/22/lexperte-de-la-souffrance-au-travail-discriminee-puis-viree-159499

Messages

  • bonjour,

    je viens de lire votre article. Je souhaitais que notre jeune psychologue embauchée au sein de notre service dans le cadre d’une consultation sur la souffrance au travail puisse bénéficier d’une entrevue et de l’expertise de MARIE PEZE sur ces sujets.

    Je suis sociologue du travail, j’ai travaillé en France au sein de différentes associations, comme le réseau des ARACT et j’ai pu constaté avec regret qi’il n’y avait aucune limite à l’absurdité et à la maltraitance du personnel dans de tels milieux. Tout ceci se passe dans des organismes qui affichent paradoxalement de grandes valeurs humaines .......

    J’espère de tout coeur que ce licenciement fera couler beaucoup d’encre et conduira à une réhabilitation de Marie PEZE.

    J’ai eu l’occasion de l’écouter à un colloque, de lire ses travaux, c’est quelqu’un de remarquable. Cette situation me désole sincèrement pour elle. Dans quel monde vit-on ?

    Je souhaite beaucoup de courage à Marie PEZE et surtout de sortir vainqueur de cette épreuve. Il y en a assez que les victimes paient ainsi de leur santé pour le travail !

    bien cordialement.

  • C’est vraiment dommage qu’une personne de cette qualité soit mise au placard. Cela doit être très éprouvant d’entendre les témoignages de salariés au bout du rouleau mais elle inspirait courage et a du redonner beaucoup de force à certain.Bravo pour le travail accompli même s’il est regrettable que cela s’achêve trop vite.

  • Nous ne sortirons pas de ce contexte de la souffrance au travail. Le problème est que ceux qui génèrent cette souffrance au travail ont le pouvoir de l’argent. Et devant ce pouvoir tout le monde se couche. Et pourtant, ces salauds sont tous des tortionnaires et des nazis. La seule solution revenir a des syndicats forts et qui sont pour la lutte de classe.

    • je partage le point de vue exprimé le 3 janvier..sauf que côté syndicat ce n’est pas avec un taux de 8% de syndiques que le syndicat peut NEGOCIER de PLAIN PIED avec la direction ..

      comme l’evoque MARIE PEZE sur France iNTER sommes tou sdevebus LACHES et PAUVRES devant la puissance de l’argent ou PLUTOT comment dautorise t-on l’argent à prendre tant de pouvoir à COMMENCER SUR NOUS ?? oser etr SOLIDAIRE de la maltraitande du salarie voisin ou collaborateur c’est le premier pas ..pour imopser à NOUVEAU le pouvoir du COLLECTIF face au pouvoir d’atomisation de l’argent et des PEURS..

      je sui sd’abord INDIGNEE que tant de CADRES parfois brillants OBEISSENT à sdes ordres qui les deshonorent mais sauvent leur pauvre emploi !!
      tant de cadres bon soldat ou mercenaire du profit et du capital on ne voit pas un tel cynisme dasn le spays dit pauvres ??seule la CIVILISATION de l’argent a su HISSER le mepris , le cynisme, l’indiffernce et la DIFFERENCIATION comme des leviers de la performance individuelle ..
      j’etais aussicadre et pour avoir frequente sipeu de gens biens parmi eux j’ai choisi de quitter cet espece chloroformé pour me reapproprier ma LIBERTE d’etre DEBOUT et non sujet de l’ORDRE MARCHAND..c’est la loi de l’avoir qu’il faut remplacer par le DESIR d’ETRE...

      ce management n’obeit qu’à la loi marchande laquelle n’ a pas de LIMMITES..toujous plus à n’importe quel PRIX ..les viers humaines ne comptent pas..reveillons NOUS ; dire NON est à la PORTEE de chacun de NOUS la liberte est accessible à TOUS ...s’indignez ne suffit pas c’est l’etape première..

  • J’ai été très touché par cette histoire, ayant moi-même, comme tant d’autres, vécu

    une grande souffrance au travail et un licenciement et je souhaiterais lui faire part de

    mon soutien et de mon respect pour son travail et son combat. Comment peut-on lui

    en faire part ? Merci d’avance et bon courage à elle.