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Lettre ouverte aux élus de France : et si Cesare Battisti était vraiment innocent ?

Publie le jeudi 13 janvier 2005 par Open-Publishing

Lettre ouverte aux élus de France, de Rhône-Alpes, de Lyon,
et accompagnant la plaquette : Sans l’ombre d’une preuve... Et si Battisti était vraiment innocent ?

Des vœux pour cette année 2005 ? Nous souhaitons le monde meilleur, l’humanité moins miséreuse. Mais tout cela n’est que vœu inaccessible si nous n’avançons pas espoir après espoir, pierre après pierre. Et pour 2005, nous espérons la vérité : que l’innocence de tout crime de sang de Cesare Battisti soit enfin regardée . Que le droit à la présomption d’innocence et la tradition de la France, terre des Droits de l’Homme, soient honorés et respectés.

Des dizaines de milliers de citoyens, malgré la désinformation et l’intoxication médiatique venues d’Italie, ont désavoué la légitimité de l’extradition de Cesare Battisti, des citoyens attentifs, attachés à la vérité, à l’indépendance de la justice, à leur patrie des Droits de l’Homme.

Des citoyens qui tentent depuis onze mois de desserrer l’étau qui emporte Cesare Battisti vers sa mort lente : celle d’être accusé de meurtres sans preuve, celle d’être condamné sans procès à la prison à perpétuité, celle d’être privé à jamais de ses enfants. Certains d’entre-vous, élus de droite comme de gauche, ont signé la pétition accueillie par la LDH, et certains même ont poussé la porte de la vérité. Mais ne devons-nous pas, en 2005, nous efforcer encore pour que justice se fasse enfin ?

Ainsi, au pays historique des droits de l’homme, on ne voudrait ni entendre ni parler de la présomption d’innocence. Le scandale judiciaire qui détruit Cesare Battisti, abîmé dans d’éprouvantes calomnies, est de la même nature que celui qui fut infligé à Alfred Dreyfus : Cesare Battisti fut condamné à la perpétuité en son absence, sans pouvoir être confronté à ses accusateurs et se défendre, sans la moindre preuve matérielle ni indice à charge, sur les seules dénonciations négociées et contradictoires d’hommes tous achetés par la justice d’alors : tribunal et « repentis et dissociés » s’entendant pour faire du jeune fugitif d’alors le bouc émissaire de tous.

Tous ces repentis et dissociés obtinrent en échange de leur collaboration liberté ou allègements de peine. Cesare Battisti qui, selon ses mots, ne leva jamais son arme sur une femme ou sur un homme, fut le seul à hériter d’une perpétuité. Son dossier est aussi vide que celui d’Alfred Dreyfus. Le pouvoir italien dit : « Des preuves, il y en a ! » Eh bien, qu’on les montre aux Français ! Mais la justice italienne n’a rien d’autre à offrir que ses affirmations. L’Italie nous dit « il fut informé et refusa de comparaître ». Mais Cesare Battisti ne sut jamais que des procès pour homicides étaient instruits contre lui après sa fuite hors d’Italie. Et il ne contacta pas son avocat pour l’excellente raison que, n’ayant pas tué, il ne s’inquiétait pas d’un procès qu’il ne soupçonnait pas.
Voici la nature même d’une justice à qui est fait ici écho. Les mots, les valeurs deviennent-ils vides de sens en France ? Preuve, présomption d’innocence, justice, terre d’asile, nous voulons y croire encore.

Nous permettez-vous de vous dire, à vous, représentants, élus qui aviez conquis les cœurs en donnant l’asile, vous qui aviez offert à des hommes et femmes de nouvelles racines et une nouvelle vie, ce drame d’un homme, drame d’une famille, drame de l’histoire, drame la justice de notre pays ? Vous, représentants de la France, républicains, accepteriez-vous que l’Ordre public français ne soit pas respecté ? Accepteriez-vous de passer outre notre loi et celle de tous les autres pays d’Europe sur la contumace ?

Abandonnerez-vous la loi Perben II du 9 mars 2004, qui oblige tout condamné en son absence, même représenté, à bénéficier d’un nouveau procès ? Négligerez-vous, à l’heure où nous construisons le futur espace judiciaire, le récent arrêt de la CEDH demandant à l’Italie de réviser sa contumace jugée inéquitable ? Abandonnerez-vous un innocent ? Non, pas un, mais des innocents ? Car les deux jeunes filles, enfants de Cesare Battisti, sont elles aussi des innocentes. Les abandonnerez-vous en acceptant l’extradition illégitime de leur père ? Les livrant à une justice italienne partout condamnée pour son iniquité ?

Puisque le gouvernement de S. Berlusconi a osé, 25 ans après, alors nous aussi, nous oserons. La vérité, nous la crions avec des dizaines de milliers d’autres, car nous avons promis de la dire si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Nous ne pouvons pas être complices, y compris par le silence. Notre devoir est d’ouvrir les yeux et de parler : Cesare Battisti, bénéficie d’une totale présomption d’innocence et de la pleine application de la loi française sur la contumace ; mais la France l’extrade et la France l’envoie vers la prison à vie. Cela, nous ne l’accepterons pas, ni pour l’homme, ni pour notre pays.

Et c’est à vous, mesdames et messieurs les élus, que nous crions de toute la force de notre révolte d’honnêtes citoyens, signataires de toutes conditions sociales et de toutes obédiences politiques démocratiques : et si Battisti était vraiment innocent ? Et si notre loi n’était pas appliquée ? Pour votre honneur, nous savons que vous ne pouvez pas ne pas l’envisager.

Enfants du XVIIIe siècle et de la République, nous n’avons qu’une passion, celle de la lumière, de la vérité et de la justice. Notre protestation n’est que le cri de notre âme. Qu’on ose donc regarder les faits de près, qu’on ose donc un procès équitable, qu’on ose donc parler, qu’on ose l’enquête au grand jour en regard de toutes les victimes et de l’Histoire. C’est tout ce que demande en vain Cesare Battisti. Et nous, nous attendons, nous, simples citoyens, nous attendons de vous, élus, tout cela. La justice pour un homme, l’honneur pour un pays. Nous attendons. Nul ne pourra dire, dans vingt ans, que nous ne savions pas. L’histoire nous regarde, nous et vous.

Nous vous prions de bien vouloir croire, Mesdames et Messieurs les élus, à l’assurance de notre plus profond respect.

13 janvier 2004