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Les altermondialistes se réorganisent pour faire face aux critiques

Publie le mercredi 26 janvier 2005 par Open-Publishing

Le Forum social mondial, qui s’ouvre mercredi à Porto Alegre, a changé. Les
organisateurs souhaitent répondre aux travers dénoncés ces derniers mois et qui
portent sur le manque de démocratie, la répétition stérile de débats sans débouchés
et les batailles politiques.


de Laurence Caramel

Les organisateurs du Forum social mondial (FSM) ne sont pas restés sourds aux critiques. La cinquième édition du rendez-vous phare des altermondialistes - organisée du 26 au 31 janvier à Porto Alegre (Brésil) - inaugure une nouvelle formule. Dans ses principes au moins, elle ambitionne de répondre aux travers dénoncés avec une insistance croissante au fil des années, à savoir le manque de démocratie et le risque de répétition stérile.

Pour répondre au premier grief, le conseil international du Forum, qui regroupe plus d’une centaine d’organisations issues des ONG (organisations non gouvernementales), des syndicats et des mouvements sociaux, a décidé d’abandonner ses pouvoirs de "grand organisateur" pour livrer le Forum à l’autogestion. "C’est une option radicale et risquée mais elle va permettre à des gens différents de s’exprimer", reconnaît Gus Massiah, du CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement).

Cette décision a été prise au lendemain du quatrième FSM, organisé à Mumbaï (Bombay) en janvier 2004. Derrière la confusion et le sentiment de débordement, la présence massive et inattendue de mouvements populaires au cœur du Forum s’était en effet imposée comme la grande nouveauté de cet événement. Les organisateurs souhaitent poursuivre dans cette direction. C’est, selon eux, l’un des moyens de faire progresser le mouvement et, également, de corriger l’image de rendez-vous élitiste de la contestation dont s’étaient teintés les précédents rassemblements de Porto Alegre.

Cette année, 100 000 militants sont attendus dans la capitale du Rio Grande do Sul. Ils délaisseront le confort de l’Université catholique, au demeurant devenue trop exiguë, pour rejoindre les rives du fleuve Guaiba où ont été aménagées salles et tentes de réunions qui, espère-t-on, attireront un public plus large et plus divers. Le programme des débats est le fruit d’une consultation menée sur Internet et à laquelle ont répondu plus de 1 800 organisations. Onze sujets prioritaires ont été identifiés. Tous les mouvements, petits ou grands, auront, en principe, trouvé leur place.

Les thèmes reprennent, sans surprise, les grandes préoccupations des pourfendeurs de la mondialisation : la préservation de l’environnement et le rôle des multinationales, la diversité culturelle, la lutte contre le néolibéralisme, l’annulation de la dette des pays en développement, la paix.

Le deuxième aménagement décidé pour échapper aux effets de répétition réside dans la création d’espaces consacrés à l’élaboration de propositions et de campagnes d’action. "C’est un début et nous sommes par avance indulgents, mais cette initiative va dans le bon sens car elle va permettre de rendre visibles des alternatives", explique Bernard Cassen, président d’honneur d’Attac, et qui ne désespère pas de réussir un jour à formuler un "consensus de Porto Alegre", pendant altermondialiste du consensus néolibéral de Washington. D’autres, tel Pierre Khalfa, de la même organisation, jugent les transformations insuffisantes et regrettent que "le Forum ne puisse être un grand moment politique où s’impulsent des luttes".

UNE "PREMIÈRE EXPÉRIENCE"

Ces aménagements semblent avoir dissipé le sentiment d’essoufflement qui pointait il y a encore quelques mois. "Beaucoup d’organisations des pays du Sud vont faire leur première expérience du FSM. Le processus se renouvelle en s’élargissant", assure Jean-Marie Fardeau, secrétaire général du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Le CCFD finance le voyage de douze ONG africaines. "Le choix d’une organisation horizontale a coupé court au débat sur l’instrumentalisation du mouvement, reconnaît avec soulagement Bernard Pinaud, du CRID. Le Forum doit rester un espace ouvert où se construisent des réseaux, des coalitions autour de batailles à mener sans visées politiques."

Loin de crier victoire, les altermondialistes relèvent que, petit à petit, certaines de leurs idées font leur chemin dans les plus hautes sphères du pouvoir. Le 20 septembre 2004, aux Nations unies, une centaine de pays se sont joints à l’initiative des présidents Lula da Silva et Chirac en faveur de l’instauration d’une taxe internationale pour lutter contre la faim.

Jeudi 27 janvier, le président brésilien viendra d’ailleurs soutenir à Porto Alegre le lancement de la campagne mondiale en faveur de la lutte contre la pauvreté. Il s’envolera ensuite pour le Forum économique mondial de Davos, où il défendra à nouveau cette cause devant le monde des affaires. Le bilan controversé du numéro un brésilien, deux ans après le début de son mandat, ne manquera pas d’être discuté à Porto Alegre. Mais sur une scène internationale assombrie, aux yeux des militants, par la réélection de George Bush, beaucoup estiment qu’ils auraient tort de ne pas prendre au mot ceux qui accordent quelque crédit à leur vision d’"un autre monde possible".

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3220,36-395502,0.html