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Mise au point sur le séminaire du FSE « Hijab : le droit des femmes de choisir », Londres 16 octobre

Publie le jeudi 11 novembre 2004 par Open-Publishing

Communiqué de presse lundi 8 novembre 2004

Une école pour toutes/tous

Mise au point sur le séminaire du FSE « Hijab : le droit des femmes de choisir », Londres 16 octobre 2004.

Dès le Dimanche 17 octobre, les médias français se déchaînaient contre le FSE de Londres et particulièrement contre le séminaire « Hijab : le droit des femmes de choisir » qui s’était tenu la veille. Certaines attaques, par exemple de Bernard Cassen, certains thèmes développés dans le Journal du Dimanche ou le Nouvel Observateur ne nous ont pas étonnés-e-s, venant de partisans déclarés de la loi qui exclut les jeunes filles portant foulard de l’école publique. En revanche, que des médias comme Politis, des mouvements comme la Ligue des Droits de l’Homme ou l’Union Syndicale Groupe des Dix aient repris des allégations fausses et/ou hostiles sans les avoir vérifiées nous a surpris-e-s et peiné-e-s, c’est pourquoi il nous semble nécessaire d’apporter les précisions ci dessous.

Ainsi il a été dit que le séminaire avait été organisé sans l’accord du FSE, était « off », voire « sauvage » ; que la France avait été « injustement attaquée » ; que le débat était « monolithique » et « non contradictoire » ; que les contradicteurs « n’auraient pas eu l’occasion de s’exprimer » ; que le débat aurait « tourné à l’invective, voire aux injures et aux menaces (accusations de racisme) » ; ou encore qu’il manifestait une « ignorance de la situation française et du contenu de la laïcité », et avait « ouvert la porte à toutes les outrances ». Voici ce qui s’est passé en réalité :

1-Le séminaire était organisé par NAAR-l’association britannique contre le racisme— et Stop the War Coalition — le mouvement anti-guerre anglais—, et soutenu par les autres associations participantes, dont Une école pour toutes/tous. L’option des organisateurs, dont nous ne faisions pas partie, était annoncée dans le titre ; ils n’ont pas souhaité placer à la tribune des défenseurs de la loi française. Ce faisant, ils ont agi comme la plupart des organisateurs : les autres séminaires, ateliers et plénières n’étaient pas plus « contradictoires ». On peut plaider pour l’adoption d’une philosophie différente dans les FSE à venir, mais c’est un autre débat.

2-Loin d’être un atelier sauvage, le séminaire a pris place dans l’une des plus grandes salles d’Alexandra Palace, et il a bénéficié de traduction simultanée dans plusieurs langues ; la salle contient 800 places assises, et presque mille personnes étaient présentes. Il durait deux heures, et il y a eu 6 interventions. Les modératrices se sont pourtant arrangées pour préserver quarante minutes de débat, au cours de laquelle la salle a eu la parole, de façon aussi démocratique et organisée que possible.

3-Le représentant de « Liberty »—correspondant anglais de la LDH-a analysé la loi française du point de vue du droit, et comme nous le faisons, l’a estimée contraire aux principes de liberté de conscience inscrits dans les déclarations universelles et les traités européens et internationaux sur les libertés individuelles et publiques. Cela n’aurait dû étonner personne puisque c’est l’avis très largement partagé des juristes, de quelque nationalité qu’ils soient, entre autres de deux des organisations de droits humains parmi les plus incontestées. Le caractère discriminatoire de la loi française est une évidence pour la FIDH et pour Human Rights Watch, qui considère aussi qu’un « racisme anti-musulmans » est implicite dans les propos de nombreux partisans de la loi. Ce ne sont pas donc « les Français » qui ont été critiqués, mais cette loi. La France s’est retrouvée sous les projecteurs parce que ses représentants l’y ont mise en votant cette loi, et non en raison d’un quelconque « sentiment anti-français » pré-existant.

4-Toutes les personnes à la tribune ont estimé que cette loi viole la liberté de conscience et de culte. La laïcité française n’a pas été ignorée, bien au contraire, puisqu’il est revenu à la porte-parole d’Une école pour toutes/tous de rappeler que la loi de 1905 garantissait justement, bien avant la déclaration universelle de 1949, la liberté de conscience et de culte, et que la loi sur le foulard, tout en se prétendant « sur la laïcité », en réalité détourne l’esprit de tolérance de la loi de 1905 et bafoue son principe de l’égalité totale entre toutes les religions, principe qui est le corollaire de celui de l’égalité entre tous les citoyens.

5-Toutes les personnes à la tribune ont estimé que cette loi liberticide était motivée par le racisme et l’islamophobie ; mais aucune « accusation de racisme » n’a à aucun moment été portée contre des personnes présentes ou absentes ; aucune menace n’a été prononcée. En revanche, certaines critiques de ce séminaire semblent vouloir interdire que le mot « racisme » soit prononcé à l’intérieur des réunions du FSE. Or d’abord la présence dans les lieux altermondialistes ne saurait équivaloir à la remise d’un « certificat d’anti-raciste patenté » à chaque participant ; ensuite la proposition que l’on évite la discussion sur le racisme justement dans les lieux où elle a le plus vocation à se tenir est manifestement absurde.

6-Le représentant de Liberty a mis l’accent sur la contradiction entre cette loi et le droit international ; les représentantes de La Muslim Asscociation of Britain, de la Assembly for The Protection of The Hijab, ainsi que Salma Yaqoob, pour Stop the War, ont, en tant que musulmanes, mis l’accent sur leurs droits de citoyennes de manifester leur foi, et leur droit d’individus de choisir leur vie et de refuser que d’autres leur imposent d’une façon paternaliste leurs conceptions de l’émancipation ; la porte-parole d’Une Ecole pour toutes/tous a pour sa part mis l’accent sur ce qui est la préoccupation centrale de notre collectif : le droit de chaque enfant à l’école, et le devoir correspondant de l’Etat de scolariser tous les enfants, devoir qui doit l’emporter sur toute autre considération.

7-Contrairement à ce que M. Cassen a feint de voir, il n’y avait pas « une vingtaine d’hommes assis aux premiers rangs jouant le rôle de chefs de claque » et « huant, sifflant et interrompant les interventions de la salle ». En revanche, plusieurs personnes qui étaient dans la salle ont témoigné de ce que quelques Français-es ont manifesté bruyamment leur désaccord pendant les interventions de la tribune et particulièrement pendant celle de notre porte-parole ; les sifflets et cris etaient accompagnés de gestes peu féministes, tels les bras d’honneur adressés à la tribune ; certain-e-s d’entre eux se sont rués à la tribune dès la période de discussion ouverte pour affirmer avec un ton et des gestes violents (par exemple en jetant le micro par terre) que tout ce qui avait été dit à la tribune était faux et diffamatoire ; d’autres personnes (italiennes, allemandes et françaises notamment) ont au contraire exprimé leur accord avec les propos de la tribune.

8-En conclusion : si ignorance il y a, c’est celle de ces Français-e-s qui semblaient découvrir que l’analyse d’Une Ecole pour toutes/tous est partagée par la quasi-totalité des forces progressistes européennes. La division de ces mêmes milieux en France sur ce sujet fait donc figure d’exception dans le paysage européen, et c’est ce que souligne la LDH en disant qu’ici le débat est dans le mouvement social et non pas à l’extérieur de celui-ci. Cette spécificité française pose— tant en France qu’en Europe—un problème qu’Une Ecole pour toutes/tous a été le premier collectif à soulever, problème que le séminaire a abondamment démontré. Nous avons en effet entendu au séminaire « Hijab » (et le monde entier avec nous), des interventions véhémentes et souvent incompréhensibles qui semblaient défendre la laïcité comme une foi religieuse et qui provenaient de militant-e-s français-e-s parties prenantes du mouvement social. Elles n’ont en rien permis de clarifier la discussion ; au contraire, les autres Européens, qui étaient la majorité de la salle, ont vu là des gens incapables de communiquer et de s’expliquer, et les ont perçus comme des fanatiques. Les interventions françaises pro-loi ont été contre-productives (de leur point de vue), elles n’ont servi qu’à conforter la salle dans un sentiment d’accord avec la tribune qui s’est manifesté notamment par l’ovation faite à Salma Yaqoob. Au moins notre présence aura-t-elle permis de faire comprendre aux autres Européenn-es que le mouvement social français n’est pas monolithique et tout entier représenté par des défenseurs hystériques d’une conception paradoxale de la laïcité.

9- Nous sommes prêt-e-s à accepter qu’ils ne représentaient qu’eux-mêmes, et qu’une discussion sereine est possible avec les autres, dans la mesure bien entendu où ils/elles désavouent les procès d’intention, les accusations gratuites, les insultes et les calomnies à notre égard. Nous réaffirmons notre complète solidarité avec notre porte-parole mandatée à ce séminaire, Christine Delphy, et nous réitérons notre volonté, exprimée de longue date, de dialoguer avec tous (et particulièrement avec les personnes et groupes qui étaient jusqu’au FSE proches de nous) dans un climat de bonne foi et de respect mutuel.

Paris, lundi 8 novembre 2004