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Le Crif s’immisce dans les législatives à Paris

par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

Publie le vendredi 18 novembre 2011 par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN - Open-Publishing
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Le Comité représentatif des institutions juives de France (Crif) s’invite de façon inattendue dans la négociation entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts. Dans un éditorial intitulé « Les évincés » et publié sur le site du Crif, son président Richard Prasquier fait une lecture très personnelle de l’identité des élus socialistes amenés à céder leur siège, de plus ou moins bon gré, au profit de leurs alliés écologistes. Selon lui, « l’effet d’affichage des noms des évincés est désastreux ». Et Prasquier d’énumérer que l’accord a « abouti à l’éviction » de Serge Blisko, Tony Dreyfus, Danièle Hoffman-Rispal et Daniel Goldberg. Autant de personnalités « garantes », selon lui, « dans leur histoire assumée personnelle et familiale d’une mémoire des persécutions ». Il poursuit : « Il est tentant de parler d’antisémitisme, certains l’ont déjà fait et je me garderai de les suivre. Je pense que nous n’en sommes pas là. »

Contacté par Libération.fr, Serge Blisko, député PS de la 10e circonscription de Paris, pointe lui aussi un « effet d’optique troublant » et juge l’éditorial de Prasquier « mesuré et maîtrisé », tout en confiant être « extrêmement gêné d’être instrumentalisé par certains sites à la droite du Crif ». Blisko développe ensuite un discours tout en nuances : se définissant comme un « juif laïc de gauche signataire de J-Call (il a organisé à la mairie du 13e arrondissement de Paris l’une des premières réunions en France de ce mouvement qui milite pour la paix au Proche-Orient, ndlr) », il se dit pourtant solidaire du président du Crif quand celui-ci regrette la possible disparition d’une certaine histoire parisienne avec sa propre éviction ou celle de Danièle Hoffman-Rispal. « Nous faisons partie des derniers descendants de prolos juifs de Paris, explique-t-il. Autrement dit nous sommes des dinosaures en voie d’extinction. » Et le député PS d’assurer que cet « héritage culturel » leur donne « une sensibilité particulière sur des questions comme la mémoire ou le droit d’asile ».

Pour le député Daniel Goldberg, « chacune des quatre situations (des députés cités plus haut) est différente et ne relève pas, à coup sûr, d’un quelconque antisémitisme du PS ». « Je ne veux pas rentrer dans ce débat, qui va surtout favoriser les extrêmes », a-t-il ajouté. « Je ne me suis jamais défini comme autre chose que comme élu de la République et accessoirement, comme enfant d’Aubervilliers et La Courneuve, où ma famille est installée depuis 1930 », affirme Goldberg.
Blisko « pas candidat au nom du judaïsme »

A propos des potentiels futurs candidats EE-LV (dont Cécile Duflot), Richard Prasquier se montre beaucoup plus direct dans la suite de son éditorial. Il n’hésite pas à pointer en Yves Contassot un homme « réputé être parmi les plus virulents des antisionistes du parti écologique » et affirme que les Verts auraient « malheureusement » fait des « sirènes de la détestation d’Israël » « un de leurs étendards ». Et Prasquier menace par ricochet le PS de représailles électorales : « Les choix effectués par le PS seront perçus par la communauté comme allant dans le même sens », lance-t-il. Contacté, Richard Prasquier a précisé depuis plus explicitement ne pas retenir « l’antisémitisme comme élément d’explication » à ces évictions, tout en glissant que « le terme d’antisémitisme a été prononcé » dans la communauté.

Joint par Libération.fr, Contassot n’est pas surpris par la charge : « Ça fait dix ans que j’entends parler de ça. J’ai déjà eu droit à ce type de calomnie intrumentalisée par M. Aidenbaum (maire PS du 3e arrondissement de Paris, contre lequel Yves Contassot a été candidat aux municipales en 2001 : ndlr). » Sur cette question « comme sur beaucoup d’autres », Serge Blisko prend ses distances avec le Crif : « Je ne cautionne pas l’aspect polémique anti-Verts auquel le Crif nous a habitué. Je ne cautionne pas ce qui est dit sur Yves Contassot. Moi je ne me serais jamais permis de dire cela à son propos car je ne sais pas ce qu’il pense sur ces sujets. » Et le député PS de rappeler ce qui est pour lui plus qu’un principe : « Je ne suis pas candidat au nom du judaïsme. Je ne suis pas plus visé au nom du judaïsme. Ce serait mal de le dire, je ne le dis pas. »

Affirmant qu’il « ne souhaite pas polémiquer avec le Crif », le conseiller EE-LV de Paris rappelle, lui, avoir « fait des tas de manifs pour la paix » entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi sa proximité avec le « mouvement "La Paix maintenant", qui n’est pas franchement un repère d’antisémites ». Contassot souligne enfin qu’il « est allé représenter les Verts, à l’époque, au dîner annuel du Crif ». Sur le fond, l’élu écologiste regrette la vision « communautariste » du Crif : « Si c’est par communauté qu’on doit élire les gens, ce n’est pas une bonne nouvelle pour la République. » Pour tenter d’éteindre le début d’incendie provoqué par ses propos, le président du Crif a reconnu qu’il y a « peut-être des ambiguïtés de compréhension » dans son texte et a tenu a préciser qu’« à aucun moment » il n’a « accusé le PS et le parti écologistes d’être antisémites ». Une clarification s’imposait.

http://www.liberation.fr/politiques/01012372361-accord-ps-ee-lv-le-crif-s-invite-dans-la-polemique-sur-paris

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