Accueil > Chávez, tête de Turc de la presse américaine

Chávez, tête de Turc de la presse américaine

Publie le vendredi 24 septembre 2010 par Open-Publishing

Chávez, tête de Turc de la presse américaine

N° 1038

Repère

En 2005, les adversaires d’Hugo Chávez avaient boycotté les élections législatives, laissant ainsi le champ libre aux candidats chávistes. Pour ne pas répéter cette erreur, l’opposition présente aux élections législatives du 26 septembre un front uni qui rassemble une multitude de partis hétéroclites sous le sigle commun de MUD (Mesa de la unidad democrática, Table de l’unité démocratique).

Le bombardement d’informations négatives, falsifiées, déformées et manipulées sur le Venezuela s’est intensifié ces derniers jours dans les médias américains [et la presse internationale en général]. Le Venezuela subit ce phénomène à chaque veille d’élection. L’offensive médiatique contre le gouvernement Chávez n’a qu’un seul but : soutenir les efforts de l’opposition en vue de chasser du pouvoir le président vénézuélien. Depuis huit ans, ceux qui poursuivent cet objectif tentent de justifier des coups d’Etat, des sabotages économiques, des attentats terroristes, des assassinats de personnalités, des manipulations électorales, la guerre psychologique et une augmentation disproportionnée de la présence militaire américaine dans la région.

Chaque année, Washington et ses di­verses agences espèrent arriver à leurs fins et financent à coups de millions de dollars les partis politiques, les campagnes et les candidats de l’opposition anti-Chávez. Les médias internationaux apportent également de l’eau à ce moulin. Avec leurs gros titres sensationnalistes et leurs reportages biaisés, ils tentent de préparer l’opinion publique mondiale à tolérer n’importe quelle décision prise contre Chávez. A en croire The Economist, “le Venezuela a la plus mauvaise économie du monde”. Quant au New York Times, qui constitue une référence pour beaucoup de journaux, il affirme que “Caracas est plus violent que l’Irak”. “Le Venezuela affiche le taux d’homicides le plus élevé de tout le continent américain”, ajoute le magazine Newsweek, affirmant au passage que “la popularité de Chávez est au plus bas”. Peu importe que leurs chiffres ne correspondent pas à la réalité ou que leurs sources ne soient pas dignes de foi – tout ce qui compte, pour eux, c’est de donner l’image d’un Etat en échec, hors la loi, discrédité, isolé sur la scène internationale. La télévision n’est pas en reste. Début septembre, CNN a présenté un reportage intitulé Les Gardiens de Chávez [disponible sur YouTube]. Elle y associait abusivement le gouvernement Chávez à des groupes armés, des criminels, des terroristes et des forces paramilitaires. Le 13 septembre, Patricia Janiot, la journaliste vedette de CNN en espagnol, a interviewé en direct un terroriste en cavale, le présentant comme un “étudiant persécuté” par le gouvernement Chávez. Il s’agissait en réalité de Raúl Díaz Peña, qui a été condamné en 2008 pour son implication dans l’attentat contre les ambassades de Colombie et d’Espagne, survenu le 25 février 2003 à Caracas. Díaz Peña s’est évadé de sa prison le 5 septembre et a pu entrer aux Etats-Unis sans aucun problème. Une semaine après son arrivée, CNN l’invitait en prime time. “Combien d’autres prisonniers politiques y a-t-il au Venezuela ?” lui a demandé la journaliste. A la fin de l’entretien, elle a souhaité “bonne chance” au terroriste et l’a félicité d’avoir échappé à la “terrible dictature de Chávez”.

Comment une chaîne de télévision internationale peut-elle interviewer en direct un individu condamné pour terrorisme, évadé de prison, et lui souhaiter “bonne chance” ? Ce n’est possible que lorsqu’il s’agit du Venezuela. Deux jours après cet entretien scandaleux sur CNN, Fox News titre : “Le Venezuela suspend le ‘vol terroriste’ vers la Syrie et l’Iran”. Dans le reportage, publié aussi sur son site Internet, Foxnews.com, la chaîne américaine classe le Venezuela comme “l’un des trois Etats les plus complaisants avec les terroristes”, avec la Syrie et l’Iran. A propos d’un vol de la compagnie aérienne nationale Conviasa, la Fox affirme que “l’avion transportait un chargement illicite et mortel, notamment des explosifs et des matériaux radioactifs, et offrait un passage sûr à des terroristes, des espions, des experts en armement et de hauts responsables des services de renseignement iraniens, ainsi qu’à des membres du Hezbollah et du Hamas”. Ses sources ? “Des agences de renseignement occidentales, des personnalités de l’opposition vénézuélienne et un ancien espion iranien travaillant pour la CIA.”

Le dangereux reportage de la Fox, dans le souci d’associer le Venezuela au terrorisme, va encore plus loin. “Reza Khalili, ancien gardien de la révolution iranien, qui espionnait pour le compte de la CIA, a déclaré à Fox News que ces ‘vols spéciaux’ faisaient partie d’un réseau terroriste international dirigé par l’Iran, qui s’étend maintenant aux Etats-Unis. Téhéran se servait de ces vols pour créer une base opérationnelle en Amérique.”

La Fox accuse ainsi le Venezuela d’aider à mettre en place un “réseau terroriste” contre les Etats-Unis. De telles accusations peuvent provoquer des guerres. Fait incroyable, Fox News s’est discréditée dans son propre reportage, l’une de ses principales sources ayant reconnu qu’elle n’avait pas vraiment de preuves à l’appui de ses dires. “Peter Brookes, un ancien analyste du ministère américain de la Défense et agent de la CIA, qui travaille aujourd’hui pour The Heritage Foundation [un think tank de Washington], a affirmé que ce vol transportait régulièrement de hauts responsables des gardiens de la révolution entre l’Iran et le Venezuela, destinés à occuper des postes dans les services de renseignement de ce pays d’Amérique latine.” Et de conclure : “Nous ne pouvons pas dire avec certitude ce qui se passe, mais cela se déroule dans le plus grand secret.” Autant dire que cette source reconnaissait ne rien savoir mais que, dans le doute, il s’agissait forcément de quelque chose de négatif.

Voilà la logique que Fox News utilise pour tenter d’accuser le Venezuela de terrorisme. C’est non seulement très bête, mais aussi très dangereux. Et, à quelques jours des élections législatives, cette agression médiatique ne peut que s’intensifier.

Eva Golinger

http://www.courrierinternational.com/article/2010/09/23/chavez-tete-de-turc-de-la-presse-americaine