Accueil > LKP, LES BRAISES SOUS LA CENDRE ?

LKP, LES BRAISES SOUS LA CENDRE ?

Publie le mardi 19 avril 2011 par Open-Publishing

LKP, LES BRAISES SOUS LA CENDRE ?

Les deux enseignements des journées de décembre

De l’appel à la grève générale illimitée de la mi-décembre 2010, le premier depuis le mouvement des 44 jours en 2009, on peut tirer deux enseignements :

Le premier est que le LKP, quoiqu’en disent ses dirigeants, ne semble pas en mesure, actuellement, de relancer une mobilisation d’ampleur. Certes, il y avait quelques milliers de personnes le quatorze décembre, mais la mobilisation s’est très vite essoufflée puisque le lendemain la présence des manifestants ne se comptait plus qu’en centaines quand le LKP a décidé de rester devant la sous-préfecture. Cette faible affluence a, de fait, signé l’arrêt du mouvement de grève.

<IMG style="TEXT-ALIGN: center; MARGIN: 0px auto 10px; WIDTH: 400px; DISPLAY: block; HEIGHT: 300px; CURSOR: pointer" id=BLOGGER_PHOTO_ID_5595281562897479410 border=0 alt="" src="http://3.bp.blogspot.com/-C0hczFtl94I/TaZu77bL9vI/AAAAAAAADGs/RjIfFriGBtk/s400/14%2Bdec.jpg">Jean-Marie Nomertin de la CGTG, devant les grilles fermées de la sous-prefecture de Pointe-à-Pitre, le 14 décembre 2010 (photo www.lidejis.org)

Le second enseignement est que paradoxalement, ces deux journées ont fait la démonstration éclatante de l’importance que revêt encore aujourd’hui le Liyannaj Kont Pwofitasyon. En effet, la morgue avec laquelle le préfet, Jean Fabre, a refusé ne serait-ce que de recevoir une délégation du LKP montre bien que sans une réelle pression exercée par la rue, les revendications de la base, si légitimes soient-elles, ne sont pas entendues par le pouvoir. Surtout si elles vont à l’encontre des intérêts économiques des puissants ! Le collectif entendait simplement demander au préfet de convoquer une réunion de suivi des accords du 4 mars, conformément à ce à quoi s’était engagé son prédécesseur. Sa demande n’a pas été{{}}

{{}}

{{}}

<IMG style="MARGIN: 0pt 10px 10px 0pt; WIDTH: 178px; FLOAT: left; HEIGHT: 178px; CURSOR: pointer" id=BLOGGER_PHOTO_ID_5595281413446139970 border=0 alt="" src="http://2.bp.blogspot.com/-LB1kcRXhxG8/TaZuzOrNgEI/AAAAAAAADGk/N33oSDtSj6s/s400/desforge.jpg">rejetée parce qu’elle était injuste ou infondée mais bien parce que l’Etat a estimé que le rapport de force n’était ce jour-là, pas à l’avantage du LKP. A ce propos, on pourrait s’étonner de l’absence de réaction de ceux qui avaient dépensé tellement d’énergie à vilipender les méthodes du LKP en 2009 pour justement faire l’apologie du dialogue social, un dialogue qui se voit aujourd’hui foulé au pied avec cynisme par le plus haut représentant de l’Etat sur l’archipel sans qu’ils s’en émeuvent le moins du monde. Serait-ce cela ce qu’on appelle " l’indignation sélective" ?..

Le préfet Nicolas Desforges, prédecesseur de Jean Fabre, lors de la signature des accords du 4 mars (photo AFP)

{{}}


Dénis tous azimuts

En fait, les tenants du pouvoir ont mis en place, avec succès, une véritable stratégie du déni :
 Déni des problèmes que le LKP a soulevés (et dont la société guadeloupéenne continue pourtant de souffrir), comme le démontre par exemple le discours officiel lorsque le préfet affirme sur un ton péremptoire que l’essentiel a été réglé. La superficialité des débats lors des récentes élections cantonales est à ce sujet, là aussi éloquente.
 Déni, ensuite, de reconnaître le LKP en tant que tel : on fait systématiquement comme s’il n’existait pas. Par exemple, chaque fois que le collectif interpelle le préfet par courrier, ce dernier répond en prenant bien soin de préciser dans l’intitulé qu’il s’adresse au secrétaire général de l’UGTG, et non au porte-parole du Liyannaj.
 Déni médiatique enfin puisque que comme le dénonce Elie Domota, voilà plus de six mois que le LKP ne bénéficie de quasiment plus aucune couverture médiatique, alors même qu’il continue de représenter la totalité des syndicats de travailleurs de l’archipel, certains partis politiques et bon nombre d’associations… Une situation impensable dans tout autre contexte.

Le LKP de son côté, semble ne pas échapper à ce cancer du déni : il a du mal, en ce qui le concerne, à reconnaître publiquement ses difficultés, ce qui joue contre lui. Tout mouvement connaît des hauts et des bas, mais en niant les difficultés rencontrées, il peut donner la sensation de ne plus être en phase avec la réalité. Or l’adéquation entre le discours du LKP et la réalité vécue par les Guadeloupéens a, à n’en pas douter, été l’un des points forts du collectif en 2009 ! Gaspiller ce capital pour privilégier un discours militant censé mobiliser les foules se révèle totalement contreproductif.


Se remettre en cause

La stratégie mise en place par le pouvoir semble pour l’instant porter ses fruits et convaincre le plus grand nombre de laisser faire les « yo », considérant que c’est se mobiliser qui coulerait l’économie de la Guadeloupe et non l’inverse ! On peut en revanche se poser la question de la pertinence de la stratégie adoptée par le LKP et surtout sur son maintien contre vents et marées.

Dernièrement, et sans que les médias ne l’évoquent, ou si peu, le LKP a réalisé toute une série de meetings dans plusieurs communes de Guadeloupe, aussi bien de la Grande-Terre, que de la Basse-Terre. Cette démarche de proximité est positive et a été très bien perçue par les habitants. Cependant, on ne peut que regretter le fait qu’il n’y ait pas d’évolution dans le discours qui demeure trop syndical, au sens où les délégués s’enferment pour l’essentiel dans un discours de dénonciation, en l’occurrence du non-respect des engagements de l’Etat. Pour justifiées qu’elles soient, ces véhémentes dénonciations ne suffisent visiblement pas à créer une dynamique capable de faire aboutir les revendications de 2009, sans même parler d’aller plus loin… Pire, le recul nous aide à comprendre qu’elles auraient plutôt tendance à décourager…

Quant à la nouvelle opération, « déchoukaj a pwofitasyon », qui devrait, nous promet-on, dépasser la mobilisation de 2009 par son ampleur, on a bien du mal à distinguer en quoi elle constitue quelque chose de novateur. Elle laisse une impression de déjà-vu et de flou, tant dans ses objectifs que dans ses modalité d’applications.

Depuis deux ans, sitôt les accords du 4 mars 2009 signés, voire même légèrement avant, l’UGTG a pu donner l’impression à certaines organisations au sein du LKP qu’il ne semblait pas prêt à mettre en œuvre toutes les conditions propices à la poursuite du combat. C’est, avec un certain manque de transparence, une des raisons qui explique les tensions assez fortes qui règnent actuellement au sein du collectif. Or le dernier congrès de l’UGTG, le week-end du 10 avril, qui a vu la réélection sans surprise d’Elie Domota en tant que secrétaire général, a surtout été l’occasion pour l’organisation syndicale indépendantiste de renouer avec un discours très combattif : « nous sommes en campagne, en mission, comme si la guerre était déclarée » a exprimé un Elie Domota très remonté au journaliste de France Antilles qui l’interviewait[1]. La logique de répression syndicale qui s’abat sur ses membres n’est sans doute pas pour rien dans cette radicalisation[2]. « Seule la lutte de classe et de masse an lari-la, an liyannaj évé pep gwadloup, brisera les monopoles et rétablira la juste répartition des richesses » affirme sans ambage la quatrième résolution adoptée lors de ce 13ème congrès.


Changer de stratégie

Il faut maintenant que les actions suivent et que l’UGTG qui a un poids déterminant au sein du collectif, impulse une rupture au niveau des pratiques. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de renoncer aux points de la plateforme de revendications de 2009 mais pour sortir de l’impasse dans laquelle les autorités tiennent actuellement le Liyannaj, impasse dont pâtit la population toute entière, ne serait-il pas urgent d’adopter un changement de stratégie ? Le LKP pourrait par exemple déterminer dans la plateforme une dizaine de points en souffrance, très précis, pour commencer, avec des objectifs facilement identifiables et atteignables, le tout accompagné d’un mode d’action susceptible de mobiliser le plus grand nombre. De la même façon, il faudrait aussi que le LKP prenne acte du fait que les autorités n’ont aucune intention pour l’heure de le reconnaître comme interlocuteur incontournable et encore moins de l’institutionnaliser.

Dans ces conditions, il faut revenir aux fondamentaux du collectif et agir sans attendre l’aide promise par l’Etat ou par qui que ce soit. A cet égard, la création du Bureau d’Etude Ouvrière en dépit de l’absence des financements promis par l’Etat (seules la Région et le Département ont payé leur quota comme il était prévu) constitue une excellente nouvelle[3]. Le LKP doit compter sur ses propres forces, et celles-ci ne se résument bien sûr pas aux quelques dizaines de délégués qui le représentent. Le LKP doit donc faire preuve d’imagination et de volonté politique pour associer la population, autant que faire se peut, dans les actions… et les prises de décisions. Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des initiatives susceptibles d’impliquer la base, de la responsabiliser et qui puissent créer des synergies, une dynamique.

(à suivre, 13 avril 2011)

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

[1]- « L’UGTG entre en campagne », M.A, dans le France-Antilles du lundi 11 avril 2011

[2] « qu’est-ce qui se cache réellement derrière le fichage ADN » Chien Créole, lundi 8 novembre 2010

[3] Ne loupez pas le Grand Forum du Bureau d’Etudes Ouvrières, le samedi 16 avril 2011, à 18h00, au Palais de la Mutualité. Programme sur http://cippa.gp/?p=452