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Immigration clandestine : L’Europe doit changer de politique

Publie le mardi 15 février 2011 par Open-Publishing
4 commentaires

En Italie, l’état d’urgence humanitaire a été décrété suite à un flux massif d’immigrants clandestins venus de Tunisie.

Ce qui relance la problématique du rôle de l’UE vis-à-vis de ses voisins du Sud, dans un contexte de mutations politiques qui interpelle une nouvelle approche de l’immigration.

Conséquence de la révolte populaire en Tunisie et des troubles sécuritaires qui l’ont accompagnée, près de 4 000 immigrants clandestins ont débarqué au cours de ces quatre derniers jours sur la petite île de Lampedusa, au sud de la Sicile. Pour faire face à cette situation, l’Italie a proclamé « l’état d’urgence humanitaire ». Le phénomène a certes commencé avant la chute de Ben Ali, mais il semble se poursuivre à présent.

« L’exode enregistré ces jours-ci vers Lampedusa est de dimension biblique, un chiffre jamais enregistré auparavant », n’a pas hésité à dire le maire de la petite île, Bernardino De Rubeis, cité par des agences de presse. On parle également de plusieurs dizaine d’autres embarcations qui auraient été repérées au large de l’Italie.

Selon le communiqué publié par le gouvernement italien, « la décision de l’état d’urgence humanitaire permettra l’adoption immédiate de la part de la Protection civile des mesures nécessaires pour contrôler ce phénomène et prêter assistance aux citoyens en fuite des pays d’Afrique du Nord ». Officiellement, elle permet notamment d’éviter certaines formalités légales et autorise des responsables locaux, comme les préfets, par exemple, à prendre des mesures opérationnelles immédiates. De son côté, la Protection civile a mis sur pied une cellule de crise destinée à s’occuper spécifiquement de ce problème.

Par ailleurs, les autorités italiennes ont mis en place un pont aérien et utilisé également des ferries pour tenter de désengorger la petite île de Lampedusa, submergée par les clandestins. Les candidats à l’immigration ont ainsi été transportés vers des centres d’identification et d’expulsion en Sicile ou dans le sud de la péninsule. De leur côté, les ministres de l’Intérieur, Roberto Maroni, et des Affaires étrangères, Franco Frattini, ont réclamé dans un communiqué commun « la convocation urgente d’une réunion au niveau politique du Conseil de justice et des affaires intérieures de l’UE ». « L’Italie demande le déploiement immédiat d’une mission Frontex de patrouille au large des côtes de Tunisie pour le contrôle des flux ».

Or, il est bien connu que le dispositif Frontex est fortement critiqué par la société civile européenne. A ce dernier, l’on reproche son ouverture à l’intervention d’agences privées de la sécurité, ce qui lui donne aussi des côtés paramilitaires. Le sociologue polémiste Jean Ziegler avait, il y a quelques temps, consacré lui aussi de nombreuses critiques dans son livre « L’Empire de la honte ».

Il reste qu’une fois de plus l’on devrait assister à l’intervention de solutions purement sécuritaires de la part de l’Union européenne, bien que ces méthodes se soient avérées partielles et de peu d’efficacité. Et cela est d’autant plus vrai dans le contexte actuel qui voit de profondes mutations politiques dans le monde arabe, dont le point de départ a été la Tunisie, puis l’Egypte, en attendant ce qui va intervenir dans les autres pays de la région suivant des scénarios divergents.

Les pays européens, parce que situés en première ligne par rapport à la situation dans la rive Sud de la Méditerranée, devraient être les premiers à soutenir ces changements démocratiques, autant par un soutien politique sans ambiguïté que par une contribution renouvelée à l’effort de développement. Cela est d’autant vrai pour le cas de la Tunisie, pays sans grandes ressources naturelles et où le tourisme joue un rôle important, à l’heure où les troubles dans le pays, qu’on souhaite rapidement se tasser, pourrait nuire à cette première source de revenus pour le pays.

Si l’Europe considère que l’immigration clandestine demeure un de ses problèmes majeurs, autant pour ses conséquences économiques et sociales que politiques, car alimentant le discours raciste de l’extrême droite, elle doit tenir compte des changements en cours et renouveler sa politique en la matière.

Une politique contradictoire qui prônait le développement, mais qui s’interdisait de faire les efforts budgétaires nécessaires sous le motif du niveau de la corruption qui existe dans les Etats du Sud. Et, en même temps, l’Europe ne cessait de s’aligner sur la vision de Washington selon laquelle les régimes en place sont les seuls sur qui compter en tant que remparts contre la montée de l’islamisme.

Or, islamiste et immigration clandestine ne peuvent être combattus que par le soutien à l’avènement de régimes démocratiques qui œuvrent au bien-être de leurs sociétés, puisque c’est par la réduction de la pauvreté et des inégalités que se réduisent les motivations de l’immigration clandestine et les germes du discours islamiste qui trouve dans le désespoir de la population les leviers de la mobilisation contre les régimes dont il lui est facile de pointer le niveau de corruption.

Au vrai, ce n’est que dans des systèmes démocratiques qui garantissent les droits collectifs et les libertés individuelles que l’on peut espérer voir l’islamisme refluer idéologiquement et, donc, politiquement. Quant à soutenir des guerres comme celles menées par les Etats-Unis en Irak ou le soutien à des dictateurs, tout cela n’a contribué qu’à susciter encore plus d’hostilité à l’Occident et à toutes ses valeurs, à faire le lit, en quelque sorte, des mouvements extrémistes de toutes sortes.

Pour revenir à ce qui se passe en Italie, il faut savoir que le nombre d’immigrants ayant débarqué sur les îles que compte ce pays aurait pu être nettement plus important si les autorités tunisiennes, fidèles à leurs engagements internationaux, n’avaient empêché, comme l’atteste un communiqué du ministère des AE tunisien, plusieurs autres embarcations à bord desquelles se trouvaient des Tunisiens, mais aussi d’autres Africains des pays du Sahel, de quitter les côtes de la Tunisie.

En la matière, il est plus que temps que l’Europe respecte les grands efforts que font les Etats maghrébins grâce auxquels le Vieux Continent arrive à amortir l’une des plus grandes vagues d’immigration qu’a connues l’Histoire. Il est temps aussi que l’Europe, plutôt que d’insister sur des accords de libre-échange de courte vue, des politiques de voisinages aumônières ou sur des approches purement sécuritaires, se tournent vers un véritable investissement politique et économique dans les mutations démocratiques qui ont lieu en ce moment même en Afrique du Nord.

Par Nabil Benali

Source : Les Débats, 15/02/2011

Messages

  • On peut poser d’autres questions aussi, ou proposer d’autres choses.

     Est-ce que les Italiens accepteraient l’aide de policiers tunisiens à Lampedusa pour les aider à identifier les migrants, et éventuellement récupérer ceux qui se sont évadés de prison ou ceux qui ont des crimes de sang à se reprocher. Les policiers tunisiens à Lampedusa seraient plus utiles que les policiers italiens en tunisie.

     Comme Lampedusa est plus près de la Tunisie que de l’Italie, les italiens pourraient céder Lampedusa à la Tunisie, pour qu’elle ne fasse plus partie de l’Union Européenne, tout en gardant un statut spécial pour ses habitants (un peu comme Hong-Kong). Cela permettrait à Lampedusa d’être en contact avec les régions avoisinantes, elle pourrait même devenir une zone commerciale importante. Le fait qu’elle ne fasse plus partie de l’Union Européenne résoudrait le problème de l’immigration clandestine.

     L’Europe pourrait être généreuse, et comme elle a accepté de nombreux russes à la révolution russe, accepter ceux qui fuient une révolution sans faire un poids deux mesures.

    Voila trois propositons concrètes

    • "...des policiers tunisiens en Italie pour pousuivre des criminels..." ... mais c’est la farce sarkoziste que l’on nous ressert une nouvelle fois... Pour ceux qui soutienne les révoltes des peuples face à des hommes et des systèmes injustes... ce baratin ne nous convient pas... Nous connaissons trop bien cet amalgame sécurité/rigueur : c’est le programme Sarko/DSK qui écrase tant de peuples. Alors assez !! D’ailleurs, les analyses et reportages pertinentes et nombreuses sur Bella Ciao et autres sites de ces dernières semaines nous ont bien éclairés... Et ce n’est pas fini !...l’Armée égyptienne en effet s’apprête à interdire les réunions syndicales et professionnelles, ce qui est une drôle de manière d’aider le peuple !

    • j’ai proposé des policiers tunisiens en italie pour montrer le ridicule des policiers italiens en tunisie et non pour des raisons de répression.

      quant à votre discours obscurs sur sarko/dsk, il ne concerne que les franco-français, et ne regarde ni les tunisiens ni les italiens.

  • Immigration clandestine ...
    le titre n’est pas approprié. Il ne s’agit ici de "clandestins", tout se fait au grand jour ? Au grand jour la "vente de billet" en Tunisie (+/- 1 000 €), au grand jour le débarquement aux quais de Lampeluza, au grand jour le départ de Lampeluza vers le continent ...

    De quoi s’agit il : d’une tentative de "passage en masse" comme souvent, et plus souvent encore lorsqu’une faiblesse (ici une certaine "désorganisation" en Tunisie) se produit. Nous pouvons être solidaire et actif pour la régularisation et ne pas apprécier les vendeurs de chimères (au prix fort).