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Union syndicale G10 Solidaires. FSE : premier bilan

Publie le jeudi 28 octobre 2004 par Open-Publishing

de Union syndicale G10 Solidaires

Plus de 20 000 personnes, dont environ 8000 non britanniques venant de 70 pays, ont participé à ce 3ème forum social européen (FSE). La délégation française a regroupé plus de 1000 participants dont 70 de l’Union syndicale G10 Solidaires, 100 de la FSU. Près de 50 000 personnes ont participé à la manifestation du dimanche après-midi, avec un très grand nombre de jeunes.

Au-delà des chiffres, il est nécessaire d’avoir une appréciation politique à la fois sur l’impact que ce FSE a eu en Grande-Bretagne et sur sa place dans la construction du mouvement altermondialiste en Europe.

L’impact du FSE en Grande-Bretagne

Le choix de Londres pour tenir le 3ème FSE s’explique en grande partie par la volonté de tenir un événement politique altermondialiste majeur au c¦ur du capitalisme financier européen et dans un pays dont le gouvernement est le plus ferme soutien de l’administration américaine dans la guerre en Irak. L’enjeu était donc d’importance.

Le cadre britannique de préparation du FSE regroupait un arc de forces assez large allant de gros syndicats de branche - UNISON dans les services, RMT dans le rail, NAFTHE chez les enseignants ou le CWU dans la communication, etc -, aux grandes ONG en passant par la coalition anti-guerre "Stop the war" animée par le Socialist Worker Party (SWP, trotskiste assez sectaire) et les groupes les plus radicaux. Le FSE avait d’autre part reçu l’appui officiel des TUC qui regroupe l’ensemble des syndicats britanniques.

Contrairement à Florence et à Paris/Saint-Denis, la municipalité du Grand Londres (GLA) qui soutenait le FSE a joué un rôle central dans l’organisation du forum et dans un certain nombre de choix politiques. Les priorités du mouvement altermondialiste et celles du maire de Londres ne convergeant pas spontanément, ni même nécessairement, les problèmes étaient inévitables. De plus, un certain nombre de particularités britanniques ont pesé sur ce FSE, qui, comme ceux qui l’ont précédé, a été enraciné dans la réalité nationale.

La première de ces particularités, qui se retrouvera en Grèce pour le prochain FSE, est le lien fort qui existe entre les partis politiques et les différents mouvements sociaux. L’autre particularité britannique est la puissance du mouvement anti-guerre qui marquera de son empreinte le FSE, la question de la guerre apparaissant résumer à elle seule pour les britanniques la domination néolibérale. De plus, la question de l’Europe a été un peu sous-estimée, même si les séminaires sur cette question ont été en général d’une grande qualité. Enfin, existe en Grande-Bretagne une longue tradition de sectarisme entre les différentes forces progressistes ce qui rend le travail en commun très difficile et les débats assez violents. Cela explique que dans plusieurs séances sur des sujets qui ne font pas consensus, comme la question du voile, le débat a tourné à l’invective, voire aux injures et menaces, ce qui n’est pas de nature à permettre un débat réel sur le fond.

Si le cadre politique de préparation du FSE pouvait sembler satisfaisant, il est apparu néanmoins assez rapidement qu’il avait du mal à fonctionner de façon satisfaisante au vu des méthodes autoritaires mis en ¦uvre. Ainsi très vite des tensions importantes ont vu le jour entre le noyau de l’équipe d’animation du FSE regroupant le SWP, le GLA, UNISON et RMT et "the horizontals" sorte de coalition informelle regroupant les groupes les plus radicaux, une revue de gauche très respectée comme Red Pepper et plus globalement tous ceux qu’exaspéraient la rigidité du mode de fonctionnement mis en place.

La préparation du FSE est un processus lourd et complexe et il est assez naturel que des tensions vives apparaissent. C’est ce qui s’était produit en Italie et en France. Le problème est de faire en sorte que ces tensions ne dégénèrent pas et ne deviennent pas un obstacle pour la construction du FSE. Le bilan est de ce point de vue mitigé puisqu’un certain nombre d’incidents ont eu lieu pendant le forum et que le comité d’organisation britannique n’a pas pu ou voulu intégrer les activités "off" qui contrairement à Florence ou à Paris/Saint-Denis ont été totalement extérieurs au processus du FSE.

Cette situation explique en partie, mais en partie seulement, le nombre relativement faible de participants britannique au FSE. Il est de plus probable que les grosses ONG, n’est pas pu ou pas voulu mobiliser leurs adhérents et que les syndicats britanniques ont eu du mal à le faire. Quoi qu’il en soit, même si le FSE a été le plus gros événement du genre en Grande-Bretagne, son impact politique semble avoir été relativement faible sur le champ politique britannique.

Une fin de cycle ?

Les forums sociaux ont trois fonctions. La première est de permettre le débat et la confrontation entre les différentes forces engagées dans le processus. C’est le rôle, théoriquement, des plénières et de certains séminaires, ces derniers étant contrairement aux plénières à l’initiative des forces qui le désirent. La deuxième fonction du forum est d’être utile à la construction de proposition alternatives, rôle dévolu aux séminaires. Enfin, le forum social doit servir de point d’appui pour la construction de mobilisation sociales et citoyennes. C’est le rôle de certains séminaires de favoriser la mise en place de réseaux européens et d’organiser la tenue de campagnes thématiques (OMC, dette, taxes globalesŠ). L’Assemblée des mouvements sociaux, organisée par les forces qui le souhaitent, doit permettre d’acter et de mutualiser, au moins en partie, des échéances de mobilisations et des décisions issues de séminaires du FSE et d’organiser les actions communes à tous les réseau.

Le FSE avait permis l’affirmation politique forte du mouvement altermondialiste. S’il remplit toujours ce rôle, force est de constater que le schéma d’organisation actuel a atteint aujourd’hui ses limites. Dans le processus de préparation, le temps pris par la construction des plénières tend à marginaliser toutes les autres activités pour un résultat souvent décevant. Les propositions alternatives issues des séminaires n’ont aucune visibilité politique et surtout ne font l’objet d’aucune appropriation par les forces du mouvement, ou même par une partie d’entre elles. La question des mobilisations n’apparaît pas être un point assez structurant. D’où le sentiment de répétition et la sensation d’un forum qui a perdu sa force d’entraînement.

Le FSE a permis cependant de faire circuler un projet d’appel de syndicalistes contre la Constitution européenne. Ce projet est maintenant dans les mains d’un certain nombre de syndicalistes européens, l’objectif étant de le rendre public d’ici quelques mois.

Au-delà nous faudra réfléchir pour que le prochain FSE qui se tiendra au printemps 2006 à Athènes, permettre une avancée du processus du FSE et du mouvement altermondialiste. Une réunion européenne sur ce sujet aura lieu le 18 décembre à Paris.

L’Assemblée des mouvements sociaux

Cette Assemblée n’est pas un congrès. Il s’agit d’une réunion ouverte et informelle qui n’a pas vocation à prendre telle ou telle décision. L’important est d’ailleurs moins cette assemblée elle-même que le processus qui y conduit. Ce processus se construit en parallèle avec celui du FSE lors des assemblées européennes de préparation. C’est lors de ce processus que les débats politiques de fond ont lieu, que ce soit sur les priorités du mouvement, que sur les priorités de mobilisations.

Cette assemblée a deux objectifs. Elle doit d’une part permettre que les grandes campagnes et les grands thèmes traités lors du FSE puissent avoir la parole, d’où le nombre très important d’interventions, chacun voulant que son sujet soit évoqué. Il s’agit donc d’abord de mutualiser, au moins en partie, ce qui a été fait lors du FSE, où de nombreux séminaires ont débouché sur des propositions de mobilisations. Il s’agit ensuite de vérifier que l’appel élaboré correspond à un certain consensus et notamment d’établir un agenda de mobilisations.

Cet appel n’a pas vocation à être signé. Une fois élaboré, il est mis à disposition de tous ceux qui veulent s’en emparer. Il ne s’agit donc pas d’une résolution de congrès. Son processus d’élaboration vise à associer toutes les forces qui veulent l’être. Son contenu doit donc être acceptable par toutes les forces qui ont participé à son élaboration, d’où son caractère toujours insatisfaisant.

A Londres, un millier de personnes ont participé à l’Assemblée des mouvements sociaux, alors même que se tenait au même moment des plénières, des séminaires et des ateliers. Le déroulement même de cette assemblée n’a pas été satisfaisant. Le trop grand nombre d’interventions, leur caractère quelquefois passionné, leur diversité même empêche d’avoir un réel débat politique, celui-ci ayant lieu, de fait, lors des réunions des groupes de travail. Il y a certainement là matière à réfléchir pour l’avenir.

Par contre le contenu de l’appel nous a permis d’avancer sur la question des mobilisations. Notre objectif était d’avoir un appel qui soit clairement tourné vers les questions européennes qui insisteraient sur les questions sociales. Cet objectif a été rempli puisque l’essentiel de l’appel porte sur les questions européennes avec une analyse nette du projet de constitution européenne, la mention de la directive Bolkenstein, des attaques sur le temps de travail...

Non seulement un agenda thématique de mobilisations a été construit, mais l’appel propose une mobilisation centrale du mouvement à Bruxelles contre le modèle néolibéral européen, le 19 mars au moment où aura lieu un Conseil européen. Ce dernier est particulièrement important puisqu’il se situera à mi-parcours du processus de Lisbonne, qui vise à faire de l’Union la zone économique la plus compétitive du monde, dont il fera le bilan, et qu’il portera sur les politiques économiques. Il reste à faire que cette décision se traduise dans les faits. Cette manifestation du 19 mars doit devenir une priorité de mobilisation pour notre union syndicale.

Bilan de la participation de l’Union syndicale G10 Solidaires

Nous sommes intervenus dans une douzaine de séminaire et dans une plénière. Les sujets de nos interventions ont été divers : l’Europe et le Traité constitutionnel, les services publics, l’avenir du mouvement altermondialiste et des Forums sociaux, la privatisation du Rail et des services postaux les gauches syndicales, les délocalisations, la directive Bolkestein, les femmes dans le syndicalisme et la lutte pour l’égalité des droits, Agcs et Europe, éducation, solidarité et défense des droits contre la globalisation, fiscalité et justice fiscale.
Les organisations qui ont participé à ce FSE sont les suivantes : SNUI, SNMSAC, SUD-Aérien, SUD-Rail SUD-Education, SUD-Culture, SUD-PTT, SUD-Santé, SUD-CT, Solidaires Paris, SUD Minéfi, SUD -Etudiants. Des représentants du Bureau étaient également présents.

Le bilan des séminaires est inégal suivant les sujets : peu de participation sur les débats fiscalité par exemple, mais participation importante sur l’e "gauches syndicales", au débat sur l’intersyndicale femmes ou sur les services publics. Une des difficultés a été le manque de coordination, par manque de temps, pour la préparation des séminaires entre organisations qui se sont retrouvés dans le même séminaire après les fusions.

Globalement, et c’est un des rôles importants du FSE, nous avons élargi nos contacts syndicaux aussi bien sur les secteurs professionnels que d’un point de vue interprofessionnel. Nous avions fait le choix de tenir un stand. Nous étions la seule organisation syndicale française à l’avoir fait. Ce stand a permis de faire connaître Solidaires et nos différents syndicats. Il a été un point de rencontre pour notre délégation. Merci aux camarades qui en ont assuré la tenue.

A propos d’un débat franco-français

L’avant FSE et le forum lui-même ont été marqués en France par une polémique concernant la question du voile et plus globalement la place de l’islam dans le FSE. Un article totalement mensonger a été publié dans Charlie-Hebdo, repris par le président de SOS-Racisme dans un point de vue dans Libération, affirmant que le FSE avait invité des penseurs musulmans intégristes et antisémites. Ces articles crapuleux ont pour objectif politique, dans la lignée de ce qui s’était passé l’année dernière, de discréditer les altermondialistes et plus généralement d’assimiler toute critique de la politique israélienne à de l’antisémitisme.

Cependant, la question des rapports à entretenir avec des courants se réclamant de l’islam politique et voulant travailler avec le mouvement altermondialiste est un débat qu’il nous faudra avoir.