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ce qui se passe à Menton-frontière : Témoignage écoeuré

Publie le vendredi 3 juin 2011 par Open-Publishing
2 commentaires

Le 28 mai dernier, c’était la journée nationale « D’ailleurs nous sommes d’ici », organisée contre la xénophobie et la politique actuelle d’immigration.

A Menton-frontière italienne, les simples citoyen-nes et associations franco-italiennes, solidaires des jeunes Tunisiens affamés, maltraités, dénigrés… , avaient prévu un pique-nique commun et une chaine de solidarité transfrontalière.

Réaction scandaleuse des 2 polices. Pour savoir comment ça s’est passé, voici le témoignage d’un participant. Celui-ci a été confirmé par les autres participants.

Témoignage écoeuré

Ce samedi 28 mai 2011, nous vivons des heures surréalistes où le ridicule le dispute à la bêtise. En ce jour où on fête l’amitié internationale, nous, militants humanitaires alpins maritimes et italiens, nous donnons rendez-vous à la frontière du pont Saint Ludovic à Menton, pour faire une chaîne humaine transfrontalière et partager un pique-nique amical autour de nos amis tunisiens chassés de partout.

L’ensemble de la manifestation est déclarée et permise.
Pendant que les 8 représentants des pays les plus riches font leur cinéma à Deauville, s’extasiant devant les révolutions arabes et leur « promettant » (?), la main sur le cœur, quelques dizaines de milliards d’aide, nous, nous avons sous les yeux ces jeunes révoltés tunisiens, rejetés de partout ! Certains témoignant même des violences de la police française. Retenez-vous, Messieurs, tout finit par se savoir.

Munis d’un permis de circulation européenne tout ce qu’il y a de plus légal, délivré par l’Italie, ils sont refusés par la France. L’un d’eux nous montre un billet de la SNCF pour Paris, billet payé et dont on lui refuse l’utilisation. Le franchissement de cette frontière est d’ailleurs à nouveau interdit aux trains aujourd’hui.

On apprend, dans un premier temps, que la France accepte de son côté manif et banderoles mais pas le pique-nique ; côté italien, c’est l’inverse. Quelques quarts d’heure après, on nous dit l’inverse : l’Italie n’accepte plus le pique-nique commun ; la France l’accepte pour les seuls Français mais pas au-delà de 15h, nous précise-t-on, heure prévue de la fin de la manifestation. Donc, pour un pique-nique, chez nous, faudra-t-il bientôt une autorisation préfectorale ?

Puis, brusquement, alors que nous sommes une bonne centaine de Français de notre côté et autant, majoritairement Tunisiens et Italiens, de l’autre côté, la police (italienne, ce coup-ci) se livre à une démarche provocatrice que nous connaissons très souvent aussi en France et qui fait monter la température en installant entre nous une petite armée équipée de boucliers d’émeute et de gilets pare-balles.

Plus pacifiques que nous, déjà sur place depuis près de deux heures, tu meurs ! Soudain, oh ! divine surprise ! on vient nous annoncer que les « autorités » acceptent que nous joignons du bout des doigts la chaîne humaine transfrontalière mais en respectant scrupuleusement la ligne au sol de la frontière virtuelle. Les deux polices s’y appliquent avec la précision des touches des balles jaunes à Roland Garros. On se prête à ce jeu bébête. Je le sais : je suis le premier en bout de demi-chaîne, côté français. Ouf ! on se touche ! ce cinéma est pour sauver in extremis la face de qui ? Celle des autorités ? elle n’est plus côtée à l’Argus. La nôtre ? elle vaut plus cher. Allez ! une louche de ridicule de plus, ça ferait presque rire.

Voulant franchir seul et à pied la frontière, je me vois arrêté par un policier français qui prétend m’intimer l’ordre d’enlever mon badge RESF. Je refuse et je passe. Si l’on accepte n’importe quel abus, que nous inventeront-ils après ?

On commence à additionner ces expériences : fort de l’exemple des plus hauts sommets de l’Etat où l’empilement des lois et règlementations répressives est à jet continu (plus de 25 depuis 2002 !), n’importe quel ministre, n’importe quel préfet, voire n’importe quel policier sur le terrain, s’autorise à édicter, lui aussi, lois et réglementations personnelles à sa convenance du moment et pour afficher sa posture d’autoritarisme. France Info nous a informés officiellement, le 3 février 2011 : « le président de la République, conjointement avec quatre autres chefs d’états (Allemagne, Grande Bretagne, Italie et Espagne) défend, auprès du raïs Osni Moubarak, le droit fondamental des Peuples à manifester » (sic).

Finalement, après décrochage de la police, aussi soudain que son apparition, la journée se termine comme nous l’avions programmée et souhaitée : fin de pique-nique ensemble, Tunisiens, Italiens et Français, côté italien, dans l’amitié, les rires et la danse…sans plus le moindre problème. Même les quelques policiers français et carabinieri n’y voient plus offense et s’amusent de leur côté.

En quelques heures, nous, nous aurons assisté au triste piétinement, par les autorités françaises et italiennes, des traités européens, des belles paroles de nos « grands » politiques, du Droit des gens, des Droits de l’Homme, du Droit lui-même tout simplement. Rien que ça, ça fait peur.

Ce soir, j’éprouve un mélange de désespérance, de colère et de honte.« Papa, c’est quand qu’on va où ? »

un militant RESF et MRAP de 77 ans, enseignant de droit, ancien combattant et… écoeuré !

Menton, ce 28 mai 2011.

Messages

  • Seule la lutte paie ! Et, finalement, vous avez gagné........

  • Puis, brusquement, alors que nous sommes une bonne centaine de Français de notre côté et autant, majoritairement Tunisiens et Italiens, de l’autre côté, la police (italienne, ce coup-ci) se livre à une démarche provocatrice que nous connaissons très souvent aussi en France et qui fait monter la température en installant entre nous une petite armée équipée de boucliers d’émeute et de gilets pare-balles.

    Cette unité est touchante : deux hordes policières venues des deux états et se donnant la main pour diviser les peuples, les empêcher de circuler pendant qu’ils avaient l’indécence de laisser passer ferraris et puissants 4X4 !

    La police italienne s’est bien déployée côté français protégée par des policiers français avec de grands boucliers, au point qu’à un moment il devenait indistinct d’en démêler les rangs.

    Bref, les 2 polices ensemble, serviles avec les gros 4X4 friqués et les grosses berlines de luxe, ayant eux libertés de circulation, mais féroces avec quelques dizaines de jeunes migrants .. et empêchant des associations et un parti de se tenir la main des deux côtés de la frontière en une démarche peu féroce

    Tout cela est franchement symbolique de ce qu’est actuellement l’Europe : Les gouvernants et grands bourgeois sont à tu et à toi , circulent librement transformant la méditerranée en lac, sont reçus et choyés, corrompus par des dictateurs de paille au sud , font tourner les capitaux, pendant qu’ils débordent de haine contre les populations , les classes populaires tout autour de la Méditerranée pour les empêcher de circuler, re-divisent sans cesse l’Europe de la classe populaire, comme ils divisent la Méditerranée de la classe populaire.

    Non content d’avoir construit un rideau de fer au milieu de la Méditerranée qui envoie à la mort des milliers de migrants sans que là ils viennent au secours de populations en danger, ils veulent également attenter aux libertés partout, à l’intérieur de l’Europe.

    Notre politique d’urgence sera strictement à l’inverse : liberté totale de circulation de la classe populaire, contrôle des menées des classes bourgeoises , contrôle par la classe populaire de la circulation des capitaux, interdictions des yachts de luxe , mise en accusation de ceux qui mènent des agressions contre la liberté de circulation, notamment les préfets et leurs homologues de toutes nations.

    Finalement, après décrochage de la police, aussi soudain que son apparition, la journée se termine comme nous l’avions programmée et souhaitée : fin de pique-nique ensemble, Tunisiens, Italiens et Français, côté italien, dans l’amitié, les rires et la danse…sans plus le moindre problème. Même les quelques policiers français et carabinieri n’y voient plus offense et s’amusent de leur côté.

    La provocation policière ayant foiré , policiers français et italiens se sont retrouvés au bar (côté italien, c’est moins cher), à l’ombre, boire un petit coup.