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Six dirigeants emprisonnés de l’ETA préconisent l’abandon de la lutte armée

Publie le jeudi 4 novembre 2004 par Open-Publishing

Le ministre de l’intérieur espagnol "prend note".

Martine Silber, Madrid

Six dirigeants historiques de l’ETA, actuellement en prison, ont envoyé au mois d’août à la direction de l’organisation séparatiste armée, dont les attentats terroristes ont fait plus de 800 morts depuis 1968, une lettre appelant à l’abandon de la lutte armée.

Cette lettre, qui vient d’être diffusée par la presse espagnole, explique que "la lutte armée ne sert à rien actuellement" et que "la stratégie politico-militaire a été dépassée par la répression de l’ennemi contre nous."

Ces six détenus ajoutent : "Jamais dans l’histoire de cette organisation nous n’avons été aussi mal." Incarcérés depuis une dizaine d’années en moyenne, ils prônent le passage "à la lutte institutionnelle et à la lutte de masses." Le plus connu d’entre eux, Francisco Mujica Garmendia, dit Pakito, a été condamné à 4 645 années de prison pour avoir été à l’origine de 23 assassinats commis par le commando Argala, composé d’étarras français.

Leur lettre a été écrite bien avant la grande opération franco-espagnole de l’automne qui a permis l’arrestation des dirigeants de l’ETA Mikel "Antza" et de sa compagne, Soledad Iparragirre Genetxea et la saisie d’une impressionnante cache d’armes et de nombreux documents. Les polices française et espagnole ont depuis procédé à de nouvelles arrestations, en France, vendredi, et lundi à Bilbao. Une opération qui n’est toujours pas terminée.

Le ministre de l’intérieur, José Antonio Alonso, a simplement dit qu’il "pren - ait - note" de "la lettre intéressante dans la mesure où elle fragilise l’ETA"tout en considérant qu’il fallait rester extrêmement prudent. "Nous n’oublions pas, a-t-il ajouté, que nous travaillons à la défaite de l’ETA ou à sa dissolution définitive (...). C’est la tâche de la démocratie et c’est à cela que s’emploient le ministère de l’intérieur, le gouvernement et toutes les forces et corps de sécurité."

Pour le gouvernement basque, la lettre correspond au débat interne de l’organisation et il en a profité pour demander à l’ex-Batasuna, le parti politique dissous pour ses liens avec l’ETA d’abandonner "la terreur."

PRUDENCE À DROITE

Le Parti populaire (PP) est également prudent dans ses commentaires. L’ancien ministre de l’intérieur, Angel Acebes, a précisé que "les terroristes fixent toujours leur stratégie en fonction de ce qui les intéresse." L’Association des victimes du terrorisme va plus loin et considère que cette lettre "peut être contre-productive" et amener l’ETA à commettre un nouvel attentat pour neutraliser l’image de sa faiblesse actuelle, car celui qui remplacerait Mikel Antza à la tête de l’organisation, José Antonio Urrutikoetxea Bengoetxea, dit Josu Ternera, "va maintenir la ligne la plus dure." Ils s’inquiètent aussi de l’effet que cela pourrait produire sur la proposition de faire du Pays basque "une nation libre et associée à l’Etat espagnol", du président du gouvernement basque, Juan José Ibarrexte, car, selon cette association, la lettre pourrait servir aux nationalistes pour légitimer cette proposition, rejetée par les socialistes et le PP.

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