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La FSU affirme son profond désaccord avec le projet de constitution qu’elle condamne

Publie le jeudi 3 février 2005 par Open-Publishing
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Texte Europe

La FSU considère que la construction d’une Europe tournée vers la paix, le progrès social et les aspirations démocratiques des peuples est un projet émancipateur qui mobilise beaucoup d’espoirs. Face à la mondialisation libérale et à la puissance des firmes transnationales, elle peut être un point d’appui pour aller vers un monde plus juste.

Le 29 octobre 2004, les chefs d’Etat et de gouvernement ont approuvé le projet de Traité établissant une constitution pour l’Europe, qui est aujourd’hui soumis à ratification par voie référendaire en France.
Se prononcer sur une constitution est une affaire grave et la FSU souhaite que la campagne référendaire permette un véritable débat démocratique qui éclaire les citoyens, respecte la pluralité des opinions et garantisse un accès équitable des différentes expressions aux médias.

La FSU considère qu’il est du devoir d’une organisation syndicale d’organiser la réflexion collective de ses adhérents sur les questions qui sont liées à son champ d’intervention pour leur permettre de débattre et pour contribuer à éclairer le débat public.
La FSU a examiné attentivement le texte qui est soumis au référendum et qu’on ne peut séparer du contexte général des politiques européennes de ces dernières années. Elle l’a fait à partir de ses champs de responsabilité, de ses mandats, de sa conception du syndicalisme et de son expérience.

En donnant une valeur constitutionnelle à des choix de politique économique, exposés jusque dans les détails dans la partie III, ce Traité dénie aux peuples le droit de choisir souverainement l’orientation des gouvernements qu’ils élisent.
L’orientation libérale des politiques constitutionnalisées dans la partie III est incontestable, qu’il s’agisse de la politique monétaire, confiée à la Banque Centrale européenne avec comme seul objectif la stabilité des prix, de la politique économique subordonnée au respect d’« une économie de marché ouverte », de la politique de l’emploi orientée vers « les réformes structurelles du marché du travail » pour accroître la flexibilité de l’emploi, posée comme condition de l’amélioration du « taux d’emploi ». Force est de constater que l’objectif de réduction du chômage n’apparaît pas dans le Traité.

Cette orientation de la politique économique, clairement affichée depuis le Traité de Maastricht, est pourtant loin d’avoir fait ses preuves : la croissance économique est très modeste dans la zone euro depuis 15 ans (1,8 % en moyenne) et l’Union européenne se singularise par le maintien du chômage à un niveau élevé..

Les Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE) , procédure de coordination des politiques économiques selon la « méthode ouverte de coordination », sont décidées dans le secret des accords inter-gouvernementaux, en liaison avec la commission européenne, sans que le Parlement européen puisse en débattre. Les GOPE sont pourtant déterminantes puisqu’elles fixent la ligne générale des politiques économiques qui s’imposent aux Etats à partir du dogme intangible de la limitation des dépenses publiques.
D’autre part, l’Union européenne, par la méthode ouverte de coordination, formule des recommandations dans des domaines qui échappent en principe à sa compétence (l’emploi, la politique sociale, les retraites), mais qui doivent respecter les objectifs fixés par les GOPE de réduction des dépenses publiques.
Sans contrôle parlementaire, et sans que les acteurs sociaux, habituellement consultés dans ces domaines au niveau national, aient la garantie de pouvoir intervenir sur les textes en préparation (sauf quand ils ont les moyens d’une activité permanente de lobbying comme le patronat), des orientations politiques décisives (comme recommander la retraite par capitalisation ou l’épargne retraite, reporter de cinq ans l’âge moyen de cessation d’activité) sont présentées, sans aucun débat public, comme « naturelles » et s’imposant d’évidence comme les « bonnes pratiques ».

Un mécanisme économique, la concurrence, est érigé en principe d’organisation de la société. Le « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » est mis sur le même plan que des valeurs morales, des libertés politiques ou des objectifs sociaux (l’égalité, la solidarité, la justice, la cohésion sociale,...) dont on sait par expérience qu’ils sont peu compatibles avec une société fondée sur la concurrence.

Les références aux nécessaires politiques d’armement des états membres, en lien avec l’OTAN, contiennent en germe des choix politiques et budgétaires qui vont à l’encontre des valeurs de paix que nous portons.

Les services publics ne sont pas inscrits ni dans les valeurs, ni dans les objectifs de l’Union. Le Traité reprend pour l’essentiel les dispositions déjà en vigueur pour les services d’intérêt économique général (SIEG) reconnus par le Traité d’Amsterdam. Les SIEG restent soumis au droit de la concurrence, et peuvent au mieux avoir un statut dérogatoire, soumis à l’interprétation des institutions européennes. Ils ne sont jamais définis par des principes et des critères positifs résultant de la délibération démocratique et du choix des citoyens. Faut-il en conclure que la concurrence est la règle légitime et le choix démocratique l’exception. ?

La logique générale du Traité conduit à faire prévaloir la conception libérale des services publics, celle du service universel. Cette conception, qui réduit le service public à destination des plus démunis, organise la société à deux vitesses, alors que par ailleurs le Traité affiche un objectif de cohésion sociale. Elle est aggravée par l’idée qu’une mission de service public peut être aussi bien assurée par un opérateur privé que public.

Le Traité prévoit une loi européenne sur les SIEG. Il serait hautement souhaitable que l’Union présente un bilan sérieux des résultats des politiques de libéralisation des services publics. Alors que les entreprises publiques sont sommées de prouver leur efficacité, on ne trouve pas trace d’une requête équivalente des institutions européennes envers les opérateurs privés, notamment en ce qui concerne les promesses de baisse des prix et d’amélioration de la qualité du service.

La FSU s’inquiète de ce que la concurrence, qui est souvent une réalité lointaine sur des marchés dominés par des monopoles privés, puisse par contre devenir la loi régissant les rapports sociaux entre les hommes et les rapports entre les Etats.

Le Traité laisse se développer le dumping social et le dumping fiscal.
La FSU estime que la concurrence fiscale conduit à l’affaiblissement des ressources publiques, ce qui ne permettra pas de développer la solidarité au sein des nations, ou entre les nations, ni de financer des grands projets d’éducation, de recherche et d’infrastructures, nécessaires au redressement de la croissance et au plein emploi.

Le Traité reprend en l’état la Charte des droits fondamentaux, adoptée à Nice, charte dont la FSU, lors de son dernier congrès, avait considéré qu’elle « n’était pas acceptable en l’état » !

Ce texte énonce des principes généraux peu contraignants et des droits au rabais : « droit de travailler » contre le droit au travail, droit « à une aide pour le logement » contre le droit au logement. Rien sur le droit des femmes à disposer de leur corps, sur le droit au divorce, sur le droit à un revenu minimum, sur le droit de grève, sur les droits des résidents non-membres de l’union.

L’engagement d’une consultation des partenaires sociaux par la commission, l’existence d’une « clause sociale transversale » dans le Traité ne peuvent compenser toute une logique qui subordonne le social à des lois économiques libérales.

En prenant la responsabilité de publier en janvier 2004 le projet de directive Bolkestein sur la libéralisation des services, qui pousse à l’harmonisation des droits sociaux par le bas, la Commission éclaire de manière inquiétante le Traité.

Dans le domaine de l’éducation, la FSU constate l’influence croissante des politiques éducatives dites européennes, dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne. Tout en affirmant que l’éducation reste de la compétence des Etats, le Traité déclare que « l’Union contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire en appuyant et en complétant leur action ». Cette formulation, utilisée et développée pour les GOPE, la stratégie de l’emploi et la politique sociale, est le fondement juridique de « la méthode ouverte de coordination »

Par cette méthode, les Etats et la Commission fixent des « lignes directrices », établissent des « indicateurs de référence », évaluent les « bonnes pratiques » qui permettent d’atteindre les objectifs fixés et effectuent des recommandations aux Etats sur la base de rapports d’évaluation.

La FSU ne conteste pas le projet d’une coopération au niveau européen dans le domaine de l’éducation, elle conteste le déficit démocratique dans lequel s’élaborent des politiques éducatives européennes.

Des orientations politiques décisives sont choisies sans que les Parlements, les organisations syndicales et l’ensemble des partenaires ne soient saisis.
Les « objectifs », « indicateurs », et « bonnes pratiques » sont présentés comme des évidences alors qu’ils traduisent des orientations bien précises. Celles-ci bénéficient d’une « légitimité européenne » alors qu’elles résultent d’un accord intergouvernemental avec la commission, sans qu’il y ait eu de débat public.

Pourtant, préconiser, comme le font les rapports conjoints de la Commission et du Conseil, la conception d’une éducation soumise à la logique économique de la compétitivité, dominée par l’utilitarisme et l’individualisme (cf les références au capital humain et à l’employabilité), ou la conception de la « gouvernance » du système éducatif selon la logique et les techniques managériales de l’entreprise, n’est pas anodin. En démocratie, de telles orientations devraient se discuter au fond.

La FSU s’inquiète de ce que le ministre français de l’éducation nationale s’appuie sur ces orientations pour légitimer ses propres projets.
Au total, des choix décisifs sont faits le plus loin possible de la délibération démocratique.

Le préambule et surtout l’article 51-3 posent des problèmes sérieux au regard des principes de laïcité que la FSU défend.

Ce texte consacre des orientations qui vont à l’encontre d’une Europe de la justice, des droits, du plein emploi, du progrès social, d’une Europe démocratique.

C’est pourquoi la FSU affirme son profond désaccord avec le projet de constitution qu’elle condamne.

A partir de sa problématique syndicale et de ces analyses, la FSU participera aux initiatives et aux mobilisations qui iront dans le sens d’une Europe plus démocratique, plus sociale et plus juste. Opposée au repli anti-européen, elle recherchera toutes les convergences pour promouvoir une autre conception de la construction européenne.

Elle veut contribuer à l’édification d’un mouvement syndical à l’échelle européenne, capable de proposer une alternative en faveur d’une Europe qui réponde aux aspirations des peuples.