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LKP saison 2 : manifestations de Pointe-à-Pitre des 14 et 15 décembre 2010

Publie le jeudi 16 décembre 2010 par Open-Publishing

Mardi 14 décembre 2010, le Lyannaj kont pwofitasyon (LKP) appelait à une manifestation dans les rues de Pointe-à-Pitre (Lapwent). Nous y étions avec quelques milliers de nos concitoyens. Contrairement à l’écrasante majorité d’entre eux, nous n’avions pas participé au grand mouvement des 44 jours… au motif recevable d’émigration.

Ayant vécu la saison 2009 depuis la France, par l’intermédiaire des proches vivant au pays, des manifestations de soutien au LKP organisées sur Paris et des médias plus ou moins bien intentionnés, nous profitons du compte-rendu de cette journée d’action pour détruire un certain nombre de sottises qui ont été véhiculées par certains médias et certains politiques l’année dernière.

Brève mise au point sur quelques fadaises concernant le LKP

Nous commençons donc par confirmer, à partir de ce que nous aLe LKP en langue française.vons vu et vécu hier, que le LKP – en tant que mouvement (nous n’avons pas sondé le coeur de chacun des milliers de manifestants) – n’est pas “raciste” ou “anti-blancs” contrairement à ce qu’ont cherché à faire croire tous ceux qui visaient à discréditer la mobilisation populaire de 2009.

Premièrement, cela se voit. Les participants à la manifestation d’hier étaient à l’image du peuple guadeloupéen lui-même : de toutes les couleurs. Et au sein de cette multitude colorée, un nombre conséquent de Français vivant en Guadeloupe et participant, en tant que citoyens, au mouvement contre la pwofitasyon.

Deuxièmement, les discours des dirigeants du LKP et des slogans scandés par les manifestants ne prêtent à aucune ambigüité. La dénonciation porte uniquement contre la pwofitasyon, contre les pwofitan et contre les politiques qui permettent ou ne font pas obstacle à l’exploitation des citoyens de Guadeloupe. Jean-Marie Nomertin (CGTG) a, en une seule occasion et afin de marquer la solJean-Marie Nomertin harangue la foule devant les grilles fermées de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitreidarité du mouvement social guadeloupéen avec celui de Martinique, utilisé le terme de “béké”. Rappelons encore une fois que ce terme créole n’est nullement synonyme de “blanc”, qu’il vise uniquement la caste des descendants des colons esclavagistes et ségrégationnistes, dans un sens généralement restreint à ceux de ces descendants qui possèdent un important pouvoir économique au sein des sociétés martiniquaise, guadeloupéenne ou sainte-lucienne.

Jean-Marie Nomertin a donc visé dans ses propos “les derniers maîtres de la Martinique” qui persistent à refuser toute union légale ou officielle avec les descendants de leurs esclaves d’origine africaine et salariés d’origine indienne, et non un groupe déterminé par la couleur de sa peau ou son origine géographique.

Concernant les envolées sur les “gros bras” de l’UGTG et du LKP, arrêtons-les là. Quelle que soit l’issue juridique d’un incident comme celui de ce commerçant de Sainte-Anne victime, en 2009, de violence corporelle, rappelons qu’aucune manifestation du LKP n’a jamais donné lieu à aucune scène de pillage, de violence collective contre les personnes, les biens ou les bâtiments.Les militants LKP en charge de la sécurité (avec le sourire). Le service d’ordre qui officiait hier, n’avait rien d’une milice. Il s’agit d’une trentaine de militants – pas forcément tous avec des physiques d’armoires à glace – qui se chargent, à la fois de réguler la circulation des voitures au passage de la manifestation à la place des forces de police défaillantes à qui cette tâche est normalement dévolue, et d’encadrer les principaux dirigeants des organisations qui composent le LKP afin de garantir leur sécurité et de faciliter leur prise de parole. Ces militants ont assuré leurs fonctions, hier, pendant pratiquement 7 heures d’affilée sans aucune fausse note, avec juste quelques litres d’eau et quelques crêpes de manioc, en demeurant toujours courtois et pédagogiques vis-à-vis des personnes qui essayaient de forcer leur cordon de sécurité.

Cette mise au point, en tant que nouveaux venus au sein du mouvement, n’a, pour autant, pas comme objectif de faire taire toute critique du mouvement LKP. Les critiques du mouvement sont au contraire, d’après nous, indispensables pour lui permettre de continuer à fonctionner de manière efficace, c’est-à-dire en obtenant des avancées concrètes aux revendications légitimes qu’il porte au nom du peuple guadeloupéen.
On peut simplement souhaiter que, hormis les opposants radicaux au LKP que sont les représentants de l’Etat, du gouvernement et du grand patronat qui n’ont pour seule visée que l’échec des revendications de justice et d’égalité, les citoyens de Guadeloupe en désaccord avec la ligne suivie jusqu’à aujourd’hui par le LKP produisent une critique constructive de ces lacunes ou de ces failles (bien sûr qu’il y en a, sinon nous serions déjà membres d’une société libre, démocratique et juste !).

Qu’ils proposent donc, à la suite de leurs critiques légitimes, de nouvelles formes d’actions et de moyens utilisables pour mettre un terme – par exemple, juste par exemple - à la vie chère, aux profits gigantesques de la grande distribution, au chômage, aux discriminations à l’embauche, aux contrats précaires, à la dépendance alimentaire, à l’endettement, au mal-logement, à la minoration de la langue créole, à la pollution des sols et à l’empoisonnement de la population.

Car notre sentiment est qu’au-delà des désaccords et des visions divergentes, ce qui compte c’est d’obtenir, par tous les moyens légitimes nécessaires, l’amélioration des conditions d’existence du peuple guadeloupéen dans son ensemble et non les profits et l’intérêt particuliers d’une minorité.

Mais après ces quelques observations sur le mouvement LKP, venons-en au film de la journée du 14 décembre .

Le déroulement de la manifestation du 14 décembre

Rendez-vous avait été donné à 8h30 devant le bik a LKP, le palais de la mutualité situé dans le quartier de l’Assainissement de Lapwent. Un peMaya ka voyé on chanté monté pou ba moun fòs la.u d’inquiétude pour les Basse-Terriens que nous sommes en arrivant un peu avant 9 heures : beaucoup de marchandes de bokit, de sandwichs et de boissons, peu de manifestants. Heureusement, en une heure de temps passée à entendre résonner les morceaux de gwoka célébrant la lutte du LKP et la tradition de résistance du peuple guadeloupéen, notre nombre gonfle rapidement à plusieurs milliers.

Peu avant 10h, après un dernier chant, les animateurs prennent la parole pour informer les participants du programme et des motifs de la journée d’actions ainsi que des recommandations de sécurité (“Nou vin ansanm, nou ka rété ansanm”) : direction la sous-préfecture, après une marche dans les rues de Pointe-à-Pitre, afin de réclamer la tenue de la commission de suivi prévue par l’article 165 du protocole d’accord du 4 mars 2009.

La foule s’ouvre pour laisser les représentants des organisations constituant le LKP prendre la tête du cortège, qui s’engage sur la rue Hicelin. Nous nous retrouvons brièvement sur le boulevard Légitimus avant de bifurquer sur le boulevard Gerty Archimède. Au Rond-point de Bergevin, contrairement au parcours annoncé et afin de ne pas nous retrouver face aux importants effectifs de gendarmes mobiles aux alentours des ponts de la Gabarre, nous quittons le boulevard Gerty Archimède pour continuer sur le boulevard du Général de Gaulle et prendre ensuite la rue Euvremont Gène de tout son long jusqu’à ce que nous rejoignions le boulevard de l’Amitié des Peuples de la Caraïbe.

Le cortège entame alors sa remontée le long du quai de Bergevin, rejoignant le boulevard Chanzy et, enfin, pénètre par la rue Frébault dans la ville historique de Pointe-à-Pitre. Dernière bifurcation à l’angle de la rue Peynier et nous sommes déjà sur le quai de la Darse à contourner la place de la Victoire pour nous présenter devant les grilles cadenassées de la sous-préfecture.

Comme convenu, Elie Domota et Jean-Marie Nomertin communiquent officiellement à l’autorité préfectorale, à travers les grilles, la demande du LKP à être reçu afin de faire le point sur l’application de l’accord Jacques Bino et du protocole d’accord du 4 mars 2009. Comme attendu, l’entrevue leur est refusée.

Elie Domota prend le micro pour communiquer à tous le refus du préfet de recevoir une délégation du LKP et annonce que nous repartons pour un second tour de Pointe-à-Pitre, afin de donner un délai de réflexion au représentant de l’Etat avant de lui présenter une nouvelle demande d’entrevue.

Le cortège s’ébranle par la rue du Commandant Mortenol, prend à gauche par le boulevard Faidherbe avant de s’engager, pour la seconde fois de la journée, dans la rue Frébault, sur le quai de la Darse eLe LKP bloqué contre les grilles de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitret venir buter, à nouveau, sur les grilles de la sous-préfecture. Le préfet, par l’intermédiaire d’un officier de la Direction centrale du rensignement intérieur (DRCI) réitère son refus catégorique de recevoir le LKP.

La stratégie d’élimination du mouvement LKP, décidée au niveau gouvernemental puisque – rappelons-le - le préfet est essentiellement l’envoyé du pouvoir exécutif, et marquée par le refus systématique de sa légitimité à être reçu par les autorités de la République française est mise à exécution devant les milliers de citoyens guadeloupéens rassemblés sur la place de la Victoire. Alors que 22 mois plus tôt, l’Etat, par l’intermédiaire du préfet, signait un accord avec un LKP porté par la mobilisation en masse des citoyens guadeloupéens ; il vise désormais une guerre d’usure censée lui permettre d’éliminer l’organisation qui l’avait obligé à s’asseoir à la table des négociations.

Rappelons aux bonnes âmes, qui ont souvent le défaut d’être naïves, que le but ultime du gouvernement n’est pas l’élimination du LKP pour l’élimination du LKP. Le but de l’élimination du LKP est d’éradiquer définitivement le programme économique et social qu’il porte depuis maintenant 2 ans. Comme l’élimination de l’armée de couleur en Guadeloupe et à Saint-Domingue en 1801-1802 était le préalable au rétablissement de l’esclavage et de la ségrégation, l’élimination du LKP en 2010-2011 est un préalable à l’élimination de l’esprit de contestation et d’alternative qui souffle au sein de la société guadeloupéenne.

Face à cette stratégie de mépris, le LKP a d’abord fait cogner les tambours. Puis les orateurs ont parlé pour communiquer leur détermination à la foule présente, l’avertir si besoin en était que le combat qui attend le LKP, ses militants, ses partisans et ses sympathisants était un combat difficile et long. De plus en plus difficile dans le contexte de désinformation établi par les services préfectoraux. Plusieurs orateurs ont, à juste titre, rappelé les pleines pages de publicité que l’Etat a acheté dans le quotidien France-Antilles (dit “Frans-Manti”), à la veille même de la journée d’action du 14 décembre, afin de vanter le fait que “l’Etat respecte ses engagements vis-à-vis du protocole de sortie de crise” ou célébrer le “RSTA, une mesure gouvernementale pour le pouvoir d’achat”.

Et il est vrai que nous avons tous pu constater, depuis plusieurs semaines, que la scène médiatique était beaucoup moins accessible aux membres du LKP qu’en 2009 et qu’a contrario le préfet Jean Fabre, dans le même temps, menait une campagne tous azimuts pour, à la fois, faire circuler l’idée que l’Etat respectait scrupuleusement les accords de 2009, que la crise économique qui frappe la Guadeloupe était en grande partie de la responsabilité du mouvement LKP et que, surtout, l’archipel ne pouvait pas se permettre de connaître une nouvelle grève de grande envergure. Dernier point totalement paradoxal de la part d’un représentant de l’Etat qui refuse le dialogue quelque soit le nombre de manifestants qui réclament simplement la réunion d’une commission paritaire et le simple respect de la parole donnée.

Plusieurs orateurs, notamment de brillantes oratrices - dont Marie-Christine Quidal de l’UPLG, ont appelé les manifestants à rester le temps qu’il faudrait devant les grilles de la sous-préfecture. Cette proposition intelligente de sit-in qui aurait pu être une nouvelle forme d’action pour le LKP n’a finalement pas été retenue. On peut le regretter tant elle charrie une symbolique forte. Une symbolique de pacificisme qui jouerait particulièrement en faveur du LKP après le tombereau de désinformation qui a été asséné depuis janvier 2009. Une symbolique de détermination ensuite que n’aurait pas manqué de véhiculer un campement, même de seulement quelques centaines de militants et partisans, sur la place historique de la Victoire (rappelons qu’elle porte son nom en l’honneur de la victoire de l’armée des citoyens de toutes couleurs, réunis autour du décret d’abolition de l’esclavage du 4 février 1794, contre l’armée coalisée des forces anglaises et des colons esclavagistes e ségrégationnistes).

Entérinant le refus du préfet de recevoir une délégation du LKP et abandonnant la proposition d’un sit-in, décision était finalement annoncée d’une nouvelle manifestation le lendemain, mercredi 15 décembre, pour réitérer la demande de rencontre avec le préfet.

Echec ou réussite ?

Avant 14h, donc avant même la fin de la manifestation, le journal Libération annonçait déjà l’échec de la première journée de grève générale en Guadeloupe en précisant que “la manifestation organisée à Pointe-à-Pitre n’a rassemblé qu’entre 4 300 et 20 000 personnes”. Disons le honnêtement et simplement : nous n’étions pas 20 000, ce mercredi 14 décembre. Nous croyons pouvoir toutefois affirmer que – contrairement au chiffre communiqué par les services de la préfecture - nous étions plus de 4 300 sur la place de la Victoire, plus de 4 300 rassemblés pour obtenir du préfet de la République française qu’il reçoive les représentants des différentes organisations guadeloupéennes qui composent le LKP.

Sanblé a LKP douvan Soupréfèkti Lapwent / 14 désanm 2010
Mais quand bien même n’aurions-nous été que 4 300 sur la place de la Victoire ? Est-ce là un nombre de manifestants qui permette de considérer la journée d’action d’aujourd’hui comme un échec pour le LKP ? Est-ce que 22 mois après la fin de la grève générale de 44 jours, une manifestation réunissant plus d’1% des citoyens de Guadeloupe pour réclamer l’application effective de l’accord signé le 4 mars 2009 entre le LKP et l’Etat, la Région, le Département et l’association des maires de Guadeloupe doit être considérée comme un échec ?

Il est bien sûr évident que la grève générale n’a pas été massivement suivie, ce mardi 14 décembre. Mais nous savons tous, qu’étant données la précarité – CDD, intérim, stages – que connaissent de nombreux salariés guadeloupéens, sauf à obliger les entreprises à baisser le rideau, le droit de grève n’est qu’un droit théorique absolument inaccessible. Nous savons tous qu’étant donnés les prix exhorbitants des produits de grande consommation, la cherté des loyers ou des crédits immobiliers, le poids de l’endettement ou du surendettement et la faiblesse des salaires de nombre d’entre nous, un jour de grève représente un luxe hors d’atteinte d’un grand nombre de foyers. D’autant quand le membre du foyer qui travaille doit subvenir aux besoins d’autres membres qui se trouvent, eux, au chômage.

L’exemple des grandes grèves de 1995 en France ou du mouvement de grève des 44 jours en Guadeloupe nous l’a déjà enseigné : c’est quand une grève des transports ou de l’approvisionnement en essence précède ou accompagne un appel à la grève générale que l’ensemble de la société est en mesure de suivre et d’entrer en mouvement. Soyons lucides : une partie importante des citoyens de Guadeloupe qui ont participé, en 2009, aux manifestations pendant les 44 jours et qui ont participé, massivement, au mouvement du LKP… n’étaient pas grévistes. C’est le fait que le pays était bloqué par des barrages et par une pénurie d’essence qui leur a permis, sans risque de représailles de leur employeur et sans perte de revenus à hauteur de leurs jours d’absence, de joindre leurs forces aux militants convaincus, prêts à ou capables de sacrifier leurs revenus à la lutte pour le bien commun.

On ne peut donc pas, à notre sens, parler d’un échec du LKP le mardi 14 décembre 2010. Le dépôt d’un préavis de grève était nécessaire pour permettre aux travailleurs de participer à la manifestation, mais la grève n’était pas l’objectif premier de cette journée d’action.

Quant au nombre de manifestants, supérieur aux 4 300 annoncés par la préfecture, il représente, à l’échelle d’un peuple comme le peuple guadeloupéen et à ce moment précis de l’année, un nombre suffisament important de partisans. D’autant que les personnes présentes ce 14 décembre, à une action qui a – en grande partie - attiré des résidents de la Grande-Terre ou de son immédiate périphérie, étaient les sympathisants LKP les plus engagés et les plus convaincus.

Bien que l’hypothèse soit particulièrement séduisante aux yeux des services préfectoraux et de tous ceux qui exécrent toute initiative populaire, le LKP ne s’est nullement essouflé. Pas pour l’instant.

La confirmation du 15 décembre

Ce mercredi 15 décembre 2010, suite au refus du préfet de recevoir les représentants du LKP, le scénario de la veille s’est répété. Avec un nombre moins imposant de manifestants, le défilé a pris à nouveau la direction – mais en silence – de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre. Après un stationnement pendant de longues minutes face à la sous-préfecture, toujours dans le plus profond silence, Elie Domota et Jean-Marie Nomertin, porte-paroles du LKP, se sont présentés aux grilles, pour la troisième fois en 2 jours, pour entendre la sempiternelle réponse : “l’autorité préfectorale ne souhaite pas vous recevoir”.

Formulant, une nouvelle fois, une demande de rencontre avec le préfet en début d’après-midi et recevant la même réponse que la veille et que le matin même, le LKP a appelé à un meeting pour le lendemain, jeudi 16 décembre, au Bik a LKP et à préparer durant toute la période de fin d’année un nouveau mouvement pour le début 2011 en s’appuyant sur l’expérience acquise au cours des deux années de lyannaj kont pwofitasyon.

Nous rendrons compte des prochains meetings et actions auxquels nous participerons de près ou de loin.

Article paru sur le blog LIDEJIS :
 http://blog.lidejis.org/post/LKP-saison-2-%3A-manifestation-de-Pointe-agrave%3B-Pitre-du-14-deacute%3Bcembre-2010