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Au Nom de la Mère : "Speedy Mata"

Publie le lundi 27 décembre 2004 par Open-Publishing
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de Franca Maï, Le cherche midi, sortie : le 5 janvier 2005 dans les librairies.

Elle. Il n’y a qu’elle dans la vie de Mata. Une mère qui remplit l’univers, comme
un soleil qui chauffe, réchauffe toujours plus fort, et ne brûle pas. La mère
dans le désert, un « roc » que rien ne peut casser, un oiseau dans la tempête,
un refuge solitaire où les rêves se mélangent au sable et à la pureté. Une mère
dans un HLM de cité. Seule. Le père s’est tiré. Il y a « elle » et Mata. La mère
et la fille, la fille-mère et la mère-fille. La féminité. L’amour inconditionnel,
l’amour à mort, l’amour au milieu des absences et des tombes alignées.


de Séverine Capeille

Speedy Mata se lit à travers des silences. Ceux qui précèdent les sommeils où les
beautés se révèlent, où les questions s’effacent dans l’inconscient. Il y a le
silence asphyxiant, le silence primaire qui entoure le nom du père, indifférent.
Le silence des symboliques qui s’éparpillent au vent. Le silence sur le nom de
la mère, qui a oublié d’être femme, qui donne, porte et emporte la vie, qui est
la « maman » jusque dans l’infini de l’âme. Et tous les silences de la nuit.
Le silence des cris étouffés, des sommeils éternels...

Le silence des licenciés qui montent au ciel. Le silence de la chute d’un oiseau, celui des pactes d’amour, des gris-gris de l’espoir et celui des plus beaux cadeaux... Le silence des lettres cachées, du fric que l’on donne en taisant les errances pour le trouver... Le silence qui tue, sans trace, entre les dents serrées... Ce roman se comprend dans les silences de la dignité. Ceux que le lecteur doit interpréter, lire avant que la fenêtre ne s’ouvre, avant que la mère ne se jette dans le vide pour un très long sommeil. La mère, ou toute l’humanité. C’est pareil.

Il y a trop de silence. Mata va tuer, signer la distance parmi les désassortis de la société. Elle va mordre, elle va arracher de ses dents les injustices et les vies saccagées, emballées dans les cartons des huissiers, des menteurs et des croques coeurs toujours pressés. Elle va répondre aux seaux jetés, aux larmes salées, aux bruits de pas dans l’escalier. Elle va donner la mort. Il fait si froid quand on lit Speedy Mata. Il y a la sirène des pompiers en fond sonore. Et tout va très vite. Les possibles s’asphyxient au rythme des trains que la lycéenne regarde pour voyager, au rythme de la chute libre d’une femme défenestrée. Une balle touche le lecteur.

L’injustice s’hérisse, la peau est transpercée. Mata tombe dans les hommes. Sa maman s’est suicidée. Le rêve de propreté baigne dans son sang, abandonné. Ils ont menti, ils n’ont pas tenus compte de la fatigue, de la vie sacrifiée dans l’usine. Ils ont fermé. Speedy Mata, c’est la vitesse et la tristesse des promesses piétinées. C’est un « M » écrit sur le papier. Une majuscule avant le souffle coupé : Maman. Avec un point final désespéré. Un « M » formé de deux montagnes fières, inséparables, élevées au-dessus des bassesses de la société. Une lettre écrite au scalpel, dans la fièvre et l’insomnie. Pour ne pas oublier.

Franca Maï parle de l’existence qui se glace au rythme des impayés, de la mort qui se déguise en vacances quand l’espoir a fugué. De la souffrance et de la force, dans la même proportion. Elle observe l’indifférence, la vengeance, l’humiliation... Elle répond à la question qui se dit tout bas : « Comment peut-on en arriver là ? ». Elle y répond et elle montre du doigt. La seule vraie question ne serait pas « Comment », mais bien plutôt « Pourquoi ».

http://sistoeurs.net/ss/article.php3?id_article=87


MATA MORT

de Frédéric Viniale

Un drame brutal à la pleine face livide de l’inhumanité. Un roman sociétal sur la vie crevée des Anges. Une fille de seize ans, qui a le don de l’Ecriture, lutte dans son école surpeuplée de bourges pour la Lutte des Classes. Pour sortir de son milieu il faut aller à l’Extrême, si l’on n’est pas bien né. Il faut prendre le Gauche, et les chemins d’Ouest pour traverser les tempêtes intérieures et renaître à soi-même. Briser la chaîne.

Jeunesse suicidée au pays de la virginité impossible. Un champs de fleurs déjà salies.

Franca Maï fait d’une histoire banale d’adolescente, d’un mauvais scénario d’apprentissage, de la trame d’un téléfilm à l’eau de rose, un attentat poétique saisissant.

Punkette surdouée au corps sculputural convoité, Mata passe une à une les étapes pour échapper à son destin de pondeuse programmée, soumise et sans goût, pour ne pas entrer à l’Usine comme sa génitrice, pour ne pas être dominée comme toutes celles qui sont les esclaves de leur condition.

Trouver la force, pour l’Amour d’un brun ténébreux qui fait papillonner les filles et la beauté du geste, forcément fantasmé. Romantisme macabre, équilibriste précaire.

Sa mère à elle, une Reine qui est aimée à l’infini pluriel laisse traîner ses serviettes hygiéniques pour marquer son territoire. Ca pulse oblique. Il ne faut pas toucher à la Matrice. On ne désacralise pas la Mère. Alors Mata va se faire violence et trouver l’apaisement dans le sang versé, dans l’Acte insensé. Au risque de pourrir toute sa vie en taule. Rien n’est pire que l’immobilisme ou le renoncement. La peine, le malheur et la douleur excusent le meurtre salvateur.

« Speedy Mata » se lit d’un jet, comme un bon rail de coke qui mènerait vers des lendemains qui chantent. Ou qui refuseraient de déchanter encore.

Faire la pute devant les huissiers, ne se donner corps et âme qu’au nom d’un idéal, croire à l’Amour dans un pays gris comme une peau de souris. Speedy Mata est un testament littéraire d’une mère pour sa fille.

Un roman matriarcal qui se passerait de femme en femme pour la nuit des temps.

Entre réalité et affliction, Olivier Besancenot en facteur guest star, une folie onirique qui trouve son rythme et son souffle malgré l’apreté des enjeux.

Une histoire de femelle au ventre qui accuse les coups de triques comme les coups de sang, qui engendre l’envie ou la vie. Le désir sordide ou beau sous fond de Révolution latente.

Une écriture juste, une énergie justicière, des froids dans le dos, des traces de vomissures et des interrogations. Un style rock and roll entre érudition et éructation du verbe. Un nouveau langage, une prose furieuse et inclassable qui lutte pour exister et qui en dit long sur la société des receptacles. Rapide, mais intense.

http://www.lemague.net/dyn/article.php3?id_article=1013

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