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vidéo - un lieutenant-colonel français coopérant contre un journaliste photographe togolais

Publie le dimanche 22 août 2010 par Open-Publishing
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La vidéo des menaces d’un lieutenant-colonel français coopérant contre un journaliste photographe togolais a créé le buzz. Bakchich a recueilli le témoignage de Noël Kokou Tadegnon, auteur de la séquence.

La vidéo de l’altercation entre le journaliste photographe togolais Didier Ledoux et le lieutenant-colonel français coopérant Romuald Létondot a créé le buzz mercredi 11 août. On y voit le gradé intimer de façon condescendante voire menaçante au photographe de supprimer une photo prise en marge d’une manifestation d’opposant à Lomé, la capitale.

Clic : Verbatim

Lieutenant-colonel : Je m’en fous que tu sois de la presse. Tu enlèves ça. Tu enlèves ta photo s’il te plait sinon c’est moi qui le prend.

Didier Ledoux : D’accord.

Lt Colonel : Alors tout de suite !

DL : J’ai compris.

Lt Colonel : Non. C’est un numérique ? C’est un appareil photo numérique ?

DL : Bien sûr.

Lt Colonel : Il obéit ? (s’adressant aux gendarmes togolais) Tu veux qu’on te donne un coup sur l’appareil ou quoi ?

Noël Kokou Tadegnon : On va y aller doucement.

Lt Colonel : Je te demande gentiment d’enlever la photo.

DL : Mon Colonel…

Lt Colonel : Moi, on ne me prend pas en photo comme ça, ok ? Tu m’as demandé à me prendre en photo ?

DL : Moi je couvre un événement.

Lt Colonel : Je m’en fous !

Noël Kokou Tadegnon : Didier, Didier, silence. On va gérer. Mon Colonel, on va y aller doucement.

Lt Colonel : Est-ce qu’il peut enlever la photo ?

Noël Kokou Tadegnon : On va pas le brusquer.

Lt Colonel : Est-ce qu’il peut enlever la photo ?

Noël Kokou Tadegnon : Il va l’enlever.

Lt Colonel : Vas-y, je veux voir.

Noël Kokou Tadegnon : Il va enlever.

Lt Colonel : Moi je connais hein !

Un gendarme : Il va le faire. Mon Colonel, on va y aller doucement. On va quand même pas…

DL : J’arrive, j’arrive !

Un gendarme : Je vais gérer ça personnellement.

DL : Non, non.

Lt Colonel : Je veux te voir…

DL : Monsieur le Colonel… (…) C’est comme si je lui demandais de me donner son arme !! Je fais mon travail !! (s’adressant aux gendarmes)

Lt Colonel : Moi, j’ai pas d’arme.

DL : Je fais mon travail !

Noël Kokou Tadegnon : Didier, doucement, on va gérer.

Lt Colonel : Hé tu le mets en taule si… tu le mets en taule !

Tu sais qui je suis ? Je suis le conseiller du chef d’Etat major de l’armée de terre. Ok ? Est-ce que tu veux que j’appelle le RCGP (Régiment des commandos de la garde présidentielle ndlr) pour foutre un peu d’ordre là-dedans ? Oui ou non ?

DL : Non.

Lt Colonel : Voilà. Alors, ça je te demande d’enlever la photo. Est-ce que c’est compris ?

Noël Kokou Tadegnon : Didier, on va gérer, on va gérer. On va quand même pas…

Lt Colonel : Toi tu enlèves ça aussi ! (s’adressant à Noël Kokou Tadegnon qui filme)

Noël Kokou Tadegnon : Non.

Lt Colonel : Si.

Noël Kokou Tadegnon : Non.

Lt Colonel : Si, tu enlèves ça. (Coup dans la camera).

Noël Kokou Tadegnon : Non.

Lt Colonel : Si, t’as pas à me filmer !

Noël Kokou Tadegnon : Je ne vous filme pas.

Lt Colonel : Ah ben je sais pas. Tu enlèves ça. Tu ne filmes pas.

La séquence, filmée par le JRI Noël Kokou Tadegnon et postée sur son compte Facebook, a été diffusée sur YouTube et a eu suffisamment d’écho pour que que le Quai d’Orsay annonce des excuses du l’officier français, qui ont eu lieu mercredi soir dans les locaux de l’ambassade de France à Lomé. Didier Ledoux et une de ses consoeurs togolaises étaient présents.

Bakchich a recueilli le témoignage de Noël Tadegnon.

"Avec Didier, nous sommes les seuls à aller couvrir les manifestations. On s’est appelé le matin, et donné rendez-vous, puis à la sortie d’une ruelle pendant la manifestation, on a vu le militaire et les gendarmes togolais, ça nous a surpris. Didier a pris la photo, et moi j’ai filmé. Ensuite le lieutenant-colonel est venu vers nous".

"Pour moi, on est sur la place publique, il y a une manifestation qui oppose les forces de l’ordre et un parti politique. Il ne peut pas plus se prévaloir du droit à l’image : il se retrouve dans un lieu où se déroulent des heurts et la population a droit à l’information. Il aurait dû s’expliquer sur sa présence et dialoguer plutôt que de nous menacer. On avait nous-mêmes besoin d’explications sur la photo". Des clichés de Didier Ledoux ont d’ailleurs fait la une de la presse locale.

"On n’a pas bien compris son attitude. Habituellement, les coopérants sont des gens calmes. Mon père a été le couturier du bureau de coopération militaire et je les fréquente depuis longtemps. J’ai aussi côtoyé des gars de la force Licorne, très sympas. Ce coopérant n’est pas représentatif."

Pendant l’altercation, "il y avait des hommes de la gendarmerie togolaise en civil, que nous connaissons. On s’est dit qu’il fallait calmer le jeu. On a constaté avec Didier que les officiers togolais étaient calmes, davantage que les éléments de troupes. Les officiers de gendarmerie togolais n’étaient pas d’accord avec l’attitude du lieutenant-colonel".

Et le buzz alors ? "Quand il y a ce genre d’incidents, les grands médias refusent les images, mais comme je suis passionné, je les mets sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui les médias traditionnels étrangers me rappellent : Reuters, les chaînes de TV…."

Romuald Létondot, joint par France-2 à Lomé, a donné sa version des faits : "J’ai été victime d’un jet de pierre d’opposant, parce que j’étais dans ma voiture de fonction. Je montrais les faits (la voiture abîmée) à un gendarme togolais quand je me suis rendu compte que j’étais pris en photo, et que cette photo pouvait être mal interprétée, ce qui a été le cas. Je me suis emporté, le but était d’empêcher une photo volée. J’ai effectivement présenté mes excuses à Didier Ledoux. Ce qui est dommage, c’est que je termine mon séjour ici, au Togo, dans quinze jours, de cette façon-là."

Ironie du sort, son rôle de coopérant militaire français au Togo était : "Audit, conseil, pédagogie, formation d’officiers et sous-officiers de l’armée togolaise".

Le ministère français de la Défense a précisé à Bakchich "ne pas se reconnaître dans les propos" tenus par le coopérant, et "ne pas cautionner ce comportement". Le ministère "respecte la liberté de la presse" et exprime sa satisfaction que l’affaire soit terminée après les excuses officielles du lieutenant-colonel Létondot.

http://www.bakchich.info/Un-coopera...