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Oui, nous avons hébergé un « terroriste » ... de trois ans !

Publie le mercredi 1er décembre 2004 par Open-Publishing
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Quand vous lirez ces lignes, nous serons en prison. Pour quelques jours.
Quelques semaines. Quelques mois. Quelques......

Notre « crime » ?

Avoir fondé et animé une école libertaire. Bonaventure. Y avoir
accueilli, sans formalité, des enfants de tous horizons (même des mômes
de cathos, c’est dire). Et nous être pris d’affection pour un petit bout
en perdition au point de l’avoir accueilli chez nous pendant deux ans et
demi.
De cela, qui remonte maintenant à plusieurs années, on nous fait
aujourd’hui reproche.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que le petit bout en question s’est révélé être le
fils d’un couple de militant d’ETA arrêté il y a quelques semaines.
Est-t-il besoin de le préciser, nous ignorions ce détail.

Est-t-il également besoin de préciser (les parents s’étant présentés à
nous comme ayant des problèmes de « papiers »(1), nous avions quelques
doutes sur les véritables motivations de la demande de scolarisation et
d’accueil qui nous était faite. Est-il, enfin, besoin de préciser : nous
assumons pleinement le fait de scolariser, d’éduquer et d’accueillir
tous les petits bouts du monde en détresse sans nous enquérir de
l’identité ou des motivations de leurs parents.

Cékomça !

Parce que nous pensons que les enfants ne sont pas responsables de leurs
parents(2), seul nous importera toujours leur regard noyé de brume.
Car, enfin, quoi ?

Une école libertaire pourrait-t-elle ne pas être une terre d’asile sans
perdre son « âme » ?
Des libertaires qui n’ouvriraient pas en grand leur porte et leur cœur à
des enfants en détresse d’instruction, d’éducation et d’amour,
pourraient-t-ils être autre chose que des gribouilles ?
On s’en doute, ce genre de discours est complètement incompréhensible
pour les Autorités comme pour le citoyen lambda.

Pour tout ce petit monde, on n’accueille pas pendant deux ans et demi
(et ensuite, de temps en temps, pendant les vacances), un môme de
terroristes sans faire, plus ou moins partie de la confrérie.

A quoi bon, donc, leur expliquer, en plus, que les luttes de libération
nationale visant à instaurer un nouvel Etat, avec de nouveaux patrons et
de nouveaux maîtres, ne sont pas vraiment la tasse de thé des
anarchistes. Que le mythe d’une soit disant lutte armée opposant
quelques frondes à des missiles Tomahawk confine, pour nous, au grotesque.
Que l’assassinat à la petite semaine de quelques seconds couteaux,
fussent-ils flics ou militaires, est pour les anarchistes , une
véritable insulte à la morale universelle et à l’intelligence politique.
Et que, pour ces raisons, il est tout simplement impensable que nous
puissions fricoter avec certaines conceptions d’une révolte à laquelle,
par ailleurs, nous ne contestons pas une certaine légitimité.

Si on ajoute à cela que l’air du temps est à la criminalisation de tout
comportement un tant soit peu « dissident », il est donc clair que nous
avons le profil politico médiatique pour être mis au pilori.
C’est de bonne guerre. Sociale.

Reste que le monde sera toujours divisé en deux.
Avec, d’une côté, ceux qui, pendant la deuxième guerre mondiale, ont
accueilli les petits juifs et autres (les Israéliens les ont appelés « 
les juste »). Et, de l’autre, ceux qui ont organisé (ou participé) à la
Rafle du Vel d’Hiv et la déportation de ces mêmes enfants.

Avec, d’un côté, ceux qui, chez nous, à l’Ile d’Oléron, ont organisé (ou
participé à) en 1941 le renvoi chez les fascistes espagnols d’une
cinquantaine d’enfants de républicains basques qui étaient venus, en
bateau, après la défaite, se réfugier au pays de la révolution et des
droits de l’homme. Et, de l’autre, de simples gens comme nous qui seront
toujours terre d’asile pour tous les enfants du monde.

Dans ces conditions, on voudra bien nous pardonner, à défaut d’avoir
choisi le chemin de l’honneur, d’avoir, du moins, refusé de prendre
celui du déshonneur.

Etre libre ou se reposer, disait déjà un poète antique.

Telle est et sera toujours la question.

Alors oui, nous avons hébergé un « terroriste » de trois ans. Nous lui
avons appris à lire et à écrire. Nous lui avons même transmis nos
valeurs de liberté, d’égalité, d’autogestion et d’entre aide. Nous lui
avons enseigné que les charentais comme les basques, étaient avant tout
des citoyens du monde. Et nous l’avons simplement aimé comme un petit
bout d’être humain en mal de tellement de choses. Et nous persistons à
ne pas avoir honte de tout cela.
On t’embrasse fort, la petite grenouille.

Garde bien tes petites mains serrées sur ces petites pierres de rêve
auxquelles tu t’accrochais quand tu avais le blues de papa-maman. Les
histoires des grands n’empêcheront pas toujours que tu puisses vivre la
tienne sereinement.

Nous t’y aiderons de toutes nos forces et de tout notre cœur.

On t’aime.

Le 20 octobre 2004.

Jean-Marc Raynaud
Thyde Rosell

(1) En septembre 2004, l’Inspection Académiques de Rennes, sur demande
de la police de l’air et des frontières a envoyé aux directeurs(trices)
de l’écoles un courrier pour retrouver la présence d’un enfant, sans
mentionner le motif de la recherche. Un directeur a répondu. Et c’est
ainsi qu’un enfant de sans papiers s’est retrouvé en centre de rétention.
En octobre 2004, l’Inspection Académique de La Rochelle, sans davantage
mentionner de motif, a carrément relayé un message de la police
recherchant notre petit protégé. Et là encore, il y eut une réponse.
D’où notre situation présente.
(2) La chartre de Bonaventure commence par : Qu’ils soient le « fruit »
du hasard, de l’habitude, de l’erreur, de l’ignorance ou de l’amour, les
enfants ne choisissent jamais de vivre. Dans ces conditions...

Messages

  • Confédération Nationale de Travail
    Bureau Confédéral
    Secrétariat médias
    medias@cnt-f.org

    Paris, le 1er décembre 2004

    Tyde Rosell et Jean-Marc Raynaud, nos camarades,
    doivent être libérés immédiatement.

    Tyde Rosell et Jean-Marc Raynaud, militants et enseignants de
    l’Education Nationale comme de l’école libertaire "Bonaventure", ont
    été placés en garde à vue hier , mardi 30 novembre 2004.
    La police les accuse d’avoir accueilli et hébergé entre 1998 et 2001, au
    sein de l’école Bonaventure puis à leur domicile, un enfant, 8 ans à ce
    jour, enfant dont les parents ont été arrêtés le 3 octobre dernier.
    Comme tous les enfants du monde, cet enfant ne peut pas, fort
    heureusement, répondre des activités de ses parents, militants très
    actifs au sein de l’organisation séparatiste basque ETA.
    Pourtant, c’est au regard de cette irresponsabilité juridique de
    l’enfant, jamais tenu pour responsable de ses parents, que le couple
    Rosell et Raynaud vient d’être interpellé et gardé à vue.
    A l’heure où nous écrivons, nous savons que Tyde Rosell ne sera pas
    libérée avant vendredi prochain. Quant à Jean-Marc Raynaud, victime
    d’un malaise cardiaque, il est sorti de l’hôpital, le médecin ayant jugé
    que son état de santé était de nouveau compatible avec la garde à vue.
    Cependant, la police refuse de communiquer des informations à son sujet.
    La CNT tient à apporter tout son soutien à Tyde Rosell et Jean-Marc
    Raynaud, victimes des lois liberticides de Sécurité Intérieure (LSI),
    précédées de celles pour la Sécurité Quotidienne (LSQ). Sous prétexte de
    lutter contre le terrorisme, ces lois ont réduit de manière inquiétante
    les libertés individuelles. Elles attaquent tout aussi gravement les
    droits fondamentaux des enfants, inscrits jusque-là dans la loi
    française, mais pour combien de temps encore ?
    En effet, Jean-Marc Raynaud et Tyde Rosell n’ont fait que leur devoir
    d’enseignants ; scolariser un enfant, indépendamment de la situation
    administrative et des activités de ses parents.
    Enfin, la CNT s’inquiète des dérives sécuritaires qui poussent les
    personnels de l’Education Nationale à collaborer avec la police, pour
    dévoiler l’identité des enfants qu’elle scolarise. Ces pratiques, qu’on
    pensait à jamais révolues, ne sont pas sans nous rappeler les périodes
    les plus sombres de l’ Etat français, officiellement désavoué par les
    plus hautes autorités de la République.

    La CNT appelle les enseignants à résister à ce genre de pratiques,
    qui portent gravement atteinte au droit des enfants.
    Tyde Rosell et Jean-Marc Raynaud, nos camarades, doivent être libérés
    immédiatement.