Accueil > Une politique sans vision

Une politique sans vision

Publie le mercredi 15 septembre 2010 par Open-Publishing
1 commentaire

Le gouvernement Charest vient de prendre la décision, aussi rapide que surprenante, d’intégrer la procréation assistée dans l’ensemble des actes médicaux couverts par l’assurance-maladie. Cette largesse a de quoi surprendre de la part d’un gouvernement qui ne cesse d’agir en faveur de la privatisation rampante du système de santé. Comme si cette mesure répondait à une priorité à ce point pressante que l’urgence de cette décision primait et éludait la nécessité de poursuivre le débat à ce sujet. Face à une crise pourtant sans ambiguïté – engorgement des urgences, manque flagrant de ressources humaines et médicales, assaut répété du privé pour répondre aux failles du système public – on est en droit de se demander ce qui motive réellement le gouvernement.

Parmi les médecins qui jugent le décret prématuré et inopportun, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec qualifie celui-ci d’électoraliste. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, admet plutôt : « il y avait un lobby », le gouvernement a voulu lui plaire (Le Devoir, 14 juillet 2010). Cette « décision politique » a été prise au nom de la natalité et de la compassion envers les couples infertiles. Mais qu’est-ce qu’une politique qui ne s’inscrit pas dans un projet de société ? La compassion ne suffit pas, car elle est infinie. La politique, elle, est marquée par la limite et les choix qu’elle opère en fonction du bien commun. Or, on aimerait voir un soupçon de politique dans ce décret « compassionnel ». Il ne s’inscrit en rien dans une politique familiale qui favoriserait, en plus de la conciliation travail-famille, la natalité chez les couples, notamment les plus jeunes, chez qui le désir d’enfant se butte trop souvent à la dure réalité de l’insécurité financière. Rien non plus pour contrer les causes sociales de la stérilité et de l’infertilité. Les subventions aux campagnes de prévention des infections sexuellement transmissibles, qui en sont une cause importante, sont ridiculement basses. Quant à celles vouées à la recherche sur les causes environnementales, elles sont inexistantes. Rien non plus pour faciliter et subventionner l’adoption.

Pourquoi ne pas avoir plutôt appuyé la création d’une fondation qui soutiendrait les couples moins fortunés souhaitant avoir recours aux techniques très coûteuses de procréation assistée ? Des couples richissimes qui y ont eu recours comme Julie Snyder (qui a milité pour le financement public) et Pierre-Karl Péladeau, ainsi que Céline Dion et René Angélil, par exemple, auraient pu en être de généreux donateurs et même les fondateurs. Le gouvernement aurait pu y contribuer avec un certain montant comme il l’a fait pour la fondation du Dr Julien dans le domaine de la pédiatrie sociale. Mais voilà, le gouvernement décide contre toute logique d’assumer seul les coûts en rendant ce service gratuit.

Peut-être y a-t-il d’autres lobbys, plus opaques, qui ont déterminé cette décision ? Les cliniques privées qui ont largement développé l’expertise des techniques de procréation assistée ainsi que les cliniques de recherche en ce domaine, très présentes au Québec, en seront aussi les grandes bénéficiaires.

Par ailleurs, avec cette politique sans vision, le droit imprescriptible de donner naissance à un enfant se voit consacré, sans débat, au plus grand plaisir du complexe technoscientifique outillé pour le rendre possible. Tout se passe comme si la vision du monde de celui-ci se déployait comme une évidence et était prise en charge par un gouvernement qui ne se soucie plus d’en avoir une.

http://www.revuerelations.qc.ca/relations/archives/derniers_nos/743/popop/editorial.htm

Messages

  • "Le complexe techno-scientifique" !vous avez peut-etre la réponse !Et peut-etre aussi ces enfants sur catalogue avec le choix de la couleur des yeux etc...permettra enfin de sélectionné les humains de l’avenir :"propres",sans genes defectueux,intelligents,mais pas trop...corvéables à merci,peut-etre....bref,une manière de controler "le produit" in utero ;car s’il n’existe dans votre pays (en france c’est pareil) aucun projet de société positif,il existe tout de meme des projets !