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"La Révolution, c’est être traité et traiter les autres comme des êtres humains."

Publie le vendredi 14 janvier 2011 par Open-Publishing
4 commentaires

A première vue, il pourrait en effet sembler remarquable que Fidel Castro
désapprouve aussi fortement un attentat sur le territoire de son puissant et hostile
voisin.(1) Depuis plus de cinquante ans, les Etats-Unis et Cuba sont sur un pied de
guerre. Une guerre non-déclarée, celle de Goliath contre David. Au cours des
dernières décennies, conçus aux Etats-Unis sous la protection de ou inspiré par la
CIA, des centaines d’attentats ont eu lieu sur le sol cubain, coûtant la vie à plus
de personnes que lors des attentats du 11 septembre. Ainsi, en 1976, un avion de
ligne fut abattu, provoquant la mort de tous ses passagers. Il y eut plus de 600
attentats à la vie de Fidel Castro. Le pays subit le blocus le plus long de
l’histoire. Des maladies furent propagées parmi la population ; des usines, des
magasins, des hôtels... furent les cibles d’attaques. La liste est longue. Nous
sommes là confrontés aux faits les plus occultés de l’histoire mondiale moderne. En
tout cas, à Cuba on sait parfaitement ce que "war on terror" signifie.

Pourtant, en exprimant ainsi sa sympathie, Fidel Castro agit comme d’habitude, en
accord avec l’attitude de Cuba dans le passé. Les Etats-Unis peuvent bien être
obsédés de liquider la révolution cubaine, chaque fois que le voisin du nord a été
frappé par des attentats, des calamités ou autres mésaventures, Cuba a
invariablement affiché sa solidarité.

En voici quelques exemples :

 J.F. Kennedy fut le président responsable de l’invasion de la Baie des
Cochons qui entraîna la mort de 160 Cubains. Lorsque Fidel apprit l’assassinat de
Kennedy, sa première réaction à un journaliste étranger présent fut de dire : "C’est
une très mauvaise nouvelle." Il envoya rapidement un message de condoléances à la
famille et au peuple nord-américain.

 Ronald Reagan fut un président particulièrement hostile à la Révolution.
Quand il fut l’objet d’un attentat, Fidel condamna tout de suite cet acte et
souhaita un prompt rétablissement au président blessé. Il n’en resta pas là.
Quelques années plus tard, lorsque les services secrets cubains découvrirent un
nouveau plan pour assassiner Reagan, ils informèrent aussitôt les autorités
nord-américaines. Reagan, qui revitalisa la contre-révolution en créant la Cuban
American National Foundation à Miami, fut sauvé.

 Aussi bien après les attentats du 11 septembre qu’après les inondations de
New-Orleans, Fidel Castro montra sa solidarité et des centaines de médecins furent
mobilisés pour offrir de l’aide médicale. Cette assistance fut toujours refusée.

Malgré ce demi-siècle d’agression, aucun signe d’anti-américanisme ne se fait sentir
à Cuba. Sans aucun souci, chaque citoyen des Etats-Unis peut se rendre dans l’île où
il sera toujours bien accueilli, malgré la guerre non-déclarée de son pays contre
Cuba. Dans ses discours, Fidel a constamment différencié le gouvernement étasunien
de ses citoyens, et même les Etats-Unis en tant que nation et en tant que pouvoir
impérialiste. La révolution cubaine refuse tout chauvinisme. Voici sans doute une
différence importante entre nationalisme et patriotisme. Le nationalisme dresse les
peuples les uns contre les autres, estimant qu’une population est supérieure à une
autre. Le patriotisme, par contre, est une question de souveraineté de tous les
citoyens vivant dans un même endroit, dans le respect de leur dignité en tant
qu’être humain et en tant que population.

D’ailleurs, Fidel Castro a sans cesse observer un strict code éthique envers ses
ennemis. Pendant la dictature d’avant 1959, 20.000 Cubains ont été massacrés par
l’armée et la police de Batista. Les bourreaux de guerre furent jugés selon les
principes de Nuremberg mais on ne s’attaqua pas à leurs familles, au contraire. Au
début de la première année scolaire suivant la victoire, Fidel s’adressa aux
professeurs en leur recommandant expressément de considérer les enfants de criminels
de guerre comme les autres enfants, voire de les traiter avec amour : "Nos écoles
accueillent tous les enfants. Peu importe qu’ils soient des enfants de soldats
d’antan, peu importe même qu’il s’agisse d’enfants de criminels ou d’assassins, cela
n’est pas la faute des enfants. Vous devez savoir que les enfants sont innocents et
que, à l’école, chaque enfant - même celui d’un soldat d’antan - doit être traité
comme un frère. S’il a la malchance d’être l’enfant d’un criminel, il n’est pas
responsable, il est lui aussi une victime. Vous devez lui expliquer l’humanité de la
révolution et essayer de le rallier avec de l’amour, et non avec du mépris".

Comparez leur sort avec celui des membres des familles de collaborateurs dans la
plupart des pays de l’Europe occidentale après la deuxième guerre mondiale. (2)

Notes

(1) Le texte de Fidel : http://www.cubainfo.ain.cu/2011/0110-reflexion.htm

(2) Toutes les citations sont tirées de Demuynck K. & Vandepitte M., De Factor
Fidel, Antwerpen 2008. Voir : http://cubanismo.net/cms/nl/shop/boek-de-factor-fidel.

Messages

  • A ce sujet (et d’autres !), qu’attendez-vous pour lire l’extraordianire bouquin de Maurice Lemoine : Cinq Cubains à Miami ???

  • Guantanamo est située dans la baie du même nom au sud est de Cuba et est louée 4085 dollars /an au gouvernement américain , cela depuis 1903 .
    Cette ’’ location ’’ permet aux USA d’y incarcérer et d’y torturer à loisir ses prisonniers politiques , notamment irakiens ...
    La fin de cet accord ne peut intervenir que si les deux parties en sont d’accord .

    ( Wiki ) .

    Par conséquent , comment depuis 1959 , autant Castro que Guévara ( lui n’a sans doute pas eu le temps ) n’ont-ils pas oeuvré davantage pour faire cesser ce scandale ? Et pourquoi en somme ?

    C’est juste une question sans polémique , pour info , si quelqu’un est au courant , sans plus .

    J’ai lu une histoire du ’’ Che ’’ en deux volumes , publiée chez Metaillier , de Paco Ignacio Taïbo II , ( très bons bouquins ) , et je n’ai pas vu de référence à cela .

    • Ce que je peux dire c’est que Castro a toujours refusé d’encaisser les sommes versées par le gouvernement américain.

    • La raison du maintien de cette enclave yankee à Cuba est simple : la Révolution en a hérité en 1959. La base navale de Guantánamo date de 1902, après que Washington, qui occupait militairement l’île depuis 1898, eut imposé l’amendement Platt comme annexe de la Constitution cubaine aux constituants, lequel impliquait, entre autres, que le nouveau gouvernement cubain instauré le 10 mai 1892, lui cédât quatre bases navales « charbonnières ». Finalement, les Cubains obtinrent de réduire cette quantité à une seule, qui fut celle de Guantánamo dans une des plus grandes baies du pays. Je rappelle que l’acceptation de l’amendement Platt par l’Assemblée constituante était une condition sine qua non pour que les troupes d’occupation étasuniennes abandonnent le pays. Sans amendement Platt inscrit dans la Constitution cubaine, pas d’indépendance.

      La Révolution a donc hérité de cet état de choses. Comme toujours dans les contrats avec requin et sardine, les conditions étaient léonines : aucun délai n’était prévu au départ de Washington et à la rétrocession du territoire au gouvernement cubain. La concession était illimitée. En bon droit international, il est une clause (rebus sic stantibus) en vertu de laquelle les traités sans terme défini contiennent une condition tacite : ils durent tant que durent les circonstances ayant existé au moment de leur signature et que leur changement n’a pas été prévu ; il est contraire à la raison et à la nature que les traités soient perpétuels. Cette clause invalide donc le traité, puisque les circonstances au moment de la signature en 1902 existant entre les deux pays ont radicalement changé à partir du 1er janvier 1959.

      En fait, la location de la baie de Guantánamo est nulle et non avenue du simple fait de la manière dont le contrat a été imposé. De nombreuses autres clauses du droit international invalide ce contrat.

      Mais pour résilier un contrat, il faut être deux. Washington s’y refuse, s’estimant dans son bon droit...

      Alors, pour répondre à votre question, que doit faire la Révolution : entrer en guerre contre les USA pour récupérer ce territoire ? Elle a précisément refusé de tomber dans ce piège qui aurait offert un prétexte idéal à Washington, d’autant que celui-ci a utilisé la base dans les premières années comme centre d’agression (plusieurs morts du côté cubain), d’accueil de mercenaires, etc., et avait même préparé une auto-agression (simulacre d’attaque par la partie cubaine) qui aurait servi de prétexte pour déclarer la guerre à Cuba. Bien entendu, la Révolution avait bien d’autres chats à fouetter pour ouvrir un front militaire de ce genre sur son propre territoire.

      Elle d’ailleurs présenté le cas à l’ONU dès le 6 décembre 1960, son ministre des Relatons extérieures, Raúl Roa, ayant précisé : « Le Gouvernement révolutionnaire de Cuba réitère devant les Nations Unies qu’il ne se propose pas de récupérer par la force la portion du territoire national qu’occupe la Base navale de Guantánamo, mais il réitère aussi, tout aussi solennellement, qu’il se propose de réclamer sa rétrocession quand il l’estimera pertinent dans le cadre du droit international », ce projet ayant été introduit dans la fameuse résolution du 14 décembre 1960 sur la fin du colonialisme.

      Il est vrai que Cuba, par exemple, n’a pas soumis son différend à la Cour international de justice de La Haye. Un arrêté de celle-ci suffirait-elle à faire partir les USA ? Je vous laisse juge. Le Nicaragua attend toujours que Washington, non seulement fasse amende honorable, mais encore lui verse les indemnités que lui avait imposée cette même cour après le minage de ses ports, durant la guerre antisandiniste, à l’époque de Reagan !

      L’ONU ne réclame-t-elle pas depuis 1992, à sa quasi-unanimité, « la levée du blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba par les États-Unis d’Amérique », sans que rien ne change ?

      Dites-moi, que doit faire la Révolution cubaine face à un gouvernement qui a toujours considéré le droit international, quand il lui fait tort, comme un morceau de papier ?

      En octobre 1962, au moment de la crise des Fusées, la rétrocession de la base de Guantánamo faisait partie des cinq points avancés par Cuba pour accepter le retrait des missiles soviétiques. L’on sait que l’URSS s’arrangea avec les USA sur le dos de Cuba… Si l’URSS avait agi correctement, on ne parlerait plus aujourd’hui de base de Guantánamo étasunienne à Cuba.

      Il y aurait assurément bien d’autres choses à dire à ce sujet, mais c’est juste pour vous donner un petit aperçu.