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Juliano Mer-Khamis est mort

Publie le mardi 5 avril 2011 par Open-Publishing
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Les artistes palestiniens tiennent un sit-in contre le meurtre de Juliano Mer-Khamis devant le cinéma Casabah à Ramallah le 4 avril 2011 : "le meurtre l’artiste palestinien Juliano Mer-Khamis est un crime contre la liberté de la Palestine."

Le metteur en scène Juliano Mer-Khamis assassiné à Jénine
lundi, 4 avril 2011

Nous apprenons l’assassinat d’un militant et artiste admirable, Juliano Mer-Khamis, de père palestinien et de mère israélienne, avait fait le choix de s’installer à jénine et d’y ouvrir le Théâtre de la Liberté, pour suivre l’exemple de sa mère Arna qui avait consacré les dernières années de sa vie aux enfants du camp de réfugiés de Jénine. A qui profite ce crime ? Ci-dessous l’hommage qui lui est rendu sur le blog du monde et une très belle lettre qu’il avait adressée à son ami Azmi Bishara.

"Il s’appelait Juliano Mer-Khamis et nourrissait un dessein déraisonnable et inconvenant : rapprocher les peuples israélien et palestinien. Son projet n’avait rien de la mièvrerie des rencontres sportives organisées à des centaines de kilomètres du théâtre des opérations. C’est au contraire dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, ancien “bastion du terrorisme” selon la terminologie israélienne du début de la deuxième intifada, que cet Israélien volontiers provocateur avait décidé de porter le fer de convictions héritées d’un couple de parents communistes eux-mêmes sangs mêlés (Arna Mer et Saliba Khamis).

Contre vents et marées, il y avait défendu le théâtre ouvert en 1989, en pleine première intifada, par sa mère et rasé au cours de la seconde après l’assaut donné en avril 2002 au lieu où s’étaient retranchés des miliciens palestiniens. Selon l’AFP, ce militant a été assassiné lundi 4 avril dans ce même camp de Jénine par un groupe d’hommes armés.

Acteur et réalisateur, Juliano Mer-Khamis avait consacrée à l’oeuvre de sa mère emporté en 1995 par un cancer, un documentaire extraordinaire : Les enfants d’Arna (voir un extrait ci-dessous). Sans nul doute le meilleur film pour comprendre la seconde intifada.

Source : http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2011/04/04/un-symbole-israelo-palestinien-assassine-a-jenine/

Lettre de Juliano Mer Khamis à Azmi Bishara, poursuivi par la "justice" israélienne.

"Azmi, mon frère

Tu as eu le bon sens de voir ce qui se préparait - les forces de sécurité avec le système judiciaire d’Israël ont décidé de prendre des mesures contre ce qu’ils appellent la « menace stratégique » des Palestiniens citoyens d’Israël, et de se débarrasser de leurs dirigeants. Ils veulent que nous revenions aux jours de la loi martiale - à la peur, aux permis, aux noires cellules des forces de sécurité, à l’époque où seuls les collaborateurs pouvaient réclamer au moins quelques-uns de leurs droits.

A l’intérieur des frontières de 1967, Israël n’employait pas encore les méthodes qu’il utilise actuellement dans les territoires occupés. Il n’exécutait pas les gens sans procès, ne tolérait pas les arrestations massives, ne causait pas la famine ni ne détruisait les infrastructures. Aujourd’hui, en tant que « seule démocratie du Moyen-Orient », Israël prétend fonctionner par des moyens justes et légaux.

Mais « la loi » est faite par les forces de sécurité et la police, les conseillers judiciaires du gouvernement et le système judiciaire sont ses employés à plein-temps. Ta condamnation était décidée bien avant que ne soient prononcées les accusations contre toi et tu n’as aucun moyen de prouver ton innocence devant ces criminels de guerre. Ils parlent un langage différent du nôtre - à leurs yeux celui qui est contre la guerre et aspire à la coexistence pacifique de deux nations est considéré comme un criminel et persécuté. Tu ne peux pas conduire une lutte politique depuis la barre des témoins. Ils ne te permettront pas de déclarer que tu te bats pour les deux nations. Dans les tribunaux de la police d’Etat, ils te mettront une corde autour du cou.

La terrible défaite qu’a infligée la résistance libanaise à l’armée israélienne les rend fous. En face d’une organisation vaincue et cruelle, nous devons agir sagement, avec intelligence. Après tout, il est plus sage pour un combattant de la liberté qui est isolé par une unité militaire de se retirer, ou d’échapper, pour attendre un moment plus favorable pour retourner le feu - et je ne parle pas d’échange de tirs mais du « feu » de la pensée et des écrits.

Azmi, mon frère - ILS ONT PEUR. Les commandants sont terrifiés et leurs soldats ont peur. Je les rencontre souvent dans le camp de réfugiés de Jénine où ils tirent sur les enfants qui jettent un coup d’œil depuis les étages supérieurs ou du coin d’une rue.

Apparemment, tu représentes une « menace stratégique » pour l’ « Etat Juif ». Il semble que ta vision d’un « Etat pour tous ses citoyens » est une menace pour l’existence d’Israël, un pays qui a été créé par la force, qui a imposé à une autre nation contrôle et discrimination. Les idées d’égalité ou de coexistence que représente le parti Balad privent le gouvernement d’Israël des principaux éléments idéologiques qu’il utilise pour justifier son existence - pouvoir, despotisme, ségrégation, racisme, barrières et clôtures.

Azmi, mon frère, tu n’as pas fui !

Tu as utilisé habilement les circonstances et réussi à échapper au peloton d’exécution que préparait pour toi le « système judiciaire ». En combattant aguerri, tu as échappé aux balles des forces de sécurité et tu t’es caché. Que ce soit dans les grottes de Galilée, du Qatar, de Dubaï ou du Caire, peu importe.

Beaucoup te conseilleront vivement de revenir. Beaucoup se réjouiraient de te voir pourrir dans les geôles de la police d’Etat. D’autres te sacrifieraient volontiers - ton courage dissimulant leur impuissance et leur peur. Toutes sortes de calomniateurs vont pousser comme des champignons après la pluie, et proclamer que les dirigeants n’abandonnent pas leurs troupes. Ils diront de toi que tu es un lâche et bien d’autres choses. Ignore tous ces appels au « courage et sacrifice ». N’écoute pas tes opposants politiques qui vont demander qu’on te pende haut et court sur la place de la ville. Continue ta lutte du dehors, comme tant d’autres personnes illustres. Qu’est-ce que l’exil sinon un sacrifice !

Sois sûr que le jour viendra où tu pourras revenir, porté sur les épaules de tes camarades.

Nous avons toujours exalté l’exemple des combattants de la liberté qui ont réussi à échapper aux cachots des forces de sécurité. Nous nous réjouissons lorsque les guérilleros sont libérés de leur prison par leurs camarades. Nous applaudissons à tes victoires qui révèlent la vraie face de ce gouvernement de marionnettes. Tu n’as pas échappé à l’arrestation. Tu as évité d’être exécuté sans jugement - « exécution ciblée » dans le jargon local. Sois béni pour cela !

Bien à toi,

Juliano Mer Khamis

(Traduit par Jean-Claude PONSIN)

CAPJPO - EuroPalestine : http://www.europalestine.com/spip.php?article6048

Juliano Mer Khamis est mort

Juliano est mort. Ma douleur est immense. C ’était un ami, un homme lumineux, un grand artiste et surtout un homme libre de tout préjugé, qui combattait tous les fanatismes et se battait avec un courage tranquille pour la libération de son pays et pour la libération de la femme.

Ceux qui l’ont tué sont méprisables, ils ont éteint le feu de la fraternité et de l’amour. Juifs ou arabes, ils sont dépourvus de toute humanité, ils sont des fascistes, comme celui qui déclarait sortir son révolver quand il entendait parler de culture.

Car c’est bien un crime contre la culture dont il s’agit et sa mort nous confirme dans notre certitude que nous sommes dans la bonne voie quand nous organisons la résistance par la culture.
Je me souviens encore d’un poème des années sombres chez nous :

Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli
Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre.
 
Nous continuons.
 
Bien amicalement,
 
Jean Claude Ponsin,
président des Amis d’Al Rowwad

Assassinat de Juliano Mer Khamis

L’assassinat de Juliano Mer Khamis est une nouvelle tragique pour le peuple palestinien et pour tous les combattants pour une paix juste au Proche-Orient.

Né de père militant palestinien d’Israël et de mère juive israélienne, Juliano Mer Khamis, qui était un acteur connu en Israël, aurait pu développer une carrière lucrative dans ce pays. Mais il a préféré sans hésitation mettre son talent au service des jeunes Palestiniens.

Lors de la première intifada à Jénine, sa mère Arna a animé auprès des jeunes du camp de réfugiés un travail culturel, particulièrement théâtral, qui leur permettait de résister à leur vie quotidienne marquée par les violences, les humiliations et l’oppression imposée par les autorités israéliennes.

Ce travail, Juliano l’a continué en créant en 2006 le Théâtre de Liberté de Jénine après avoir réalisé le film « Les enfants d’Arna », qui raconte le travail de sa mère, sa création d’un premier théâtre, et le destin tragique lors de l’opération Rempart en 2002 de plusieurs jeunes très actifs dans ce premier Théâtre.

J’ai pu constater directement lors de ma première visite au Freedom Theatre en 2007 combien le travail artistique et l’état d’esprit de Juliano auprès des jeunes leur permettaient de libérer leurs angoisses, de s’épanouir, de mieux maîtriser leur vie quotidienne.

Juliano était par son histoire personnelle promoteur d’une réconciliation entre Palestiniens et Israéliens, mais de la seule réconciliation réelle et durable, celle qui passe par la reconnaissance et la réparation des crimes sionistes et par la libération du peuple palestinien.

Il s’attaquait aussi aux divisions parmi le peuple palestinien, militait pour les libertés dans le monde arabe, et ses dernières pièces, notamment l’adaptation de la « Ferme des animaux » de George Orwell, bousculaient les conservatismes.

Il avait déjà été l’objet d’une agression il y a deux ans.
Il a signé le 17 octobre la pétition parue dans « Le Monde » sous le titre « Boycotter Israël c’est lutter pour une paix juste »

Je me souviendrai de lui comme d’un ami chaleureux, gai, qui dégageait un certain charisme, et qui était volontiers provocateur pour mieux exprimer sa volonté de justice et de dénonciation de toute hypocrisie.

Il aimait la vie, il l’aimait « autant qu’il est possible » comme disait Darwich dans l’un de ses poèmes.

Mais maintenant que cela ne lui est plus possible, il nous appartient de continuer, à notre mesure, ses combats et ses idéaux.

Nous exprimons nos plus sincères condoléances à Jenny sa compagne, à ses proches et à toute l’équipe du Théâtre de la Liberté.

Une soirée d’hommage à sa mémoire aura lieu prochainement.

Pour l’UJFP,
Jean-Guy Greilsamer, ancien président des « Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine ».


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via Paz

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