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VENTS ET ORAGES

Publie le mercredi 8 décembre 2004 par Open-Publishing
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Le coq borgne du partie républicain

Les progrès techniques et industriels ont perfectionné jusqu’à l’indicible les instruments de barbarie et de destruction.

Par William Ospina*

LE SECRET QUE N’ONT PU APPRENDRE ceux qui disent combattre contre le terrorisme est que, dans cette lutte, il ne s’agit pas de contrôler la capacité à faire du mal mais la volonté de faire du mal. Tout être humain possédé par le ressentiment ou par le dépit, en proie à une haine démesurée, peut précipiter des faits de conséquences atroces qu’aucun organisme policier ne pourrait prévoir et aucune armée ne pourrait empêcher.

C’est pourquoi la guerre contre la terreur, pour être véritable, ne peut pas être une guerre de revanche : elle se doit d’être une lutte préventive, et ceux qui pensent que cette prévention peut-être violente se trompe.

En réalité l’ampleur des destructions que peut produire le type de violence des terroristes ne dépend pas tant de l’arsenal dont ils disposent mais est équivalente à l’ampleur de la haine qu’elle exprime.

La haine d’un amant dépité est généralement grande, mais elle est limitée à l’objet de ses passions : le reste de l’humanité lui sera indifférent. La capacité de destruction d’une personne mentalement perturbé atteint a peine l’horizon de ses fantasmes intérieurs et n’est généralement ni indiscriminée ni illimitée. Mais la haine qu’engendrent les religions irrespectées, les patries offensées, les cultures profanées, est généralement plus vaste dans ses conséquences, par ce qu’elle ne voit pas l’ennemi dans un individu ou dans un groupe mais dans d’autres religions, dans d’autres patries ou dans d’autres cultures.

Paul Virilio a soutenu que toute invention va de pair avec son accident. Avec le bateau naît le naufrage, avec l’automobile le choc, avec l’avion l’accident aérien. Il n’est pas difficile d’en déduire qu’avec l’essor de la dénomée globalisation apparaîtrait aussi dans le monde la possibilité de l’accident global. Celui-ci peut dépasser les limites purement techniques : il peut être plus qu’un simple effondrement global des réseaux informatiques ou une dissimulation trompeuse des faits historiques. À l’extrême, les colonialismes et les deux guerres mondiales du XXe siècle ont aussi été des phénomènes malheureux de la globalisation, vastes désaccords de cultures.

D’AUTRE PART, il est clair que c’est précisément le progrès de la technique et de l’industrie qui ont perfectionné jusqu’à l’indicible les instruments de barbarie et de destruction. Tout être humain, y compris les enfants, a aujourd’hui une capacité de destruction bien plus importante qu’il y a une décennie. Jamais autant d’enfants ont participé aux guerres à travers le monde, et il est possible que grâce à leurs légèretés, leurs intelligences et leurs ignorances de la mort, les enfants soient des guerriers bien plus terribles que beaucoup d’adultes.

Confinée dans de vastes colonies urbaines de millions d’habitants, l’humanité n’a jamais été si vulnérable : une seule bactérie, un seul virus incontrôlable pourraient exterminer des foules en quelque de jours. Les réservoirs d’eau, les dépôts d’énergie, les stocks alimentaire d’une humanité chaque fois plus séparée de ses sources de subsistance, chaque fois plus dépendante de réseaux de services et systèmes de distribution, sont des points inévitablement fragiles et la seule chose qui peut réellement garantir notre survie est la confiance ; la possibilité de continuer à se confier aux autres êtres humains, ne pas craindre que derrière la porte d’à-côté se cache Jack l’eventreur, Vlad l’empaleur ou l’unibomber.

... AVEC L’ESSOR DE LA GLOBALISATION APPARAÎTRAIT AUSSI DANS LE MONDE LA POSSIBILITÉ DE L’ACCIDENT GLOBAL...

Mais les nations négligent la justice et l’éducation, seules armes préventives contre le ressentiment social, et préfèrent investir des ressources considérable dans ce que le président George Bush appelle "la guerre préventive", ce qui n’a qu’un résultat la multiplication du ressentiment à des niveaux vertigineux. La même attitude est adoptée au niveau planétaire que dans les colonies urbaines de nos pays, maintenir des niches de splendeur où les privilégiés ont accès à tous les bienfaits de la modernité, entourés par des lieues et des lieues de misère et de malheur.

L’ÉQUIVALENT DE CES ÎLOTS DE LUXE de nos villes injustes, sont les nations riches qui continuent à concevoir leur stratégie d’enrichissement, totalement aveugle à la clameur des exclus et des laissés pour compte. Et pour notre étonnement, ce ne sont pas les pauvres qui les premiers se lance à l’assaut des riches, comme laisse présager les inégalités, mais nous vivons l’époque où les bien nourris, opulents et propres, se mette à donner une leçon de force aux affamés, aux sales et aux pauvres. Et, bien que les résultats contrarient leurs intentions, ils continuent à se dire à eux-mêmes qu’ils sont en train de "faire bien le travail".

PENDANT QUE LE COQ BORGNE du partie républicain chante dans l’enclos son triomphe sur l’Afghanistan, les journaux nous informent que durant les deux dernières années, années d’occupation nord-américaine, l’Afghanistan est devenu le premier producteur d’héroïne au monde. Tandis que le coq borgne chante son triomphe impitoyable sur Falloujah, cet enfer d’annihilation maison après maison avec des dizaines et des dizaines de victimes, un enfer que même Sadam Hussein aurait été incapable de concevoir, tous nous savons que la haine pour l’envahisseur croît en Iraq et dans le monde Islamique ; que cette haine semée bombe après bombe dans les cœurs, dans cette terre où l’humanité antique a rêvé le Paradis, ne cessera de germer et de disperser par le vent de nouvelles semences de destruction.

Le premier effet de la réélection de George W Bush a été de balayer les modérés du cabinet du président. Colin Powell, pétrifier devant l’enivrement de la guerre, a laissé son poste à un faucon beaucoup plus combatif : la dame d’acier Condoleezza Rice. Ainsi, Cheney, Rumsfeld, Bush et Rice continuent, chaque fois avec davantage d’énergie et les mains pleines, en ensemençant les vents qui feront que le monde entier recevra bientôt, pour le malheur de tous, sa récolte d’orages.

... LA SEULE CHOSE CE QUI PEUT REELEMENT GARANTIR NOTRE SURVIE EST LA CONFIANCE ENVERS LES AUTRES...



* Traduit par Charles Van der Elst de Bellaciao - Décembre 2004
charles@bellaciao.org

Texte original sur Bellaciao ES


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