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Comment et pourquoi les partisans socialistes du ’non" peuvent-ils et doivent-ils s’exprimer ?

Publie le mercredi 2 février 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

de Gérard Filoche

Le Parti socialiste a tranché. Même si on peut contester un certain nombre de libertés prises dans certaines fédérations avec le vote, il est admis qu’il y a eu 58 % des voix pour le “oui ”. La démocratie, cela se respecte. L’état de droit, dans le Parti socialiste, cela se respecte. C’est valable pour tout le monde d’ailleurs. (Cf. note 1).

Aussi est-il parfaitement légitime que la direction du Parti socialiste soit la seule à “ mener campagne ” pour le “ oui ” et, comme l’a dit François Hollande, il y a aura, au plan national, comme au plan fédéral, un seul “ comité de campagne ” pour le “ oui ”, parlant au nom du Parti. Personne ne peut disputer cette légitimité après le débat démocratique qui a donné lieu au referendum interne du 1er décembre 2004.

Maintenant, il y a un problème que l’on doit identifier et savoir traiter comme il convient : c’est que les partisans du “ non ”, qui représentent quatre militants socialistes sur dix, ne peuvent ni renoncer à leur position, ni disparaître, ni se taire. Il y a des exigences sociales dont ils sont partie prenante, et, en militants, ils ne feront pas du « stand by », ni « ne passeront leur tour ». Ils ne feront pas “ une campagne ” à la façon de la majorité du parti mais ils s’exprimeront, ils agiront forcément. Il vaut mieux l’admettre, le reconnaître et l’accepter.
Nous sommes en effet (sans cela, nous n’aurions pas défendu le “ non ” dans le parti) convaincus que la victoire du “ non ” est nécessaire, indispensable pour les salariés, pour la France, pour l’Europe sociale, contre le libéralisme. Il est impossible de dire que ce n’est pas un vote politique, ou de croire qu’on peut le “ déconnecter ” de la situation en France. Il y a une France de droite et une France de gauche, une Europe de droite et une Europe de gauche : nous sommes fondés à ne pas vouloir effacer cette frontière en Europe plus qu’en France. Et, en France, seul le “ non ” est bon contre Chirac ! Telle est notre conviction collective et quand bien même quelqu’un l’exigerait, elle ne peut être réduite au silence.

Nous pensons que l’intérêt immédiat du peuple de gauche est de saisir l’occasion de sanctionner Chirac en cette circonstance, sans attendre 2007. Certes, comme le disait François Hollande, à la Mutualité le 30 janvier, Chirac restera peut-être en place en cas de victoire du “ non ”, mais les deux dernières années de son quinquennat seront rendues plus difficiles et il lui sera aussi plus difficile de nuire aux salariés et satisfaire le Medef. Tandis qu’en cas de victoire du “ oui ”, il la récupérera sans vergogne à son compte et comme après le 21 avril et 5 mai 2002, il aura les coudées franches pour tenter de rendre irréversibles la destruction des acquis sociaux.

Le renouveau actuel du mouvement social, démontre que les effets des grandes grèves de 2003, qui ont donné la victoire à la gauche en 2004, sont loin d’être effacés. Il était légitime de demander la dissolution de l’Assemblée nationale après la nette victoire du 28 mars 2004. Pourquoi les salariés souffriraient-ils jusqu’en 2007 ? Le “ temps ” est long, trop long, insupportable pour ceux qui paient au quotidien en chômage, en baisse de salaires, en recul de leurs retraites, de leur Sécu, en destruction du code du travail, les attaques permanentes et graves des ultra-libéraux thatchériens qui nous gouvernent. D’où la popularité croissante du slogan : “ Chirac, dix ans ça suffit ! ”.

Alors comment procéder, honnêtement, collectivement, du côté des 40 000 partisans du “ non ” socialiste sans renier, ni violer le vote démocratique de la majorité des militants ? D’abord, ne pas entretenir de confusion des genres : ils ne peuvent parler au nom du parti. C’est, répétons-le, l’apanage du parti de mener campagne en disposant du titre et des moyens du parti. Et c’est évidemment une force extraordinaire que n’auront pas à leur disposition les partisans du “non socialiste”. Mais il est vain, aussi, de tomber dans des comportements isolés, sorte de ruptures individuelles multipliées de “ discipline ”, par des coups de têtes qui n’entraînent que des particularismes et des divisions, des sectarismes irrationnels et incontrôlés.

Car tout le monde le sait et doit le savoir : il continue d’exister un “ non ” socialiste ”, un “ non de gauche ”, c’est un phénomène non pas individuel mais collectif. Il existe même au-delà des rangs du Parti socialiste, une majorité relative de la gauche politique (minorité Ps, minorité des Verts, Pcf, extrême gauche) et encore une majorité nette parmi les syndiqués (Cgt, Fo, Solidaires, Cftc, Fsu, et minorités de la Cfdt et de l’Unsa).
Tout comme le Ps, le reste de la gauche est divisée (un tiers des Verts...), c’est regrettable, mais c’est un fait, indéniable et il faut être responsables des deux côtés : pas d’anathème, pas d’exclusive, pas de ridicule “ sanction ”, nous aurons besoin de nous retrouver tous ensemble pour les combats suivants ! Il y a, dans le “ oui de gauche ” un “ oui socialiste majoritaire ” comme il y a un “ non socialiste minoritaire ” dans le “ non de gauche ” : c’est un fait.

De nombreux militants socialistes sont syndiqués (et devraient tous l’être... car c’est une obligation des statuts du Ps) : ils sont amenés à prendre position dans leur organisation syndicale. Des socialistes sont membres d’associations comme Attac, ou la fondation Copernic, Ufal et tant d’autres : et, avant même le résultat du référendum interne, ils s’y étaient engagés pour le “ non ”. Aucun caporalisme ne saurait le leur reprocher et aucun centralisme ne peut appliquer, imposer, comme dans les temps heureusement révolus, les directives du Parti aux syndicats et aux associations indépendantes (c’est aussi contraire aux statuts du Ps).
Ce qui fait que c’est sûrement, dans les associations de ce type et dans les syndicats, que les 42 % de militants socialistes partisans du “ non ”, auront à s’exprimer, ils le feront en bon droit et en toute légitimité, eux-aussi. Nul ne saurait les rappeler à l’ordre ni les faire taire, c’est impossible, et cela serait dommageable car cela nuirait au rassemblement indispensable ensuite.

Ensuite, il est bon que le Parti socialiste tout entier fasse campagne contre les directives européennes scélérates : contre la directive Bolkestein et contre la directive sur l’allongement de la durée du travail. Les uns disent qu’elles ne sont pas liées à la Constitution, les autres disent qu’elles en découlent totalement, mais tous les combattent, c’est déjà cela.
Par exemple, cela faisait près d’un an, que la revue “ Démocratie & socialisme ” dénonçait ce que les deux directives nous préparaient, cela faisait de longs mois ques des appels étaient signés et lancés en ce sens, dans un inintérêt et un silence total, aujourd’hui cela semble enfin entendu, tant mieux, nous sommes heureux que tant de camarades du oui et du non, à l’unanimité aient voté au Bureau national “pour le retrait” de la directive Bolkestein !... Faisons de même pour le retrait de la directive “allongement de la durée du travail”.

Au fur et à mesure, de toute façon, que la date du referendum approchera, que la tension sera forte et les écarts serrés, ce seront les arguments politiques qui ont déjà traversé notre parti qui traverseront le pays, le peuple de gauche. Le climat ne sera pas le même en mai et juin qu’aujourd’hui, en janvier-février. Il y aura des évolutions dans toutes les consciences. Ceux qui font silence de précaution aujourd’hui seront entraînés demain par leur devoir et leur sincérité de citoyen, qu’aucun tabou ne pourra empêcher de s’exprimer. C’est inévitable et prenons donc des précautions pour maîtriser la situation : tenons-nous en alors aux arguments de fond, politisants, et éducatifs, il serait malvenu, dans une gauche divisée de s’agresser les uns les autres sur des questions de forme incompréhensibles par des millions d’électeurs. On devrait prendre soin, toutes et tous ensemble, de défendre l’Europe, l’Europe fédérale, démocratique et sociale, et de ne pas confondre cette défense avec la question bien particulière et précise du « oui » et du « non » à cette Constitution-là. Cela contribuera à minoriser les nationalistes, souverainistes et autres anti-européens.

Enfin, il serait bon que, dans le cadre du “ projet socialiste ” pour les prochaines élections, les exclusives qui ont été mises soient corrigées : la décision de François Hollande de nommer “ trois responsables ” du projet choisis parmi les seuls partisans du “ oui ” ne peut rester en l’état. Les changements qui ont été effectués à la direction ne découlaient pas logiquement du type de débat que nous avons eu. C’est dire que les partisans du “ non socialiste ”, soit 42 % des socialistes, sont déjà écartés de la phase suivante et cela est inacceptable. C’est un mauvais service rendu à la gauche et aux socialistes.
Il faut, au contraire, multiplier les signes inverses pour maintenir l’unité du parti quel que soit le résultat du referendum : la seule solution est un débat ouvert et pluraliste, non formel, non factice, non verrouillé, sur “le projet”, en interne, tout comme la préparation - qui serait, si on y réfléchit, la solulion la plus apaisante - de primaires ouvertes pour désigner la ou le candidat à la présidentielle.
En attendant, dans les conditions actuelles, bien sûr, les partisans du “ non socialiste de gauche”, ont intérêt à se structurer, à écrire sur “ le projet ” ! Les courants de gauche, Nps, Nm, Fm ont intérêt à se rapprocher, de façon à ce que la volonté de quatre socialistes sur dix soit également prise en compte : s’ils restent séparés, ils y parviendront moins ou pas du tout. Car si 40 000 militants se sont mobilisés pour le “non” le 1er décembre, ce n’est pas sans déconnexion avec le situation sociale, ni avec l’état d’esprit de nos concitoyens face au maintien du gouvernement Raffarin, aux offensives ultra libérales. Que les partisans du “oui” prennent en compte que le “non” peut gagner...

Gérard Filoche, lundi 31 janvier 2005

Note 1 :
 Le respect de l’état de droit, et de la démocratie, c’est valable pour les socialistes éminents qui dramatisaient, en septembre-octobre dernier le débat du referendum, en affirmant, que jamais ils ne renonceraient au “ oui ”, qu’ils quitteraient même le parti si le “ non ” gagnait... ou à ceux qui envisagaient de tenir meeting avec la droite, ou encore à ceux qui le font avec l’Udf (28 janvier dans la Sarthe). À l’époque, ils ne furent pas confrontés à la même fermeté qui se dessine aujourd’hui... C’est valable aussi pour bien des situations qui ne sont pas régulières dans des fédérations (Seine et Marne... ).
 C’est valable pour Michel Rocard qui déclarait qu’il respectait les souverainistes mais pas les partisans pro-européens du non, qui les qualifiait de malhonnête... Michel Rocard a pu dire le dimanche 16 janvier à une heure de grande écoute, au “Vrai-faux journal” que “ le parcours de Jean-Pierre Raffarin depuis qu’il était Premier ministre était un “sans-faute”, il a défendu en 2003 la réforme Fillon sur les retraites, et condamné les 35 h par la loi, etc. Sans être jamais rappelé à l’ordre, il a même été promu tête de liste dans le grand sud-est aux Européennes, lui qui affirme que l’Europe fédérale est devenue impossible et que seul un “ grand marché peut se construire... ”

Messages

  • Tu cultives l’ambiguïté avec talent, Gérard !
    Tu as su quitter l’extrême-gauche autrefois, à une époque où il ne t’importait plus de "maintenir l’unité", parce que l’unité des courants d’extrême-gauche est fondée sur l’hostilité au capitalisme.
    Le courant politique auquel tu appartiens désormais s’est illustré pour avoir plus privatisé entre 1997 et 2002 que les gouvernements Balladur et Juppé réunis.
    Après, tu as produit un bouquin ("Ces années-là, quand Lionel...") afin de promouvoir la canditature présidentielle sociale-libérale d’un ancien trotskyste austère mais n’assumant pas son passé, et qui du coup, ne se marrait pas beaucoup. Surtout le 21 avril 20002.

    Pourquoi ne quitterais-tu pas le PS ?

  • "L’Europe fédérale" ?

    Pour faire des compromis sur la religion, l’avortement avec la Pologne et l’Irlande ?

    Pour harmoniser les salaires minimums sur les salaires lettons ?

    Ou pour abolir en France l’interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie, comme l’ont fait vos petits camarades députés PS sous le gouvernement Jospin, en application servile d’un diktat européen. La loi datait de 1892, et vous le savez, Gérard Filoche mieux que d’autres.

    Pourquoi êtes-vous aussi pudique sur les circonstances de l’abolition de cette loi protectrice des femmes, votée au nom de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes ?

    Votre silence ne risque-t-il pas de donner l’impression que vous cautionnez égalemnt ce cynisme sans limite ?