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Le premier train privé de voyageurs est arrivé

par Jean-Pierre Anselme

Publie le lundi 12 décembre 2011 par Jean-Pierre Anselme - Open-Publishing
7 commentaires

Accueilli
par un millier de manifestants, pour la plupart cheminots de Sud rail
et de la CGT, le premier train privé de voyageurs est entré en gare
à Paris, ce lundi 12 décembre.

Le premier train privé de voyageurs est accueilli comme il se doit.

Elles
étaient six en 1938, six compagnies de chemin de fer que l’État
décida alors de fusionner en une seule, la SNCF, face à l’échec de
la concurrence dans un secteur vital pour l’économie du pays. En arrière toute, soixante treize ans plus tard, le lundi 12 décembre
2011, à 9h29, le premier train privé de voyageurs, en provenance de
Venise, est arrivé en gare de Lyon.

Un train de la compagnie
Thello, co-entreprise nouvellement créée par le groupe Véolia
Transdev (privé) associé à l’opérateur italien Trenitalia
(public) (1). « C’est une grande satisfaction pour nous et pour
toutes les équipes
, s’est félicité, dans une déclaration à
l’AFP, son directeur général, Albert Alday, le rail français va
changer d’époque maintenant en passant d’un monopole à un système
ouvert. »

Prise de parole du représentant de Sud rail sur la parvis de la gare de Lyon.

« 
Il ont bien choisi leur moment
,
reconnaît un cheminot CGT, Hervé,
ce n’est pas un hasard
du calendrier,
tous
les regards sont tournés vers les changements d’horaires de la SNCF,
du coup l’arrivée de ce train privé passe presque inaperçue ! »
Le train immobilise lentement
son nez rouge, le conducteur est invisible, les wagons sont quasi
vides de voyageurs.
« La SNCF n’est pas à vendre ! »,
« Tous ensemble, tous ensemble, résistance ! », crie en
continu dans son porte voix, un militant de Sud rail, au milieu de la
cohue des quelques centaines de militants rassemblés sur le quai N
de la gare de Lyon.

Quelques
minutes auparavant, sur le parvis de la gare de Lyon, Henri Gillard, de
Sud rail et Cédric Robert, de la CGT cheminots (les autres syndicats
de la SNCF, la CFDT, FO..., n’étaient pas là), ont pris la parole
pour dénoncer « 
l’ouverture à la concurrence dans le ferroviaire ».

Pas de représentants de la
CGIL et de l’UIL
,
les
principaux
syndicats transalpins, mais une intervention très applaudie d’
un
porte parole de la CUB (Confederation unitaria di base) proche de Solidaires,

Raniero
Casini, venu spécialement d’Italie pour l’évènement afin d’assurer
les cheminots français de l’unité de leur combat contre
« 
des politiques qui visent à toujours moins de service public ».

Environ un millier de manifestants.

Pour
Jean-Luc, cheminot de Sud Rail,
« la privatisation du rail en France va produire les mêmes effets
qu’ailleurs : le trafic va baisser, les tarifs vont augmenter, les
usagers devenus des
“clients”

vont subir une nouvelle baisse de la qualité des services, et les
conditions de travail des cheminots vont encore se dégrader ».

Sud
rail souligne que « 
cette ouverture à la concurrence des trains voyageurs
(…)
se met en place alors que le sénateur UMP Grignon a été nommé au
conseil d’administration de la SNCF en juin, après avoir sorti un
rapport sur la libéralisation du ferroviaire »
plaidant
pour la privatisation des TER.

« Depuis septembre, les assises du ferroviaire organisées par le
gouvernement, tablent également sur la fin du monopole de la SNCF
(…) Notre PDG, Mr Pepy, ainsi que la ministre de l’écologie,
madame Kosciusko-Morizet, sont intervenus, a de nombreuses reprises,
sur la nécessité de casser le statut des cheminots, ainsi que le
RH0077 ».

Banderole de Sud rail sur le quai d’arrivée : « Concurrence = fin du service public »

Précision
 : le « RH077 » régit
l’utilisation des agents SNCF, le nombre de repos, les horaires et
amplitude de travail... Pas de RH077 pour les conducteurs de Thello,
la direction de Véolia a décidé de leur appliquer la convention
collective nationale du transport ferroviaire fret qui permet,
notamment, un temps de travail effectif sans coupure de dix heures...
Afin de diviser pour mieux régner, les conducteurs de Thello sont
rattachés au groupe Véolia et le personnel de bord à une filiale
de la Lufthansa, LSG Sky Chefs.

Depuis
que le fret ferroviaire a été ouvert à la concurrence en France,
en 2006, le trafic a été divisé par deux en seulement cinq ans et
le nombre de cheminots travaillant pour cette activité à chuté de
30%. Le pourcentage de marchandises transportées par les trains est
passé de 22% en 2000 à moins de 10% en 2011. Les principaux
bénéficiaires de la concurrence des trains de marchandise sont...
les camions !<

(1)
Créé par Trenitalia et Veolia Transdev, Thello est l’opérateur
alternatif qui prend le relais sur le trajet assuré jusqu’à présent
par Artesia, une coopération commerciale entre la SNCF et
Trenitalia. En février dernier, ces deux compagnies avaient annoncé
qu’elles mettaient un terme à leur alliance. Thello arrive sur le
réseau avec un aller-retour quotidien vers l’Italie. Les trains
partent de la gare de Lyon, où Thello dispose d’un local
d’exploitation ainsi que d’une boutique pour la vente de billets,
proposés à partir de 35 euros pour une cabine six couchettes
jusqu’à 220 euros pour une cabine avec un lit. Thello est présent
sur le marché français avec une quarantaine de voitures louées à
Trenitalia et des locomotives louées à Alkiem, une filiale de la
SNCF. Il espère atteindre le chiffre de 250 000 voyageurs par an et
un taux remplissage autour de 80%. Les trains desserviront Dijon,
Milan, Brescia, Vérone, Vicenza, Padoue et Venise.

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-anselme/121211/le-premier-train-prive-de-voyageurs-est-arrive?onglet=commentaires#comment-1433782

Messages

    • Merci camarade.
      Il s’agit d’un papier qu’il faut rapprocher avec la réorganisation des horaires. Offrir au privé le patrimoine national. Tel était l’objectif. D’ailleurs, ce matin sur BFM, Thibaut le faisait bien remarquer en mettant l’accent sur l’éclatement de la SNCF en 2 sociétés à statut privé (RFF+SNCF). Ce qui me rappelle l’éclatement du rail anglais en 7 sociétés privés et le nombre d’accidents (avec décès de passagers) avant renationalisation avec un coût exorbitant pour les usagers du rail anglais.
      Merci une nouvelle, pour la mise en page, Roberto.

    • Privatisation et chemin de fer : l’exemple britannique
      par Un usager du chemin de fer, Monteur-Ajusteur
      23.05.09

      En 1996, la privatisation des chemins de fer britanniques fut, en Europe occidentale, le premier exemple de privatisation d’un service public ferroviaire d’importance nationale. Quelques années à peine après l’ouverture à la concurrence du réseau ferré national français (environ une dizaine d’opérateurs privés circulent sur le réseau ferré national français, au côté de l’opérateur historique qu’est la SNCF) et les récents incidents graves, il convient de s’appuyer sur l’exemple anglais pour mieux comprendre ce qui se passe ici en France.

      Les conséquences pour les usagers britanniques

      La privatisation de British Rail, (l’équivalent de la SNCF), est devenue le symbole de ce que les privatisations peuvent avoir de désastreux. À l’époque, les financiers prétendaient que le secteur privé fournirait un service plus efficace, de meilleure qualité et moins cher (!)... mais aussi les investissements considérables dont les chemins de fer ont besoin.

      Il n’en fut strictement rien.

      Pour augmenter les sources de profits et les dividendes qu’exigent les actionnaires, les dirigeants de ces nouvelles entreprises n’eurent - dans ce cadre - pas vraiment de choix. Les tarifs augmentèrent, les investissements chutèrent en flèche, deux tiers des emplois cheminots furent supprimés et les coûts de maintenance fûrent réduits en deça du minimum nécessaire à la sécurité des circulations.

      Le nombre d’accidents monta (parallèlement à la courbe des profits toujours plus élevés, comme le fit remarquer les cheminots britanniques) rapidement.

      Plusieurs d’entre eux furent spectaculaires et causèrent de nombreuses morts.

      Parmis eux, l’accident de Southall, en 1997. Cet accident aurait pu être évité si un système de sécurité qui arrête les trains automatiquement en cas de franchissement d’un signal d’arrêt avait été installé, comme demandaient les syndicats cheminots britanniques. Les actionnaires jugeaient ce système trop coûteux.

      Ce système est obligatoire en France, sauf pour certains engins de manoeuvre.

      Celui de Hatfield en octobre 2000 fut causé par la rupture d’un rail dont la défaillance était connue. Il y avait déja eu 90 déraillements (!) au cours des douze mois précédents. Le remplacement du rail en question avait déja été prévu - son remplaçant était posé à côté de la voie - mais ne faisait pas partie des priorités de Railtrack (la compagnie privée gestionnaire du réseau) qui y voyait la, un "coût" et non pas une obligation !

      La fragmentation du réseau obligea également les usagers à devoir prendre plusieurs abonnements, plusieurs billets, en fonction des différentes compagnies la où il n’en fallait qu’un seul avant.

      Et pendant ce temps, à la SNCF ?

      Bien sur, des accidents ont eu lieu sur le réseau ferré national, y compris du temps du monopole SNCF. En revanche, quitte à payer un prix fort, elle put se permettre de mettre en place des mesures concrètes pour empêcher la répétition de ceux-ci. Ainsi, après l’accident de la Gare de Lyon en 1988, la SNCF modifia sa réglementation, renforça les tests psychologiques effectués sur les conducteurs, installa des nouveaux heurtoirs. Elle ordonna l’accélaration de l’installation du système KVB (contrôle de vitesse par balises) sur tout le réseau ferré national.

      Les opérateurs privés de fret en France et les conséquences à la SNCF

      La mise en concurrence en France commencent à produire ses effets. Veolia CARGO a été impliqué dans ce qui aurait pu être une catastrophe ferroviaire en 2008 à Montauban. Les essais de freins (coûteux) avaient été bâclés entre autres erreurs graves. Aujourd’hui, c’est Euro Cargo Rail qui heurte un train Fret de la SNCF, blessant l’agent de conduite SNCF qui a failli y laisser sa peau.

      Et si ce train avait heurté un train de voyageurs ?

      A la SNCF aussi, les dirigeants poussent vers la même chose que leurs concurrents du privé. Ils taillent dans les coûts de maintenance, formation, mesures de sécurité, suppriment du personnel. Ils organisent également le transfert de charge en interne, de l’opérateur "historique" de Fret (qui représente tout de même plus de 90 % du trafic et n’est pas près de perdre sa place de leader), vers des filiales de droit privé SNCF. Ces filiales représentent à elles toutes seules, en volume, l’équivalent de tous les autres opérateurs privés.

      Dans le privé, les cheminots travaillent avec les moyens et les conditions que leur imposent leur patrons. Ce n’est pas sans raisons que dans plusieurs de ces entreprises - même si beaucoup reste à faire - ils ont fait le choix de s’organiser syndicalement pour se faire respecter. Et ils ont bien raison et nous aurions tort de faire porter la responsabilité à ces salariés qui, contrairement à leurs patrons, ne sont pas des dangers publics.

      Conclusion d’un usager du chemin de fer

      S’il doit être donné parole à un usager, que je me permette en tant que tel de dire la chose suivante : de la concurrence, je n’en veux PAS ! Une pensée toute particulière pour l’agent de conduite blessé lors de l’accident.

  • Vous ne précisez nulle part que Thello est un train de nuit, secteur depuis longtemps abandonné par la SNCF au profit du TGV, plus rentable. Le train de nuit est pourtant la seule alternative à l’avion au niveau tarif.
    Qui sait ce qu’était Artesia ? Pas grand monde. Qui sait ce qu’est TGV ? Pub, communication...la terre entière connait.
    Alors, avant de s’indigner sur ce train privé, indignez-vous sur la politique de la SNCF. Si elle faisait son boulot d’entreprise publique, ce train Thello n’existerait pas.