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Après le suicide d’une professeur de mathématiques, quels contenus donner à nos actions ?

par Barbazange Paul

Publie le dimanche 16 octobre 2011 par Barbazange Paul - Open-Publishing
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Jeudi 13 octobre une enseignante du Lycée Jean Moulin Béziers l’une des plus grandes citées scolaires de France, s’immolait par le feu dans la cour de l’établissement. Depuis l’émotion est immense.
Nous la partageons, nos pensées vont à sa famille, à ses proches, à toute la communauté éducative.
Juste après le drame la section du PCF de Béziers rendait public sur Internet le communiqué suivant :

Communiqué de presse,jeudi 13 octobre 2011- 14 H.

 Une professeur de mathématique s’est immolée parle feu dans la cour du Lycee Jean Moulin de Beziers, l’une des plus grande cité scolaire de France. Il s’agit de toute évidence d’un acte de désespoir lié aux conditions de travail. Notre collègue a crié "C’est pour vous" en direction des élèves. Le procureur de la République, dans une première réaction, fait état d’une "tentative de suicide, liée à l’activité professionnelle". Il y a moins d’un mois, le Ministre de l’Education Nationale se félicitait à Beziers, d’une rentrée de qualité. Un tel aveuglement est sans limites. Nous l’affrontions alors sur le terrain politique et celui des revendications. Avec les parents d’élèves, les enseignants, les grands élèves nous manifestions le 27 septembre contre l’insupportable. Cet insupportable conduit au désastre. Aujourd’hui, nous assurons notre collègue et sa famille, les enseignants, les élèves, les parents de notre totale solidarité. Seule une autre finalité attribuée à l’enseignement, redonnant tout son sens à la noble fonction d’enseignant et les moyens nécessaires, permettront de sortir d’une situation dramatique. De grandes luttes sont et seront necessaires ; nous appelons les citoyens à prendre leurs responsabilités.

Seule dans la presse écrite le journal l’Humanité en a donné un extrait.

Trois jours plus tard les décisions suivantes ont été prises :

 Les enseignants de la cité scolaire feront valoir leur droit de retrait le lundi 17 et le mardi 18. Ils organiseront avec les élèves une marche silencieuse certainement le mardi en raison de la date retenue pour les obsèques. Une manifestation intersyndicale est prévue mercredi à Montpellier. L’assemblée générale des personnels a souhaité qu’une grève nationale soit initiée le jeudi 20 octobre. (Des ajustements heures par heures sont naturellement en cours.)

C’est dire la profondeur de l’émotion.

La presse a rapporté les dernières paroles que notre collègue aurait prononcées à l’adresse de lycéens :"Je fais ça pour vous". Le lien entre la profonde souffrance professionnelle et l’acte est établi de façon indiscutée. Reste à en prendre la plus complète des mesures et à définir collectivement les chemins de l’action qui ne peuvent rester d’ordre compassionnel ou de l’accompagnement de la douleur.

Quelques éléments se dégagent des débats :

 Lors de l’assemblée préparatoire à la grève nationale, unitaire des personnels du mardi 27 septembre la secrétaire du SNES de l’établissement avait alerté sur le point "de rupture atteint pour certains collègues".
 
Le syndicat Educ/Action CGT de l’Hérault a rencontré le 4 octobre le Recteur sur les nombreux cas de soufrance au travail recensés liés à la très grave dégradation des conditions de travail et qualifie son attitude de "pour le moins désinvolte et quelque peu méprisante".

 Depuis jeudi dans toutes les assemblées s’exprime une profonde colère contre les tentatives d’une partie de la hiérarchie de faire glisser les causes profondes de cet acte vers le registre de difficultés familiales.

 Depuis la rentrée notre collègue vivait mal ses conditions de travail et l’avait exprimé.

 Pour tous les enseignants la procédure de notation individuelle interne aux établissements contribue à accentuer l’isolement de chaque enseignant face à ses difficultés.
 
Depuis cette rentrée les difficultés dues à l’augmentation du nombre d’élèves par section, à la disparition des dédoublements, à des conditions de remplacements de plus en plus précaires aggravent un contexte déjà explosif depuis des mois.
 
L’évolution similaire des situations entre France Télécom, d’autres entreprises et l’Education Nationale apparait de façon évidente. Le "management" par la violence dans les services publics mène a des désatres de ce type.

C’est donc à une réelle perte de sens, du "sens profond que chacun peut donner à son travail" que nous nous heurtons.

L’insupportable est atteint. En cela le satisfecit que s’est octroyé à la rentrée le ministre lors d’une visité éclair dans la ville auprès de ses représentants locaux Elie Abou, député et Raymond Couderc Sénateur maire est irresponsable. Dans la plus terrible des situations il se heurte à l’extrème
violence des conséquences de sa politique. Le ministre doit laisser la place.
Sur la base de ces constatations et des premiers échanges nous souhaitons qu’ enseignants, parents et élèves trouvent les chemins de l’action rassemblée pour une profonde modification des conditions de travail dans cette cité scolaire et partout en France.

Nul ne peut en rester à des mesures d’accompagnement de difficultés bien connues dans les professions éducatives.

C’est d’un réexamen en profondeur qu’a besoin l’école avec de mesures budgétaires décisives dès cette année. Concernant :

 l’accompagnement et la formation initiale et continue des enseignants.

 le retour dans les établissements des dizaines de milliers de postes supprimés ces dernières années ; Définition d’objectifs de l’Education Nationale pour mener à la réussite chaque enfant de notre pays. La mise en place d’un service public minimum pour les pauvres pousse au désespoir et à des actes de désespoir.Précipitera la jeunesse vers des impasses.

De grandes luttes seront nécessaires. Les communistes travailleront à leur réalisation. Unité dans les luttes.

Paul Barbazange, enseignant retraité, secrétaire de la section du PCF. Samedi 15 octobre 18 H.

Messages

  • COMMUNIQUE DE LA FERC CGT
    SUICIDE DE BEZIERS : ASSEZ DE DENI, DE DELIT, DE MEPRIS !

    C’est en plein temps fort du colloque CGT sur la question de la transformation du travail, que la FERC CGT a appris, avec stupeur, la tentative de suicide d’une enseignante, au lycée Jean Moulin de Béziers.

    Se donner la mort, sur son lieu de travail, n’est jamais anodin et les réponses institutionnelles qui commencent à fuser sont indignes, inacceptables. Combien faudra-t-il de morts au travail, visibles, médiatisées (quand nombreuses sont passées sous silence) au sein de l’Education nationale, pour que le plus mauvais employeur, l’Etat, reconnaisse enfin ses responsabilités en la matière ?

    Ce qui est en cause n’est pas, ne sera jamais un conflit avec des élèves. Ce qui est gravement en cause, c’est la façon dont les enseignants doivent exercer leur travail au quotidien : intensification, explosion du travail gratuit, valse des réformes, inadéquation des moyens pour remplir les missions, dialogue social aux oubliettes, sous effectif chronique, précarité généralisée, classes surchargées, mépris, non reconnaissance du travail, hiérarchie de plus en plus absente des réalités du terrain, engluée dans la prescription du chiffre, de la rentabilité...

    Les établissements sont devenus des lieux de délit : violences, harcèlement, absence de sécurité, de médecine de prévention, mise en danger régulière de la vie d’autrui... Et dans ce contexte, il est plus que curieux qu’un procureur de la République se permette, avant toute enquête, de dégager toute responsabilité de l’employeur en affirmant qu’il n’y a pas d’infraction pénale ! C’est faire fi de l’obligation de sécurité, de moyens et de résultat pour protéger la santé physique et mentale des personnels !

    Ce dont les personnels ont besoin de toute urgence, ce n’est certainement pas de la compassion du ministre, du déni de réalité de l’institution mais d’autres conditions de travail, des moyens de répondre aux enjeux de formation, aux besoins des usgers.

    La FERC CGT s’assurera que l’employeur mette en oeuvre ses obligations. D’ores et déjà, elle appelle, partout les personnels à se réunir, à discuter de leur travail réel, de critères du bon travail pour mieux en défendre les conditions d’exercice, porter des exigences sociales.

    Montreuil, le 14/10/2011.

  • 1) Le gouvernement actuel mène une politique qui détruit le service public d’éducation,nous en sommes d’accord. 2) La question du harcèlement n’est pas directement liée à l’option idéologique d’un gouvernement.J’ai commencé à être sévèrement harcelé sur mon lieu de travail (puis à mon domicile !)en 1998.C’est-à-dire que les actes hostiles se sont démultipliés,répétés dans mes classes à partir de cette époque (sans qu’aucun de ces actes ne soit sanctionné par ma hiérarchie)puis l’administration en "remettait une couche",c’est-à-dire me nuisait.C’est donc sur une base strictement professionnelle que j’étais régulièrement mis en cause,désavoué,sans que je ne comprenne véritablement ce que l’on me reprochait.Peut-être n’étais-je pas assez soumis ?Peut-être voulais-je simplement faire ce que j’avais à faire,faire mon travail,exercer mon métier ? 3)Le harcèlement au travail et par le travail est un enjeu d’une très grande importance « sociétale »,civilisationnelle,c’est pourquoi je me suis permis de vous adresser un message,pour vous inviter à la vigilance.Ce n’est pas une question politique au sens traditionnel du terme.Un simple désaccord avec notre hiérarchie peut dégénérer en répression insidieuse ou brutale,tous azimuts,déployée sur un « périmètre » assez large(y compris médiatique).L’objectif est que le désaccord disparaisse sans laisser de trace et que les dissidents/résistants renoncent à toute résistance sourdeNous sommes condamnés à exécuter tous les ordres qui nous sont donnés :par nos élèves en premier lieu ,par notre hiérarchie bien sûr,par l’opinion surtout.Un « prof »(pour ne considérer que cette profession)doit S’EXECUTER.Le travail reste bien comme Marx le définissait naguère « l’essence de l’homme ». Merci de me permettre de m’exprimer et bonne résistance.