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Egypte : 50 000 enfants des rues maltraités par le régime de Moubarak

Publie le jeudi 17 février 2011 par Open-Publishing

par Robert Fisk - The Independent

Les flics ont tiré une balle dans le dos de Mariam, âgée de 16 ans, le 28 janvier depuis le toit du poste de police de Saida Zeinab dans les bidonvilles de la vieille ville du Caire, au moment du maximum de violence exercée par le gouvernement qui tentait de réprimer la révolution. C’était un terrible exemple de la façon dont les forces de Moubarak traitaient les enfants des rues en Egypte.

Elle s’était rendue au poste de police avec une centaine de garçons et de filles également mendiants, pour exiger la libération de son ami, Ismail Yassin, âgé de 16 ans comme elle, qui avait auparavant été traîné à l’intérieur de la station. Certains des enfants qui étaient à l’extérieur avaient à peine neuf ans. C’est peut-être c’est pour cela que le premier policier sur le toit a tiré des balles d’avertissement en l’air.

Puis il a tiré sur Mariam. Elle prenait des photos de la police sur son téléphone mobile, mais elle est tombé au sol avec une balle dans le dos. Les autres enfants l’ont transportée à l’hôpital Mounira à proximité - où le personnel aurait refusé de l’admettre - et ensuite à l’hôpital Ahmed Maher où la balle a été retirée. Ismail a été libéré et s’est dirigé vers la place Tahrir, où les manifestants pro-démocratie ont été attaqués par des hommes armés. Il a erré jusqu’à la rue Khairat - accoutumé à la violence comme tous les sans-abri du Caire - où des inconnus [les flics du poste où il avait été retenu auparavant ? N.d.T] lui ont tiré une balle dans la tête et l’ont tué.

Ils sont partout dans la capitale, les 50 000 enfants des rues du Caire, la honte de Moubarak, un héritage inavoué, des rejetés parmi les pauvres, des sans défense, des orphelins et des exclus, des renifleurs de colle, beaucoup d’entre eux toxicomanes dès l’âge de cinq ans, les filles étant souvent arrêtées et - selon les enfants et les travailleurs des associations d’aide - agressées sexuellement par la police.

Les statistiques gouvernementales égyptiennes affirment que seuls 5000 enfants mendiants vivent dans les rues, un chiffre que les organisations non-gouvernementales et les agences occidentales considèrent comme un autre mensonge de Moubarak pour couvrir un scandale 10 fois pire.

Les enfants interrogés par The Independent ce dimanche, ont également révélé de quelle manière les partisans de Moubarak amenaient volontairement des enfants à la périphérie de la place Tahrir pour jeter des pierres sur les militants pro-démocratie, la façon dont ils ont persuadé des enfants sans un sou de la rue à participer à leurs marches pro-Moubarak. Des essaims d’autres enfants ont fait irruption sur la place elle-même, car ils avaient découvert que les manifestants étaient bons pour eux, les nourrissant avec des sandwiches et leur donnant des cigarettes et de l’argent.

Selon une organisation caritative égyptienne, environ 12 000 enfants des rues ont participé aux manifestations de rue des trois dernières semaines.

« Ils ont dit que c’était leur devoir - un acte patriotique national - de jeter des pierres sur les manifestants, de faire des actions violentes », a déclaré un médecin égyptien de Saïda Zeinab. Selon la même femme, de nombreux enfants ont été touchés par des balles en caoutchouc de la police quand ils se sont retrouvés du côté des manifestants pro-démocratie. Au moins 12 d’entre eux dans ce seul district ont été emmenés à l’hôpital avec des blessures causées par des armes de la police.

Ahmed - il n’est pas sûr d’avoir 18 ou 19 ans, mais il est probablement beaucoup plus jeune - a vu Mariam se faire abattre. Vêtus d’un T-shirt orange, de jeans délavés, de sandales en plastique et d’une casquette de baseball bleu, il était timide et effrayé, même si la station de police de Saida Zeinab a été incendiée par une foule en colère plus tard dans la même nuit du 28 Janvier - après que les flics se soient enfuis.

« C’était juste avant la prière du vendredi et nous avons entendu la police frapper les gens dans la rue », dit-il. « Je suis sorti et j’ai vu beaucoup de gens jetant des pierres - j’ai donc commencé à jeter des pierres sur la police. »

« Tout le monde était en train de jeter des pierres, ma famille, chaque famille, car tout le monde détestait la police. »

« Mariam était en train de prendre des photos sur son portable et la police était sur le toit. Elle tournait le dos au poste de police, mais ils lui ont malgré tout tiré dessus. Des gens l’a emmenée à l’hôpital et elle sortit avec des bandages, mais elle a dit que la plaie lui faisait encore mal et elle croyait que quelqu’un avait volé un de ses reins. Je l’ai vue dans la rue après, dans le quartier d’Abou Riche. Maintenant, je ne sais pas où elle est. »

Des centes d’accueil pour enfants - fonctionnant avec des donations britanniques et d’autres pays européens - ont essayé de retrouver Mariam, mais en vain.

Ahmed était dans la rue quand Khairat Ismail Yassin a été abattu. « J’ai été battu et touché par une ’cartouche’ d’un pistolet paralysant de la police. Beaucoup de jeunes sont passés dans les rues pour voler, dans les maisons ou n’importe où. Ils ont frappé les gens dans les maisons et ont pris ce qu’ils voulaient. »

Ahmed nettoie les vitres des voitures pour de l’argent - aux feux de circulation, dans les embouteillages et aux intersections de routes bloquées - et passe la nuit dans la rue, restant éveillé par crainte des agressions des voleurs puis prenant quelques heures de sommeil après le lever du soleil. Les parents d’Ahmed, comme ceux de nombreux autres enfants des rues, sont vivants, mais il s’est brouillé avec eux il y a longtemps et il refuse de rentrer à la maison.

Mohamed n’a que neuf ans et il a un souvenir confus de la révolution qui a renversé Moubarak. Lui et un autre enfant ont été agressés par trois hommes qui les ont jetés dans un égout - apparemment dans une tentative de leur prendre leur argent. Puis, avec ses frères, il est allé regarder les manifestations dans le quartier Gayar du Caire.

« J’ai commencé à jeter des pierres sur les gens qui disaient ’non’ à Hosni Moubarak. Je suis allé moi-même avec des gens qui ont dit qu’ils voulaient Moubarak. »

« Ils m’ont dit de jeter des pierres. Les gens étaient plus âgés que moi. » Mohamed est originaire de Guena en Haute-Egypte, d’une famille de trois sœurs et trois frères.

« Je suis revenu rester avec un ami qui dormait dans un jardin, » dit-il. « Puis un autre ami a commencé à vivre dans Tahrir et m’a dit de venir là-bas. Je suis donc allé avec Karim et Ali et Mohamed et nous avons trouvé de la nourriture là-bas et nous nous sommes assis avec les gens. J’ai aimé y aller. Parfois je mendiais. Et les soldats me disaient toujours ’bonjour’, et ils m’ont donné quelques fois à manger. »

Ces enfants - souvent beaucoup plus jeunes qu’ils ne le disent - évitent parfois les questions sur le comportement de la police. Ils ont de toute évidence encore peur. Des employés d’hôtel m’ont parlé des policiers forçant des filles vivant dans les rues à coucher avec eux, volant même l’argent de ces filles. Plusieurs enfants ont dit que la plupart de leurs amis étaient accrochés à la drogue. Un jeune homme était clairement dépendant et parlait souvent de façon incohérente de violences policières, de couteaux, d’avoir été battu à plusieurs reprises dans la station de police de Saida Zeinab par deux flics dont les noms et prénoms ont été donnés à The Independent ce dimanche.

Beaucoup d’enfants ont été aspirés dans le tourbillon de la révolution, suivant des foules d’enthousiasme avec un sens de l’aventure.

« Les gens ont commencé à marcher dans les manifestations et j’ai commencé à marcher avec eux », a déclaré Goma. Il est pieds nus et en pantalon sale, et prétend avoir 16 ans. Il est originaire de la ville oasis de Fayoum et a admis qu’il ne savait pas d’abord qui les gens soutenaient.

« Puis ils ont commencé à dire qu’ils aimaient Moubarak et ils ont marché vers Tahrir », dit-il. « Mais quand nous sommes entrés dans Tahrir, d’autres personnes sont venues et ont jeté des pierres sur nous. Je jetais juste des pierres avec ceux qui soutenaient Moubarak. Ils m’ont dit que je devrais aimer Moubarak parce que s’il s’en allait, d’autres personnes viendraient d’autres pays et deviendraient présidents de l’Egypte J’ai été frappé par une pierre dans mon dos, cela me fait toujours mal. L’ennemi m’a jeté une pierre - ’sans doute des manifestants pro-démocratie’. Alors je suis parti parce que je ne voulais pas une pierre dans mon visage ou mon oeil. »

Les enfants de la rue se déplacent au Caire en groupes, faisant des tournées pour obtenir des repas gratuits quand les centres d’accueil ouvrent leurs portes, adoptant des petits chiens et essayant, comme des enfants bien éduqués, d’apprendre à utiliser les ordinateurs donnés par les associations caritatives étrangères.

Mais aucun de ceux que j’ai rencontrés ne savait lire - la plupart ne savent pas comment écrire leur nom en arabe. Certains étaient de toute évidence orphelins ou semi-abandonnés par leurs parents, mais il y avait un grand nombre de récits de parents forçant leurs fils et leurs filles à travailler dans les rues pour de l’argent afin d’acheter de la drogue.

Les malades sont le plus souvent négligés. Les morts n’ont pas d’importance. Le corps d’Ismail Yassin, maintenant un martyr de la révolution égyptienne, reste dans une morgue de l’hôpital. Non réclamé.

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13 février 2011 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :

http://www.independent.co.uk/opinio...

Traduction : Abd al-Rahim

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10173