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Porto Alegre : les délégués dénoncent : "On les appelle aides mais ce sont des prêts"

Publie le dimanche 30 janvier 2005 par Open-Publishing

Raz-de-marée et aides, marchandisation de la tragédie

de Sa. Mo. traduit de l’italien par karl&rosa

La première sortie officielle ne pouvait pas être plus sentie. Les applaudissements accueillent les représentants de l’organisation historique Jubilee South ainsi que les interventions de nombre de délégués venus amener leur soutien aux peuples frappés par le raz-de-marée. Le témoignage du représentant de l’Aceh, une région située à l’extrême Nord de Sumatra où depuis vingt ans on combat une féroce guerre civile, est frappant, il implore, plutôt qu’il ne demande, la fin de la répression de la part de l’armée indonésienne, et les interventions des Africains impressionnent aussi.

Ils prennent les uns après les autres le micro pour dire que c’est bien d’effacer la dette mais "quand est-ce que nous allons commencer à demander que l’on nous redonne ce qu’on nous a enlevé ?" Des applaudissements inévitables aussi pour le Prix Nobel Esquivel, qui sollicite le mouvement à se lancer dans le défi d’un changement qualitatif plutôt que quantitatif, dans la stratégie de lutte globale. Mais les délégués et les journalistes applaudissent aussi les représentants de réalités petites et dramatiques comme Haïti, un pays frappé plusieurs fois, ces deux dernières années, par les phénomènes naturels, et où est à l’œuvre l’un des modèles les plus impitoyables de la monstrueuse spirale des "aides au développement", l’étreinte mortelle des prêts "désintéressés" dont nos gouvernants se remplissent la bouche.

Camille Chalmers de la "Plateforme pour un développement alternatif de Haïti" parle des ouragans qui, l’été 2004, tuèrent plus de 3.500 personnes.. Quelques jours après, la Banque mondiale nous tapait, en exigeant le plein paiement de la tranche d’intérêts prévus par un pays à genoux. "Rien de nouveau sous le soleil : en 2003, une conférence des bailleurs de fonds réunie à Washington décida d’affecter à Haïti 1,5 millions de dollars, dont 80% étaient destinés à la privatisation de l’eau, des aéroports et des transports. Une belle affaire pour les multinationales occidentales. Chez nous, les aides au développement servent aussi à payer l’occupation militaire de l’île, entérinée par les Nations Unies, et à solder les intérêts sur la dette. Voila les bases du "miracle" de l’un des pays les plus pauvres du monde - 70% de chômage - devenu en quelques années un exportateur net de capitaux".

Au-delà de la larme facile, des marines portant des enfants dans les bras et de nos ministres expédiés inaugurer les hôpitaux de campagne, il y a bien autre chose, comme nous étions nombreux à nous en douter. Un mécanisme diabolique qui roule sur les prêts déguisés en aides. C’est pourquoi, quelques heures après le raz-de-marée, la demande d’effacement total de la dette de la part de Jubilee South voyageait déjà sur le net, en recevant partout des adhésions.

Mais quelques jours plus tard, alors que les télévisions montraient des images effrayantes et qu’une quantité incroyable de citoyens ordinaires ouvraient leur porte-monnaie, les banque multilatérales pour le développement octroyaient de nouveaux prêts avec l’approbation du Fonds monétaire et de la Banque Mondiale. Kusfiardi, le coordinateur de la Coalition indonésienne contre la dette qui, en tant que représentant du pays le plus frappé par le tsunami, a ouvert la conférence de presse consacrée au lancement officiel de la campagne parle de marchandisation de la tragédie : " 230 mille morts n’ont même pas suffi à arrêter le business des aides. C’est pourquoi, avant d’entrer dans une nouvelle spirale qui rendrait totalement impraticable quelque hypothèse de reconstruction que ce soit, nous devons prétendre à l’effacement total de la dette étrangère pour les pays frappés par le raz-de-marée, sans qu’il soit lié à la réduction des aides au chômage, des dépenses sanitaires ou de celles pour l’instruction, comme ont l’habitude de le faire les agences internationales de crédit" a déclaré Kusfiardi en soulignant que "l’Indonésie a besoin de tout sauf de nouvelles dettes".

Voila que s’explique le mystère du refus des aides de la part du gouvernement indien qui "pressé par un mouvement enraciné et fort qui pratique et théorise l’autosuffisance depuis vingt ans" a déclaré Vinod Raina, de All India Popular Science Network, "a refusé les offres d’aides qui n’étaient en substance que des offres de nouveaux prêts. Si les gouvernants des pays riches veulent vraiment faire quelque chose pour aider les millions de personnes qui ont perdu leurs terres et leurs instruments de travail, il suffit de faire une chose extrêmement logique et rationnelle, outre qu’elle est juste : effacer la dette financière qui ne représente, entre autre, qu’une partie minime de la dette écologique causée par cinq cents ans de colonialisme. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons faire en sorte que 230 mille personnes ne soient pas mortes en vain.

http://www.liberazione.it/giornale/050127/LB12D6DD.asp